
Ce monde rêve de choses futiles, me disais-je.
Plus que futiles, moins que futiles.
Des choses sans épaisseur et sans poids, me disais-je.
Des choses sans substance, fastidieuses.
Ce sont des rêves fastidieux.
Et il est fastidieux même d’en parler.
Fastidieux même d’y penser.
Ce monde fait un long rêve fastidieux.
Ce monde est une vieille baleine fastidieuse, me disais-je. Je ne veux même pas savoir ce qu’elle recèle en ses entrailles, me disais-je.
On ne rêve même plus de naufrage, me disais-je.
Mais, on est en mai, me dis-je soudain.
Enfin, je me disais cela hier déjà. Et l’on était en mai depuis un jour encore.
Hier déjà, je m’étais dit qu’il fallait écrire.
Non, c’est mal dit: je m’étais dit qu’écrire était la seule chose possible. La seule chose pas trop horrible.
Malheureusement c’était déjà presque impossible.
C’était atroce, forcément.
Mais, idéalement, c’était la chose à faire.
Et je m’étais dit que j’aurais pu écrire autre chose.
Des histoires, par exemple.
Laisser des histoires se développer, croître et multiplier, en parallèle.
Voir ce qui allait advenir. Ce qui pourait. Ce que l’on eût aimé.
Bien sûr, ce serait long.
Sans doute interminable.
Mais il n’y avait rien d’autre à faire.
Et certainement, cela n’intéresserait personne.
Mais celà c’était encore une autre question.
Et puis, personne, c’était déjà beaucoup de monde, tant il y avait de monde dans ce monde sans rêve.
Ecrire était encore la moins futile des futilités, bien qu’écrire ne fût que futile.
Et peu importe, me dis-je, m’étais-je dit.
Il suffit, me dis-je, avais-je pensé.
Et il faut. Il fallait. Il aurait fallu.
C’était ainsi, en vacances. On ne savait plus très bien départager le futile du nécessaire.
Et l’on se levait matin, pourtant.
Et l’on se couchait tôt.
On s’effondrait, faudrait-il dire.
Imposible de se concentrer.
Trop de choses futiles et obsédantes dont même parler décourage, auxquelles même penser semble épuisant.
Je m’aperçois que cela semble abstrait, mais cela ne l’est pas.
Seulement même donner un exemple est hors de question.
Ne donne pas d’exemple, me dis-je fermement.
Sinon, nous avions fait sept ou huit heures de route facile le premier mai.
C’avait été comme d’une fleur.
Et puis, le soleil, la chaleur, le printemps.
Mais après il n’avait plus fait aussi beau.
Nous étions beaucoup restés à l’intérieur.
Etions à peine sortis.
Ne pas rentrer dans les détails.
J’avais un travail à faire et je calculais les découverts d’un compte sur l’autre.
L’angoisse matérielle molle m’empêchait d’être hospitalier à la futilité qu’il m’eût été donné de produire, eussent les conditions matérielles été autres, eussent mes conditions psychiques été autres, mais les conditions sont les conditions et tout cela n’a pas de sens.
Les enfants font trop de bruit, me dis-je.