INTERETS INTERCALAIRES

À Paris aussi, il fait chaud. 30° au lieu de 40°, mais au soleil la différence est minime.
Sinon les banquiers et les notaires sont des êtres malfaisants. J’aurais dû revenir plus tôt pour surveiller le manège de ces vautours. Résultat: la signature de l’appartement est repoussée d’une semaine, ce qui, en terme d’intérêts intercalaires (terme appris ce matin) signifie qu’au lieu de payer cinq jours d’intérêts, si j’avais signé, comme prévu, le 30 juillet, ce sont les 25 jours du mois d’août qui vont venir s’ajouter. Evidemment, je n’étais pas au courant. Deuxième surprise: les frais d’hypothèque (garantie matérielle du crédit) s’élèvent juste à 1350 €. Là aussi, je tombe à la renverse. Ensuite, les frais d’assurance, toujours non spécifiés, vont me coûter la modique somme de 31 € par mois. A quoi s’ajoutent 95 € de charges et mes mensualités de 571 €. Bref je suis lessivé, ruiné, pieds et poings liés. J’ai l’impression d’être livré aux épouvantables usuriers décrits par Balzac dans les Scènes de la vie Parisienne, style Gobseck et consorts. Il faut que je trouve des travaux supplémentaires. Il me faut de l’argent de poche, si je veux pouvoir m’offrir des cafés de temps en temps et prendre le métro.

J’avais encore ces trois clichés, pris sur une péniche à Pékin le soir précédent mon départ. Et je me disais, en contemplant l’immeuble du Capital Club (?) que je me trouvais décidemment dans un non-lieu absolu, une image absolument précise de la globalisation mondiale. Bref, je conçus, sur ce pont, en buvant mon jus d’orange, l’idée d’un film tourné à Pékin, avec des acteurs de toutes nationalités et dont le récit et les dialogues ne feraient aucune référence spécifique à Pékin ou à la Chine.
Reste à trouver le texte. C. suggère de rechercher du côté de la Restauration ou du Second Empire.
Balzac, Gauthier, Maupassant…

Y. est contente de la robe « autrichienne » que je lui ai rapportée. La veste militaire lui va bien également. Et nous avons aussi quelques pièces de vaisselle assez croquignolettes. 
Hier, report Beta-sp de Polyeucte à l’E.S.R.A. Merci à D. (au fond sur la photo ci-dessus). J’ai envoyé la cassette ce matin. C. et A. ont réussi à obtenir leurs visa pour la Suisse et nous sommes convenus de nous retrouver à Locarno le 11. Je suis en train de préparer des cassettes VHS pour la presse et M.S. doit passer pour que nous faisions un planning des travaux de montage d’août.


Hier, suis allé récupérer mon courrier et pris un café avec M. Discussion très Chine et Japon. Hier soir, lecture avec Y. de contes chinois. Très similaire à la Genèse (la Création du Monde) et notamment un texte extraordinaire sur la course du soleil qu’il faudra que je reproduise ici.

Il faut encore que je m’occupe d’aller commander une petite pièce de plastique pour le DAT Spy que je dois restituer à M.R. ce week-end. Je suis tellement fauché que j’ai failli ne pas pouvoir partir à Locarno. Heureusement A.B., qui est comme la chicorée Leroux, un trésor de bienfaits, m’a assuré de toute l’aide possible. Je suis un peu plus tranquille. Je n’aurai qu’à manger du thon et des tomates dans ma chambre d’hôtel. Je garde la ligne.

SINGING IN THE RAIN

Tout seul, on ne peut pas vraiment faire des courses. Je préfère les faire en compagnie de C. Comme ça on peut se donner nos avis. C’est important d’avoir un avis. Donc cet après-midi je suis retourné faire des courses mais je n’ai rien acheté. En revanche, ce matin, à la recherche de cadeaux aux puces, j’ai acheté plein de trucs. Mais que des cadeaux pour moi, en fin de compte. Je me sens un peu coupable. Il faudrait que j’y retourne demain pour acheter des cadeaux pour d’autres.

J’étrenne ma nouvelle SD-card 256 Mo, offerte par C. et je retombe sur cette photo-test du vendeur, faite au moment de l’achat pour vérifier que la carte fonctionne bel et bien.
Toute la journée il pleut, mais j’ai emprunté un parapluie et je patauge joyeusement.
Ce n’est pas évident de trouver un distributeur de billets en état de marche. Au grand magasin, on m’en indique un: « Across the street on the left ». Ce qui dans les faits se traduit par une marche de 25 minutes environ. Notion chinoise des distances.
Aujourd’hui, tout me réussit: je prends toutes sortes de taxis avec la plus insolente fluidité. J’affecte même d’être seulement trop fatigué (« Wo leï leu ») pour faire la conversation.
Ma prof de chinois peut être fière de moi.

En l’attendant, je prends un café au Blu-Bar.
Il y a un happy hour: il faut appuyer sur une télécommande et sur un écran géant apparaît ce que vous avez gagné. Je gagne deux boissons pour le prix d’une. Je bois donc deux cafés au lieu d’un et je suis très énervé. Alors j’écris plein de cartes postales, sans toutefois avoir la certitude de pouvoir les poster (je crois que c’est toute une histoire) avant mon départ.

Ensuite, nous rejoignons C. et A. nous rejoint.
Nous rentrons. 
Il faut que je fasse un peu le psychologue social ce soir parce que C. somatise à mort (migraine, nausée, fièvre, haine du monde) le fait qu’il est temps de remplacer le passeport qu’on lui a volé en mai s’il veut pouvoir voyager en Europe en août et que A. est horriblement traumatisée par les souris qui se foutent de nos gueules sur les marches de l’escalier. Apparemment, les pompiers s’en foutent éperduement, mais C., une fois sorti de sa spirale nevrotique, reprend les choses en main et commandite derechef le service de dératisation. Il est temps de se coucher.

AUTOCRITIQUE

Je ne suis pas un bon touriste, mais ça je le savais. Je n’ai pas vu la Grande muraille, à peine la Cité Interdite. Pas un temple, pas un jardin. 
Et je n’ai presque pas du tout travaillé. Pas pu finir les sous-titres à temps, pas pris de contacts pour montrer Polyeucte ici.
A peine filmé, à peine photographié, à peine écrit, à peine fait des chansons.
Et je n’ai presque rien fait.
Et je n’ai appelé personne, ou presque.
Et je n’ai écrit à personne, ou presque.
Professionnellement, je suis en-dessous de tout.
J’avais pourtant plein de trucs à faire, de dossiers à monter, de coups de fils à passer, de rendez-vous à prendre. Au lieu de quoi, rien. Rien, rien, rien. Rien, ici, en Chine, à Pékin. Ce n’est pas rien.
Et j’ai bêtement fumé plein de cigarettes.
Et je n’ai pas appris à dire grand-chose en chinois.
Et je ne maîtrise toujours pas l’art de prendre un taxi en toute indépendance.

Hier, la voiture était inutilisable. Par accident, ou par malveillance – allez savoir – les vitres et la carrosserie ont été maculées d’une pellicule imperméable d’une matière blanche et opaque. Nous la déposons au garage pour nettoyage et continuons en taxi. Mais, comme C. a oublié ses lunettes de vue au garage, il sera obligé d’y retourner en fin de journée. 
Embouteillages. Nous poursuivons à pied.

D’abord dans le grand magasin de vêtements pour faire quelques emplettes.
Nous prenons un café et C. filme mon auto-critique. Je filmerai la sienne plus tard, dans le taxi qui nous dépose chez J. et P. Pendant que je fais cette auto-critique, j’ai le malheur de donner 5 kwaïs à une dame et c’est un attroupement de mendiantes qui se pressent à notre table, si bien que bientôt la police est obligée d’intervenir. Toute cette action se passe hors-champ.

Et nous voilà sur la terrasse de J. et P., à peu près les mêmes qu’à la maison samedi soir. Ne manquent qu’A., qui est chez ses parents, C-L et B. qui sont je ne sais où. Conversation sur le nombre et la nature des continents. C. et moi maintenons qu’il y en a cinq, mais le chiffre sept semble l’emporter. Propagande américaine, semble-t-il, confusion entre une entité strictement géophysique et une conception géopolitique de la notion. Mais C. doit partir chercher ses lunettes et je suis mis en minorité. D’ailleurs, j’interviens peu. Je suis toujours très mal-à-l’aise dans les groupes. Il faut que je trouve une occupation autistique (comme de faire le DJ, l’autre soir à la fête) ou bien que je crée un sous-groupe de deux ou trois personnes.

J. et P. habitent un des rares houtongs encore intacts de Pékin. Il y subsiste des lieux étonnants, comme ce petit bar-restaurant-lounge-home cinéma. Il y a des grillons dans de minuscules paniers d’osier, une fontaine qui glougloutte, une terrasse en teck avec des balançelles, des fauteuils profonds et moelleux et des spaghettis carbonara. C’est assez charmant. Film improbable: « Le divorce », avec deux blondes américaines à Paris, Melvil Poupaud, Leslie Caron, Thierry Lermitte, Humbert Balzan, Nathalie Richard, Hélène Surgère. Ensuite c’est le Bertolucci avec Liv Tyler et nous sortons boire notre bière sur le toît avec L. et H. (que j’appelle B. depuis l’autre soir, mais il ne s’en est pas rendu compte).

Ce matin, le réveil est difficile. C. n’a pas envie d’aller travailler. Moi non plus.

HOME IS THE PLACE

Top home cinéma maximum depuis nos emplettes d’hier. C. à l’air d’un DJ dans son salon, avec ses deux écrans plats (un nouveau commandé aujourd’hui) qui lui permettent de lire Libé en ligne à la verticale. C’est très pratique et joli à regarder.
Il a fait toute la journée une chaleur difficile à se représenter. Sans doute au-dessus de 40° par moment, ce qui donne l’impression que votre cerveau entre en ébullition. Une foule de fournisseurs se bouscule dans l’appartement et je deviens irrascible. Je veux mourir. Je veux rentrer chez moi. Je n’en peux plus. Très maternellement, C. m’installe dans sa chambre et met l’air conditionné et au bout de quelques instants ça va mieux, ça va beaucoup mieux. Je peux pleurer tranquillement et me reposer un peu. Et après, j’ai une pêche d’enfer et C. m’apprend à faire des exercices zen avec une bassine en cuivre.

Pendant que je me reposais, l’écran géant a été installé et C. a fait un rangement digne de Jeanne Dielmann. Il a aussi invité des amis à venir boire un verre. Il fait frais maintenant (30° tout au plus). Et l’air conditionné pour la pièce du bas devrait normalement être livré demain. Joie ! Sinon, nous avons commencé à jouer avec After Effects en multipliant par cinq la femme de ménage. C. est juste un peu embêté d’avoir perdu plein de musique dans i-tunes. Il a pas mal plu aujourd’hui et je ne suis sorti que quinze minutes pour prendre l’air brûlant et me balader dans les rayons conditionnés du supermarché voisin en me disant que je m’achèterais bien une chemise et un pantalon chinois.

WE ARE THE WORLD, WE ARE THE CHILDREN

Ca va un tout petit peu mieux et de toute façon, dans ces cas-là, le mieux c’est de bouger. Donc, nous retournons faire des courses dans le méga-hyper-marché de l’informatique et achetons un écran plat 17 pouces Viewsonic, une caméra DV Sony DCR PC109E et moults accessoires, un graveur de DVD +- RW Sony firewire et un écran de projection pour regarder les DVD, ainsi que plein de logiciels Adobe.

Toute la journée, la température oscille entre 35 et 40° et je n’arrive pas à savoir si c’est à cause de la fièvre ou de la température que je sue à grosses gouttes. Le problème, c’est que dans tous les magasins, restaurants, cafés et autres immeubles où nous pénétrons, la clim a été mise à fond et que soudain il fait -12°, ce qui n’arrange pas mon nez qui coule sans arrêt. Je mendie des kleenex de rayons en rayons et, heureusement, on m’en donne régulièrement.

Ensuite, nous allons acheter de l’eau, du jus d’orange et autres denrées. Les filles du salon de coiffure nous font de grands « hello! ». En fait, les salons de coiffures sont une activité de couverture ici, c’est bien connu.
A. a préparé des tas de choses délicieuses à manger. La douche fait du bien mais on est de nouveau en nage trois minutes après.

Soirée installation informatique. On va faire joujou avec les gadgets achetés aujourd’hui. Projet de film sur le 4ème périphérique de Pékin, pour lequel nous avons fait des essais caméras en rentrant tout-à-l’heure.

SONY VERSUS JVC

Hier soir, mise en concurrence des deux constructeurs, à la recherche d’un caméscope DV pour C. avec entrées et sorties analogiques/numériques. Deux modèles s’imposent: le DCR PC 109 de Sony et le GR DX77E de JVC. Le JVC est moins cher, mais plus lourd et plus épais. Le Sony est doté d’un socle très pratique pour une installation fixe de montage. Qui va gagner ?

Nous avons réaménagé la grande pièce principale du rez-de-chaussée de la maison de C et finalement opté pour une détermination très Le Corbuséenne de l’espace, découpé en trois fonctions: travail, nourriture, sommeil. Ca reste efficace, les bonnes vieilles méthodes.

A mon tour d’être (encore ?!) malade. Donc, trachéite générale. Nous toussons tous en choeur, ce qui n’a pas empêché A. d’aller travailler.

Après un peu de traduction Polyeuctante ce matin, je m’accorde une pause.
C. n’arrive pas à configurer son serveur smtp: il ne peut, pour l’instant, envoyer des mails qu’à lui-même. C’est un peu limitatif mais, en même temps, c’est aussi ça la Chine.

X’IAN

De retour à Pékin, ce matin (7h00), après trois jours passés à X’ian, l’air est lourd, humide et il fait 35°. Malgré un arrêt maladie de cinq jours, C. s’est déjà fait happer par un déjeuner en ville. Nous avons déposé A. à son bureau ce matin. Elle est malade aussi, à cause de l’air conditionné du train. Le réseau semble fonctionner de nouveau à la maison.

SAMEDI: COFFEE AND CIGARETTES

Départ Vendredi soir à la gare de Pékin. 
Nous prenons le métro pour nous y rendre (nous sommes à la bourre et la circulation est horrible le soir à Pékin). C’est un bon bain de foule. Il ne faut pas hésiter à pousser pour se faire une place.

C’est un peu le psychodrame parce que C. ne sait plus s’il vient ou s’il ne vient pas. Trop de travail. Fièvre. Longues discussions entre lui et A. Déchirements. J’interviens le moins possible mais tout finit par se régler autour de trois pepsis au Kentucky fried chicken. Donc, nous partons.

Le contraste entre la gare et le train est saisissant. D’un côté, au beau milieu de ce qui ressemble davantage à une décharge publique sur une aire d’autoroute qu’à un quartier de la ville, cet entassement pathétique de corps en détresse dans une sorte de hall cradingue, dont tous les équipements (escalators, etc…) sont en panne et la lueur glauque des néons, de l’autre, une fois passée la barrière d’accès au quai (avec rayons x et tout le tralala), des compartiments hi-tech (un écran TFT avec DVD au choix pour chaque couchette, 3 écrans plasma rien que pour le wagon restaurant), des hôtesses en costume, ambiance ouatée, confort moderne, post-moderne, décadent.

Arrivée à X’ian 7h58.
Les autorités, qui avaient rasé tous les monuments (remparts, grande tour de la cloche, mosquée), sont en train de les reconstruire à l’identique mais en plus moderne. C’est très impressionnant.

Nous avions booké au Bell Tower Hotel et allons y prendre un café, mais les papiers de C. sont périmés et on refuse de lui donner une chambre. Nous appelons A. à la rescousse, pour qu’elle donne ses papiers et bookons un autre hotel, le Sheraton. A son arrivée nous sautons dans un taxi (ici, ils sont verts alors qu’à Pékin ils sont rouges) pour nous y rendre. Mais c’est à l’autre bout de la ville et nous décidons d’y prendre seulement un café parce que c’est trop loin de la maison des grands-parents de A. pour y rester. Petit déjeuner continental. Hop, taxi de nouveau, jusqu’au Hyatt, qui a l’air très bien, sauf qu’il est complet. Taxi de nouveau pour retourner au Bell Tower. Mais là, on refuse de nous prendre. Nous sommes grillés dans cette ville, pour de bon.

Finalement, j’irai au Melody Hotel, un peu moins luxueux (mais beaucoup moins cher: 230 yuans = 23 euros la nuit)et C. ira chez les grands-parents d’A. Il n’en peut plus, veut rentrer, a de la fièvre.

Pendant que je me repose en lisant Henri Michaux dans ma chambre, A. emmène C. à l’hopital. Piqûres, perfusion, cinq jours d’arrêt de travail. Je me promène un peu autour de l’hôtel. Il y a un centre commercial avec des boutiques CHANEL, PRADA, GIVENCHY, CHRISTIAN DIOR, etc… Et c’est encore plus cher qu’à Paris. Malgré tout, des gens achètent toutes sortes de fringues, de sacs, de bijoux, de produits de beauté. Il y a de l’argent, ici. Il y a aussi tout ce qu’on veut comme denrées alimentaires d’importation. J’achète des biscuits diététiques suisses, des chips anglais, des pommes néo-zélandaises, du jus d’orange de floride et des litchis chinois. Le tout 70 yuans (7 euros). Plus une paire de chaussettes à 56 yuans.

Cependant, dans les rues du Houtong, plus tard dans la soirée, nous ferons un repas dantesque et délicieux à quatre avec potages, raviolis, brochettes et bières pour 25 yuans en tout. Et les rues (il y a encore des rues ici) sont pleines de mendiants et de gueux. Le collage du supermarché sur le houtong est assez choquant, mais représentatif finalement. Evidemment, plus pour très longtemps: ici aussi on rase à tire-larigot.
Rentré tôt à l’hotel. Une fille débarque dans ma chambre pour me proposer un « massage chineese-style » mais, flairant une entourloupe (peut-être à tort ?), je décline l’offre et retourne à Michaux.  La télévision chinoise est irregardable: 56 chaînes de publicité permanente et de télé-achat.

DIMANCHE : JOURNEE CHINOISE

C. va mieux, après sa deuxième perf. Lui et A. passent me prendre à l’hôtel pour m’emmener au restaurant. C’est l’anniversaire des 90 ans du grand-père. On nous sert 35 plats d’affilée. Nous sommes immédiatement assimilés à l’ensemble de la famille. On nous met à la table des enfants: les groupes sont répartis par génération. C’est le père d’A. (pourtant le gendre du grand-père) qui fait le pont entre les adultes et les grand-parents. Séances de photos.

Puis nous passons chez les grands-parents pour essayer de relever nos e mails. Il y a l’ADSL mais ce n’est pas rapide. Explication: c’est dimanche et tout le monde tire sur le réseau. En général, lorsque je cherche à ouvrir une page, une fenêtre s’ouvre avec, en chinois, l’annonce que la page est indisponible. A ce moment-là « Jo-jo », le cousin d’A. me dit: »try again ». Alors j’essaye de nouveau. Et j’obtiens de nouveau le même message. « Try again », dit Jo-jo. Alors j’essaye encore. Même message. Douze fois. Et soudain: miracle, ça marche ! Il avait raison Jo-jo: il faut insister.

Ensuite, nous allons prendre un café avec les six petits-enfants. Grand concert de téléphones portables. Photos numériques, films potaches, etc… Puis karaoké jusqu’au soir. Assourdissant. Lorsque C. et moi nous mettons à chanter deux ou trois chansons des Beatles nous sentons bien que l’ambiance retombe et n’insistons pas. Nous prétendons être affamés pour prendre congé et visitons le After 8 friend changing club, vide (mais plein d’accueillantes hôtesses), avant de nous rabattre sur la petite rue de la veille pour grignoter quelques brochettes.

Je me suis fait cirer les chaussures et j’ai offert un bon prix (20 yuans et des cigarettes) au cireur, qui a une bonne tête (il ressemble à Pasolini). Pour faire un film ici, il suffit de se balader et de faire son casting. Ces petites rues sont vraiment réjouissantes (et aussi à pleurer devant tant de détresse). Il y a plein de petites vieilles qui font les poubelles et d’enfants des rues noirs de crasse. Mais on peut vivre et manger avec peu. Et on chante et on rigole.

Ensuite, longue et infructueuse balade le long des murs de la ville à la recherche d’une discothèque. Hélas, elle est fermée. Rentré 23 heures. Trop tard, apparemment, pour un massage chinois. Mal de crâne et persécution des moustiques toute la nuit.

LUNDI : SIGHTSEEING

Il ne faut pas oublier que des parents c’est souvent inquiet. Le père d’A., qui aurait voulu que nous décollions à 6h00 du matin pour aller visiter l’armée de statues d’argile de Being Mayong, consent à nous laisser dormir jusqu’à 7 heures. Mais après, branle-bas de combat. Il faut jouer des coudes pour entrer dans le bus et garder des places en menaçant du poing. C’est une vraie bagarre. Ensuite, une heure de route et nous voici sous le soleil de plomb, par quarante degré, à marcher vers le musée. Prix de l’entrée: 100 yuans (10 euros). Vu les milliers de touristes, ça doit être rentable. 


Il faut une heure pour faire le tour du site. C’est beau et impressionnant tous ces soldats alignés, ces dédales immenses de puits creusés pour la tombe de l’empereur. Puis on rentre au pas de course pour être à X’ian à 14h30.

Nous sommes affamés et entrons dans un restaurant, mais le plat que commande le père de A. est une sorte de torture chinoise. Il s’agit d’émietter en très fins morceaux des rondelles de pain dur dans des bols qui seront ensuite trempés de bouillon.
L’opération d’émiettage prend à elle seule 45 minutes. Le truc est insipide et est assez dégoûtant. J’y touche à peine, juste assez pour n’être pas trop grossier et prétends être copieusement rassasié. En fait j’ai assez envie de me précipiter dans le centre commercial pour acheter un paquet de biscuits au müsli et des fruits mais il faut suivre les parents. On se fout un peu de ma gueule, gentiment.

Heureusement, chez les grands-parents, vu qu’on ne sait pas trop quoi me dire, on me donne à manger et je sais dire « merci » (siéssié) alors on me redonne à manger des bananes, des pêches que je fais dégouliner partout. Et on m’apporte une assiette, des serviettes et je dis « siéssié » et tout le monde est content.

Après, il faut encore passer à l’hôpital pour la troisième perf. de C. L’infirmière est un peu troublée par la présence de tant d’étrangers et il suffit que je cligne des yeux pour qu’elle accoure en urgence. Nous prenons un dernier café et filons à la gare où le père d’A. nous attend en faisant les cents pas. Nous n’avons qu’une heure et demie d’avance ! Imaginez qu’on rate le train !

A X’ian, toute la ville ressemble à un immense quartier de la gare: mélange de boutiques, de paysans vendant leurs fruits et légumes, de barbecues sauvages, de ramassages d’ordures, de bars à putes, d’embouteillages de taxi et de stands touristiques. C’est plutôt sympathique. 

Ce matin, l’horreur Pékinoise: des tours de béton, des tours de béton, des tours de béton, des tours de béton. Et à droite ? Des tours de béton. Et à gauche ? Des tours de béton. Et devant ? Des tours de béton. Et derrière ? Des tours de béton. Tiens, on a rasé un nouveau quartier. Tiens, les grues se rapprochent de la maison…
Quelqu’un a grafité un doigt d’honneur au-dessus du signe « Tchaï » (« à détruire ») sur la palissade d’un chantier.

PANNE DE RÉSEAU

Clavier QWERTY sans accent et pas de photos.
Il n’ y a plus de réseau a la maison depuis lundi et le cyber café est tellement censuré qu’il refuse d’ouvrir certaines pages (et encore, fut un temps ou la Chine interdisait l’accès a Google !).

Je prends des cours de chinois tous les matins avec R., une ancienne collègue d’A. qui étudie le français et je commence a pouvoir baragouiner deux ou trois formules. Pas encore de quoi vraiment discuter, mais juste assez pour les questions essentielles. Pour me donner du courage, je me suis acheté une mauvaise guitare coréenne (700 yuans = 70 euros), sur laquelle je compose des chansons en chinois très basiques.

Les sous-titres de Polyeucte n’ont guere avancé et j’ai decide de m’y coller aujourd’hui et demain, dans le bureau voisin de celui de C. a la délégation Europeenne. 

Ce sera donc un blog laconique pour l’instant. On verra si je travaille bien…

MON WEEK END A PÉKIN

Hésitation ce matin. C. est un peu H.S., ce qui ne m’étonne pas, vu son rythme de travail et la nuit dernière passée à discuter et à faire les nerds avec nos ordinateurs portables.
Que faire ? Zoner à la maison (solution qui paraît sage) ou sortir faire du vélo ? Aller aux puces ? Au bureau ? Nous restons quelques bonnes heures à bavarder agréablement avant de décider, puisqu’il pleut, d’aller faire quelques courses.

Et c’est un après-midi d’enfer dans le mégastore informatique pékinois qui s’étend sur deux immeubles de quatre étages, à la recherche de deux écrans plats que C. finira par ne pas acheter, puis par regretter toute la soirée de ne pas avoir achetés pour, enfin, se dire qu’il a eu bien raison de ne pas les acheter, après tout. Une vendeuse fait pour lui un travail de courtière et va négocier les prix dans toutes les boutiques. Des kilomètres de marche dans les rayons. Nous sommes morts de fatigue et de lassitude. Finalement, C. achète un disque dur externe Firewire de 200 Go, deux ventilateurs USB dont un qu’il m’offre (avec aussi un joli briquet en forme de petit livre rouge) et moi une SD-card de 256 Mo pour l’appareil photo, qui va me permettre de faire 11 minutes de vidéo non-stop, ce qui n’est pas du luxe.

Partout, de nouvelles tours, de nouveaux chantiers.
Nous passons devant quelques houtongs encore rescapés, mais pas pour longtemps: les grues sont à la lisière, déjà.
Le temps de faire les courses, deux nouveaux immeubles ont poussé. 

Ensuite, nous retrouvons A. au café, à côté de son bureau.

Nous récupérons un ancien ordinateur, qui pèse très lourd et dont l’écran rendra finalement l’âme en fin de soirée, après deux minutes de fonctionnement réglementaires.
Et puis aussi, nous sommes affamés alors…cérémonie du canard laqué. C’est magnifique, délicieux, divin. Il y a deux bouillons, un avant le canard et un après, le canard qui se mange de trois façons: la peau est trempée dans le sucre et consommée à part, la viande est roulée dans des galettes de riz avec soit des poireaux émincés et une sauce brune, soit du raifort, du concombre et un légume rouge qui ressemble à du radis. Une serveuse me montre tous les gestes. C’est parfait.

Ensuite nous passons au bureau de C. qui doit récupérer des documents, répondre à ses e mails et passer une vingtaine de coups de téléphone. Pendant ce temps, A. télécharge sur un portail chinois des images de l’innondation provoquée par les pluies torrentielles, hier, à Pékin, tandis que nous étions au bureau avec C., sans avoir la moindre idée de l’ampleur des dégâts. C’est assez impressionnant.

Reçu à l’instant un e mail ordurier (commentaire d’un vieux post) mais c’est tellement bête que ça n’existe pas et je le supprime.

INDICATIONS GÉOGRAPHIQUES

Grâce au programme de la communauté européenne sur les indications géographiques (appellations d’origine etc…) il y a une tonne de parmesan à la maison. A. est partie voir ses parents et nous sommes restés entre garçons à la maison avec C., après avoir fait les courses et acheté des DVD de Jia Zhang Ke. Nous buvons du vin et du cognac, partageons nos bibliothèques i-tunes et mettons en place un réseau éthernet, à défaut du Wi-fi, dont C. ne retrouve pas les codes.

En début de soirée, il y a aussi de la salade de thon et beaucoup de coups de téléphone. Je suis très anxieux, sans nouvelle de Y. mais j’arrive enfin à la joindre et elle est dans son train. Soulagement.

Hier soir, global village party. Il était question d’aller faire un pique-nique et de visiter le Palais d’Eté avec des amis de C., rencontrés à la fête mais ce matin, malade (air conditionné), j’ai dû renoncer et dormir jusqu’à midi.
A l’instant (2h42) coup de fil de Y.
Il est temps d’aller dormir.