C’EST LA LUTTE

Il y avait eu du brouillard samedi matin, avant la levée des nuages.
On était restés tranquillement à l’intérieur.
On avait regardé des films dans le studio.
Puis l’on était allé se promener, faire des courses.
Je ne sais plus. J’ai oublié.
Le temps long file bref.

C. était venue pour trois-quatre jours, retour de Saint-Malo.
Moi, bêtement, j’étais resté à attendre à côté d’un téléphone qui ne sonnait pas. Mais j’avais tout de même appris quelque chose. Appris à attendre pour commencer. Mais pas seulement. Des trucs. Des trucs et des machins. 
Lentement. Je m’étais dit j’aurais dû commencer plus tôt.
Mais il ne faut jamais rien regretter. Ca ne sert à rien et ça obère la bonne humeur nécessaire.

Et quand C. était arrivée ça m’avait fait du bien.
C’est agréable de s’occuper de C. et C. s’occupe bien de moi.
On s’occupe bien de nous, avec des riens qui sont tout.
C. fait même ma com’ auprès de la presse qui est venue m’interviewer lundi matin. Puis F. a débarqué de Guadeloupe avec des chansons à masteriser et les affaires reprennent.

Aujourd’hui c’est V. qui revient pour des retouches de mixage du film.

Il faut que je récupère les clefs de A. chez qui je m’installe dès demain.
Puis on prend la route avec C. et on va faire un saut à la campagne.
Retour samedi soir.
Il y a des cartons à trimballer.
En attendant je squatte chez P., qui s’occupe de ma santé depuis lundi.

Vu la banque et la banque me fait confiance.
C’est une bonne chose.
Là, à l’instant, j’attends, à la terrasse du nouveau Monoprix du Forum des Halles, l’ouverture de Darty pour faire l’acquisition d’une imprimante laser.

Il flotte dans l’air l’odeur écœurante et douceâtre des ordures que viennent d’emporter les véhicules de la voirie. Il fait soleil et frais.
J’ai bu un smoothie mangue et fruits de la passion, avec un expresso serré. 
Il va être l’heure.
Tout est en place.
Go.

RUNNING WILD

À force d’enchaîner les journées de silence, de musique et de solitude, j’ai ressenti le besoin d’aller m’asseoir dans une salle de cinéma.

Curieusement, il n’y avait pas de Vélib disponible à Croix de Chavaux hier dans l’après-midi et j’ai finalement dû prendre le métro.

Sans réfléchir, comme les zombies de Roméro reviennent hanter le mall, je fonds directement sur l’UGC Ciné Cité les Halles. Et là, je commence par du lourd, avec Valérian, de L. B., un film construit sur l’idée que certaines vies valent tout simplement plus cher que les autres. Et que certaines ne méritent même pas un plan. Une succession d’assassinats et de massacres se déroule imperturbablement sous le regard épisodiquement compassionnel – mais plus certainement indifférent, voire sadiquement ludique – du couple Valérian-Laureline, davantage intéressés par la perspective d’une plage à venir. Nazi surf must die. Evidemment, je ris beaucoup (intérieurement) à chaque naïveté, à chaque colossal sabot du scénario, à chaque poncif éculé et plus généralement à la laideur ruineuse et étudiée de l’ensemble. Mais l’on ne peut éternellement se moquer et cela n’avance à rien. Je m’abrutis donc avec sûreté.

Le temps d’un bento de sushis trop secs en terrasse du Monoprix, je prends brutalement conscience du fait que cette ville n’est plus la mienne. Je ne suis plus de Paris. Je suis de passage. Et je me sens paradoxalement plus proche de tous ces passants, en étant un moi-même.

Un Coca Light et je replonge, cette fois avec Baby Driver. Guère plus malin, mais avec quelques idées de son (autour de la notion d’acouphène, en particulier, surtout dans le pré-générique). 

D’une manière générale, ce sont des films que j’écoute plus que je ne les regarde. Et d’une manière générale, il s’agit surtout de s’abrutir et de s’oublier un moment. Je n’en peux plus de ce mois d’août vide et déprimant. Besoin d’activité, de travail et de mouvement. Besoin de fatigue. Besoin d’action.

En sortant, vers 22h, message de P.G. qui rentre à l’instant des Cévennes. On va boire, en excès, du Riesling à la terrasse du Bellerive. Je me plains. P.G. me réconforte. Il se plaint. Je le réconforte (mais moins bien, puisque c’était à mon tour de me plaindre).Bref, nous rentrons en titubant et je dors sur place.

Ce matin, migraine mais je saute du lit vers 7h30. Café et hop, Vélib. Montreuil.

Il pleut des hallebardes. Je remplis des papiers destinés à un avocat en ligne.

Je commande une caisse de bouteilles de vin pour remplacer celle que j’ai bue l’autre jour avec G. et les deux T. du studio voisin. 

O. appelle et on discute un bon moment. J’envoie un fichier en upload. Me prépare des pâtes japonaises. Il paraît qu’il ne faut pas mettre de points à la fin des phrases dans un SMS.

KIM JUNG UN N’EST JAMAIS LOIN ET TRUMP NON PLUS

Il faut bien dire que depuis dix jours, à l’exception d’une courte balade en forêt dimanche, mon corps n’a pas beaucoup bougé. 
Le dos est raide.
Il serait bon de s’allonger sur un rouleau à pâtisserie.
Et je le ferai dans un moment.

Mais pour l’instant, j’écoute la Symphonie numéro 4 de Schumann et je redescends doucement.

Il faut bien dire qu’à midi, par désœuvrement (un client devait m’appeler et ne le fit jamais), j’avais prélevé un trait, mince comme un ongle, d’une boulette de shit que m’avait lâchée dans le creux de la main S., l’autre jour, pour me remercier de l’enregistrement-minute.

Je mâchais cette pâte au goût de résine quelques temps et finit de l’avaler avec du café.

Ensuite je déjeunais et j’oubliais la chose.

Au bout d’une heure, je n’étais plus tout à fait dans mon état normal.
Alors j’en ai profité pour étudier une phrase de « Rêverie » du même dont il était question quelques phrases plus haut, Schumann.

Et de fil en aiguille je me suis intéressé à la gamme de Fa et j’ai empilé quelques lignes de piano répétitives, dans l’esprit Steve Reich, jusqu’au moment où je me suis senti un peu comme Charlot dans les Temps Modernes quand il a serré trop de boulons.

Alors, me suis-je dit, il faut aller courir.
Et je suis allé courir.
Avec les Melvins à fond dans le casque.

J’ai rencontré une japonaise avec son chien qui ne voulait plus me lâcher.
Je voyais tous ces mecs courir sous le regard de toutes ces meufs.
Je me suis dit: je cours, je suis sur le marché.

Alors je suis descendu d’un niveau vers le chemin en contrebas.
Pour ne plus être en tête de gondole pendant un petit moment.
Et puis j’y suis retourné, j’en suis reparti, etc.

Quand je me suis senti suffisamment hors d’haleine, je suis rentré.
Pris une douche, bu un thé vert.
Il fallait encore sortir, faire les courses.

C’était la dormition, le quinze août, l’émergence d’une figure, la Vierge, Immaculée.
Merde alors, me suis-je dit, c’est ballot.
Monoprix est fermé, me suis-je dit.
Franprix, me suis-je dit.
Il reste encore Franprix.
Il reste toujours Franprix.