
Ce n’est pas tous les jours facile d’être patient, me disais-je. Surtout lorsqu’il fait chaud.
Cela faisait bien deux heures que je m’échinais sur la conformation d’un montage de film et soudain je me suis dit que, – finalement non – pas ce soir.
Il n’était plus l’heure de s’arracher le peu de cheveux qui me restait.
Cela avait été une journée assez chargée.
Après avoir déposé S. à l’école à 8h30, j’étais rentré faire du ménage, un peu de gym, prendre un douche, plier du linge, accrocher du linge, lancer des lessives, préparer une salade coleslaw, en manger un peu, avec du riz, avant de me mettre enfin à travailler sur quelques variations d’un thème musical pour ce maudit film dont je me di, à présent, que je m’en occuperai demain.
J’avais aussi oublié une visio programmée à 10h avec F.A., médiéviste émérite de l’Université de Nantes, qui a la gentillesse de m’inviter à participer à un projet de recherche consacré aux sons dans les villes à travers le temps.
Heureusement celui-ci m’écrit un mail pour s’inquiéter de mon bien-être, étant donné mon absence au rendez-vous.
Je lance in-extremis Zoom, ce qui nous permet de papoter pendant une demi-heure et d’échanger des idées avec la promesse de se voir bientôt.
R. rentre de se séance de correction de copies du bac dans les bistrots, pleine de projets de conversation, mais je fais mon animal sauvage et demeure plongé dans mes variations, passant de la guitare à la basse et de la basse à la guitare.
Puis, vient le moment de la visite-conseil de notre Property Manager, dans la perspective de notre départ de cet appartement, le 16 juillet.
Elle est flanquée d’un ectoplasme gracile et ombrageux, qui bouge parfois les lèvres sans parvenir à réellement émettre un son et se débrouille pour rester pratiquement invisible et, en tout cas, parfaitement incolore, en rasant de près les murs, tandis que la Property Manager occupe les espaces sonore et visuel avec toute la verve d’une bonhommie carnassière, assise sur un sans-gêne à toute épreuve.
Elle ponctue ses interventions sonores de fous-rires aussi tonitruants qu’artificiels. Un malaise ne cesse de succéder à un autre malaise.
L’objectif semble être de nous pousser à croire que nous allons nous tirer très honorablement de l’état des lieux à venir alors qu’il est manifeste que, derrière l’extase feinte d’une familiarité canaille, une calculatrice bien trempée additionne déjà avec audace toutes les retenues possibles, à seule fin d’être dispensée d’avoir à nous restituer la moindre fraction de notre dépôt de caution.
J’avais oublié de dire que mon emploi du temps avait été légèrement troublé par l’annulation du train Ouigo Nantes-Paris du mardi soir 18h40, en raison d’un défaut de signalisation .
J’avais ainsi été retenu à Nantes une nuit de plus et par suite contraint à décaler un certain nombre de rendez-vous.
Grisé par la douceur estivale de ce mardi soir nantais, et ayant fait l’emplette d’un t-shirt de rechange au centre-ville, je m’étais dit : « tiens, pourquoi ne pas prendre un verre en terrasse? »
Et, hop, j’avais fondu sans crier gare sur les pauvres B.D. et B.K., assis à la terrasse d’Askip – et qui n’avait pourtant rien demandé à personne – pour les abreuver de paroles sans répit jusqu’à une heure avancée de la nuit.
J’en ai eu, après coup, des remords.
Le silence est d’or, on le sait.
J’avais dû déplacer mon rendez-vous au contrôle technique, prévu mercredi matin et finalement réalisé aujourd’hui, jeudi, à 16h, dans la ville de Tremblay-en-France.
Et je dois dire, à mon grand regret, qu’Augustine a échoué au passage, en raison d’une fuite à l’échappement qu’il convient de réparer avant de faire une contre-visite.
Je n’étais pas très content, puisque la voiture sortait justement du garage et j’appelai sur le champ le garagiste pour prévoir une visite au plus tôt.
Entretemps, il faudrait finir ce film, enregistrer une voix pour un autre et en faire également le montage son et aussi avancer de manière significative sur le projet de studio pour E.B.
Tout cela, en sachant que, vendredi prochain, je partirai avec S. pour P*** où nous resterons tous les deux jusqu’à l’arrivée de ses grands-parents maternels le 13 juillet par l’aéroport de Nantes. Le temps presse, comme on peut le voir.