Au bout de deux jours de travaux de rangement, vidage, nettoyage, curetage, enduit, lessivage, peinture, l’appartement est pratiquement comme neuf. Il est redevenu une page blanche. Et nous ne disons pas merci à Mme J., la Property-Manager de la société in’Li, qui ne nous a donné aucune info sur l’horaire et les modalités de l’état des lieux de sortie. Il a fallu remuer ciel et terre pour apprendre, en définitive, qu’elle avait chargé le gardien de s’en occuper aujourd’hui à 14h.
L’Opel Vivario est un bon compagnon dans cette aventure et il rempli jusqu’au dernier centimètre cube. Hier soir, apéro chez R. à la Courneuve et aujourd’hui on dit au-revoir à C. avant d’en finir avec ces procédures administratives et de prendre la route.
J’ai fait des cauchemars incroyables cette nuit mais j’étais beaucoup trop épuisé pour noter quoi que ce soit et maintenant j’ai tout oublié. Du dernier, je me souviens simplement que nous prenions le petit déjeuner avec les Trump. Je lisais le journal et Mme Trump me faisiat remarquer qu’il était tard et qu’il était l’heure de partir pour l’école. Donald me demandait ce que je pensais de l’attribution d’un gros marché informatique de l’État américain et je lui répondait: « Cisco sytems, trop petit. Peut-être Microsoft. » Et il hochait la tête d’un air entendu.
Je viens de prendre rendez-vous avec le garage de Thouars pour faire réparer l’injecteur de la Ford Fiesta, de résilier le contrat Engie et l’assurance habitation de l’appartement, que nous rendons tout à l’heure.
Avec un peu de chance, on pourra utiliser la camionnette pour apporter à la déchetterie tous les déchets végétaux qui traînent dans le jardin.
Il fait gris à Aubervilliers. Il fait frais. Il pleut.
Je n’ai rien écrit ici depuis trop longtemps et j’aurais beau dire que j’étais bien occupé. Taratata. Il faut. Je dois. Bref, donc, je reprends. Et ce n’est pas avec une bonne nouvelle puisque le garagiste de Saint-Arnoult, dont j’attendais des nouvelles depuis lundi, vient d’appeler pour me dire: « Vous pouvez venir chercher votre voiture, elle roule normalement. »
Le problème c’est que je dois en réalité entendre derrière cette phrase, en apparence rassurante, que le moteur est mort. Elle roule normalement, mais elle est susceptible de caler à n’importe quel moment et ne peut plus faire de la route. Le garagiste bégaye au téléphone. Mais je comprends que c’est un problème de segmentation. J’apprends par là-même un nouveau concept. Ah, si j’étais mécanicien ! En l’état de mes connaissances, je dois demander à un professionnel de prendre en charge les réparations et, vu qu’il y en a pour plus de 4000 €, je ne vais pas faire d’acharnement thérapeutique. J’appelle mon garagiste habituel pour prendre conseil. Il n’est pas non plus en faveur d’une réparation du moteur, qui sera trop coûteuse, selon lui. Surtout avec une voiture qui se trouve à 300 km. Fin de vie pour Augustine, donc. Reste à trouver une casse dans les parages.Ah, et il va me falloir une nouvelle voiture.
J’épluche la Centrale des particuliers et j’en vois quelques unes autour de 2000 €. Pour la semaine prochaine, j’ai réservé un utilitaire, qui nous permettra d’aller à Aubervilliers avec R. pour récupérer les dernières affaires, nettoyer l’appartement à fond et rendre les clefs. Pour l’instant, on se débrouille avec une seule voiture, mais avec les parents e R. qui arrivent la semaine prochaine, il va falloir prendre des mesures urgentes. Et tout en écrivant ça, je viens de réserver une Ford Fiesta IV Phase 2 Diesel de 2008, 146 500 km au compteur pour 1850 €, ce qui me paraît raisonnable, un Blabla Car pour aller à Poitiers prendre un train à destination de Paris Montparnasse demain et aller chercher ladite voiture samedi midi à Asnières.
R. est arrivée hier matin à Poitiers. J’ai commencé à travailler sur le montage son d’un film consacré au plafond peint de la cathédrale de Fréjus et il faut aussi que je termine l’étude acoustique des B., avec une Live Room qui s’ajoute au menu. Miam. R. et S. sont partis en début d’après-midi pour aller chercher un petit chat du côté de Saintes, en Charente Maritime. Une dent me fait souffrir. Décidément, c’est une série noire. Tout part en live.
Bon, si je ne me mets pas au travail maintenant, ce n’est pas Pouchkine qui va le faire à ma place.
Quand j’étais rentré vers 18h30 hier, je me disais déjà que cela avait été une journée bien chargée, avec trois visites de studio en compagnie de E.B. et P.B. puis l’enregistrement de la voix de M. avec D. et G. pour un film sur le plafond peint de la cathédrale de Fréjus, les derniers paquetages et le remplissage d’Augustine pour notre départ, à S. et moi, vers P***.
L’été pour la vie.
Las, alors que nous roulions fièrement dans les rayons du soir, voilà-t-il pas que le moteur d’Augustine se met à toussoter. Le start-stop débraye. Plus de puissance. Me voilà à vingt à l’heure. Je sors de l’autoroute. Où sommes nous ? Rambouillet.
Je me dis « vite, de l’huile ». Je sais qu’il faut de l’huile. Que ça va relancer le moteur et que tout repartira comme en quarante. Mais, dans les faits, il est presque 21h et tout est fermé. Il faudrait une station service d’autoroute. À bout de ressources immédiates, j’appelle l’assistance. On nous envoie une dépanneuse. S. a un moment de détresse où il s’imagine qu’on n’atteindra jamais P***. La chatte est stoïque. Pour le moment. On fait diversion. Il y a un Mac Do. Hop, un happy meal pour tromper l’angoisse. J’essaye de recruter parmi l’équipe du fast-food un débrouillard capable d’aller quérir un bidon d’huile. J’ai même un échange sophistiqué avec le manager. Rien. Le dépanneur arrive. Je parviens à le persuader de tenter le coup auprès de la station de la nationale. On appelle. La boutique est fermée mais devant mes arguments et le chantage affectif (la détresse de mon fils de cinq ans), on nous dit qu’on va se débrouiller pour nous aider. On charge Augustine sur la dépanneuse. On file à la station. J’achète deux litres d’huile 0W30. J’en verse un dans le réservoir d’huile de la voiture. Ça redémarre. D’abord lentement, avec le petit signal d’alerte. Et puis le signal disparaît. Tout va bien. Tout est rentré dans l’ordre. On a vaincu les éléments. On est des guerriers. On est des ninjas. Le dépanneur me dit: « roulez derrière moi jusqu’à la prochaine sortie, qu’on en ait le cœur net ». Alors on roule derrière lui et tout va bien. On signe la décharge. On se quitte bons amis dans le couchant. C’est reparti. Allez, la nuit est encore longue. Hop, on prend l’autoroute. Plus de signal d’alerte. On accélère. Cent dix, cent vingt, cent trente. On est des aventuriers, mec. On est des héros. Et tout à coup. Plop, plop, plop. Alerte. Veuillez contrôler votre moteur. On retombe à trente. On est sur l’autoroute en feux de warning. On passe à vingt cinq. Deuxième, première, deuxième, troisième, deuxième, première. On passe à quinze. Je me dis: « on s’arrête, je remets un litre d’huile et on roule jusqu’à la prochaine station service ». Alors on fait ça. On s’arrête sur la bande d’arrêt d’urgence, tous feux clignotants. A chaque fois que je vois quelqu’un arrêté au bord de la route sur la bande d’arrêt d’urgence, je me dis que je n’aimerais pas être à leur place et là, j’y suis. Bon, faut pas traîner. Hop remplir, reboucher, repartir. Il fait bien nuit maintenant. On redémarre, mais c’est poussif. J’y vais mollo. On roule pépère. A quarante, cinquante, soixante, quatre-vingt. Allez, on va aller jusqu’à la prochaine station à quatre-vingt dix. Garder les warnings. On est à cinq kilomètres. Quatre kilomètres. Trois. Ca commence à tousser. Contrôlez votre moteur. On dévale les vitesses. Allez, on y est presque. On y est. On s’arrête devant la boutique Shell. Je rappelle l’assistance. Nouvelle dépanneuse. On laisse Augustine au dépôt. Un taxi vient nous chercher et nous emmène à Rambouillet. Hôtel Mercure. Relais du Château. Quatre étoiles. On s’imagine dans le jacuzzi. En fait, pas de jacuzzi. Il y a une salle de sport mais elle ferme à 23 heures. On bricole une litière pour Uranus avec un carton et du scotch. On nous donne des bols pour ses croquettes et son eau. S. est surexcité mais il faut dormir. Dodo à deux heures du mat. Réveil à huit. Petit déjeuner royal: œufs brouillés, bacon, saucisses, haricots, fromage blanc et fruits frais, banana bread, crêpes, tartines au jambon. Un Uber vient nous chercher pour nous emmener près de Chartres où l’on doit récupérer une voiture de location pour poursuivre notre route. Au moment de partir, on ne retrouve plus Uranus. Elle est pourtant dans la chambre. La porte est restée fermée. La fenêtre est restée fermée. On n’a pas bougé. On a regardé sous le lit, sous l’armoire, sur l’armoire, dans le frigo, dans des espaces manifestement trop petits pour accueillir un chat, même souple. Rien. On dit à la réceptionniste qu’on a perdu notre chat, qu’on doit aller chercher une voiture, qu’on revient.
« – C’est une femelle ? », elle demande. « – Oui », je réponds « – Elle s’appelle comment ? » « – Uranus » Elle sourit. « – On va vous la retrouver, allez chercher votre voiture ».
On ne se fait pas trop de bile. On se dit qu’ils vont la retrouver. Que c’est un phénomène paranormal en apparence mais qu’il doit y avoir une explication rationnelle. Pendant qu’on roule, on réalise que le loueur est à quarante cinq minutes de l’hôtel. Donc une heure et demie aller-retour. Ensuite, il faudra aller à Saint-Arnould, au garage, récupérer le contenu, ou au moins une partie du contenu d’Augustine. En chemin l’hôtel appelle. Ils l’ont retrouvée. Elle était sous le lit (on avait regardé quinze fois sous le lit). Je ne sais pas comment elle s’était cachée. Je ne veux pas savoir. Du moment qu’elle est retrouvée, tout va bien. On prend la voiture à Saint-Arnould. Une Renault Captur. Quand S. avait trois ans, il était obsédé par les Renault Captur et les reconnaissait à cent mètres dans une rue la nuit. Aujourd’hui, même le nom ne lui dit rien. Ça dure un peu des heures. Le type est nonchalant et ponctue son discours par des « yes » extatiques. À treize heures, on est de retour à l’hôtel. On récupère Uranus et le chargeur de téléphone que j’avais oublié. Allez, on repart. On a retrouvé la foi. On est tiré des ronces. On passe au garage. On charge l’essentiel. Je laisse dans la voiture des cartons, les guitares et la basse. On les récupèrera la semaine prochaine. On est partis. Smiling Cobra. Rattlesnake. On est des aventuriers. Tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus forts.