AUTOCRITIQUE

Je ne suis pas un bon touriste, mais ça je le savais. Je n’ai pas vu la Grande muraille, à peine la Cité Interdite. Pas un temple, pas un jardin. 
Et je n’ai presque pas du tout travaillé. Pas pu finir les sous-titres à temps, pas pris de contacts pour montrer Polyeucte ici.
A peine filmé, à peine photographié, à peine écrit, à peine fait des chansons.
Et je n’ai presque rien fait.
Et je n’ai appelé personne, ou presque.
Et je n’ai écrit à personne, ou presque.
Professionnellement, je suis en-dessous de tout.
J’avais pourtant plein de trucs à faire, de dossiers à monter, de coups de fils à passer, de rendez-vous à prendre. Au lieu de quoi, rien. Rien, rien, rien. Rien, ici, en Chine, à Pékin. Ce n’est pas rien.
Et j’ai bêtement fumé plein de cigarettes.
Et je n’ai pas appris à dire grand-chose en chinois.
Et je ne maîtrise toujours pas l’art de prendre un taxi en toute indépendance.

Hier, la voiture était inutilisable. Par accident, ou par malveillance – allez savoir – les vitres et la carrosserie ont été maculées d’une pellicule imperméable d’une matière blanche et opaque. Nous la déposons au garage pour nettoyage et continuons en taxi. Mais, comme C. a oublié ses lunettes de vue au garage, il sera obligé d’y retourner en fin de journée. 
Embouteillages. Nous poursuivons à pied.

D’abord dans le grand magasin de vêtements pour faire quelques emplettes.
Nous prenons un café et C. filme mon auto-critique. Je filmerai la sienne plus tard, dans le taxi qui nous dépose chez J. et P. Pendant que je fais cette auto-critique, j’ai le malheur de donner 5 kwaïs à une dame et c’est un attroupement de mendiantes qui se pressent à notre table, si bien que bientôt la police est obligée d’intervenir. Toute cette action se passe hors-champ.

Et nous voilà sur la terrasse de J. et P., à peu près les mêmes qu’à la maison samedi soir. Ne manquent qu’A., qui est chez ses parents, C-L et B. qui sont je ne sais où. Conversation sur le nombre et la nature des continents. C. et moi maintenons qu’il y en a cinq, mais le chiffre sept semble l’emporter. Propagande américaine, semble-t-il, confusion entre une entité strictement géophysique et une conception géopolitique de la notion. Mais C. doit partir chercher ses lunettes et je suis mis en minorité. D’ailleurs, j’interviens peu. Je suis toujours très mal-à-l’aise dans les groupes. Il faut que je trouve une occupation autistique (comme de faire le DJ, l’autre soir à la fête) ou bien que je crée un sous-groupe de deux ou trois personnes.

J. et P. habitent un des rares houtongs encore intacts de Pékin. Il y subsiste des lieux étonnants, comme ce petit bar-restaurant-lounge-home cinéma. Il y a des grillons dans de minuscules paniers d’osier, une fontaine qui glougloutte, une terrasse en teck avec des balançelles, des fauteuils profonds et moelleux et des spaghettis carbonara. C’est assez charmant. Film improbable: « Le divorce », avec deux blondes américaines à Paris, Melvil Poupaud, Leslie Caron, Thierry Lermitte, Humbert Balzan, Nathalie Richard, Hélène Surgère. Ensuite c’est le Bertolucci avec Liv Tyler et nous sortons boire notre bière sur le toît avec L. et H. (que j’appelle B. depuis l’autre soir, mais il ne s’en est pas rendu compte).

Ce matin, le réveil est difficile. C. n’a pas envie d’aller travailler. Moi non plus.

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