De retour à Pékin, ce matin (7h00), après trois jours passés à X’ian, l’air est lourd, humide et il fait 35°. Malgré un arrêt maladie de cinq jours, C. s’est déjà fait happer par un déjeuner en ville. Nous avons déposé A. à son bureau ce matin. Elle est malade aussi, à cause de l’air conditionné du train. Le réseau semble fonctionner de nouveau à la maison.
SAMEDI: COFFEE AND CIGARETTES
Départ Vendredi soir à la gare de Pékin.
Nous prenons le métro pour nous y rendre (nous sommes à la bourre et la circulation est horrible le soir à Pékin). C’est un bon bain de foule. Il ne faut pas hésiter à pousser pour se faire une place.
C’est un peu le psychodrame parce que C. ne sait plus s’il vient ou s’il ne vient pas. Trop de travail. Fièvre. Longues discussions entre lui et A. Déchirements. J’interviens le moins possible mais tout finit par se régler autour de trois pepsis au Kentucky fried chicken. Donc, nous partons.
Le contraste entre la gare et le train est saisissant. D’un côté, au beau milieu de ce qui ressemble davantage à une décharge publique sur une aire d’autoroute qu’à un quartier de la ville, cet entassement pathétique de corps en détresse dans une sorte de hall cradingue, dont tous les équipements (escalators, etc…) sont en panne et la lueur glauque des néons, de l’autre, une fois passée la barrière d’accès au quai (avec rayons x et tout le tralala), des compartiments hi-tech (un écran TFT avec DVD au choix pour chaque couchette, 3 écrans plasma rien que pour le wagon restaurant), des hôtesses en costume, ambiance ouatée, confort moderne, post-moderne, décadent.
Arrivée à X’ian 7h58.
Les autorités, qui avaient rasé tous les monuments (remparts, grande tour de la cloche, mosquée), sont en train de les reconstruire à l’identique mais en plus moderne. C’est très impressionnant.
Nous avions booké au Bell Tower Hotel et allons y prendre un café, mais les papiers de C. sont périmés et on refuse de lui donner une chambre. Nous appelons A. à la rescousse, pour qu’elle donne ses papiers et bookons un autre hotel, le Sheraton. A son arrivée nous sautons dans un taxi (ici, ils sont verts alors qu’à Pékin ils sont rouges) pour nous y rendre. Mais c’est à l’autre bout de la ville et nous décidons d’y prendre seulement un café parce que c’est trop loin de la maison des grands-parents de A. pour y rester. Petit déjeuner continental. Hop, taxi de nouveau, jusqu’au Hyatt, qui a l’air très bien, sauf qu’il est complet. Taxi de nouveau pour retourner au Bell Tower. Mais là, on refuse de nous prendre. Nous sommes grillés dans cette ville, pour de bon.
Finalement, j’irai au Melody Hotel, un peu moins luxueux (mais beaucoup moins cher: 230 yuans = 23 euros la nuit)et C. ira chez les grands-parents d’A. Il n’en peut plus, veut rentrer, a de la fièvre.
Pendant que je me repose en lisant Henri Michaux dans ma chambre, A. emmène C. à l’hopital. Piqûres, perfusion, cinq jours d’arrêt de travail. Je me promène un peu autour de l’hôtel. Il y a un centre commercial avec des boutiques CHANEL, PRADA, GIVENCHY, CHRISTIAN DIOR, etc… Et c’est encore plus cher qu’à Paris. Malgré tout, des gens achètent toutes sortes de fringues, de sacs, de bijoux, de produits de beauté. Il y a de l’argent, ici. Il y a aussi tout ce qu’on veut comme denrées alimentaires d’importation. J’achète des biscuits diététiques suisses, des chips anglais, des pommes néo-zélandaises, du jus d’orange de floride et des litchis chinois. Le tout 70 yuans (7 euros). Plus une paire de chaussettes à 56 yuans.
Cependant, dans les rues du Houtong, plus tard dans la soirée, nous ferons un repas dantesque et délicieux à quatre avec potages, raviolis, brochettes et bières pour 25 yuans en tout. Et les rues (il y a encore des rues ici) sont pleines de mendiants et de gueux. Le collage du supermarché sur le houtong est assez choquant, mais représentatif finalement. Evidemment, plus pour très longtemps: ici aussi on rase à tire-larigot.
Rentré tôt à l’hotel. Une fille débarque dans ma chambre pour me proposer un « massage chineese-style » mais, flairant une entourloupe (peut-être à tort ?), je décline l’offre et retourne à Michaux. La télévision chinoise est irregardable: 56 chaînes de publicité permanente et de télé-achat.
DIMANCHE : JOURNEE CHINOISE
C. va mieux, après sa deuxième perf. Lui et A. passent me prendre à l’hôtel pour m’emmener au restaurant. C’est l’anniversaire des 90 ans du grand-père. On nous sert 35 plats d’affilée. Nous sommes immédiatement assimilés à l’ensemble de la famille. On nous met à la table des enfants: les groupes sont répartis par génération. C’est le père d’A. (pourtant le gendre du grand-père) qui fait le pont entre les adultes et les grand-parents. Séances de photos.
Puis nous passons chez les grands-parents pour essayer de relever nos e mails. Il y a l’ADSL mais ce n’est pas rapide. Explication: c’est dimanche et tout le monde tire sur le réseau. En général, lorsque je cherche à ouvrir une page, une fenêtre s’ouvre avec, en chinois, l’annonce que la page est indisponible. A ce moment-là « Jo-jo », le cousin d’A. me dit: »try again ». Alors j’essaye de nouveau. Et j’obtiens de nouveau le même message. « Try again », dit Jo-jo. Alors j’essaye encore. Même message. Douze fois. Et soudain: miracle, ça marche ! Il avait raison Jo-jo: il faut insister.
Ensuite, nous allons prendre un café avec les six petits-enfants. Grand concert de téléphones portables. Photos numériques, films potaches, etc… Puis karaoké jusqu’au soir. Assourdissant. Lorsque C. et moi nous mettons à chanter deux ou trois chansons des Beatles nous sentons bien que l’ambiance retombe et n’insistons pas. Nous prétendons être affamés pour prendre congé et visitons le After 8 friend changing club, vide (mais plein d’accueillantes hôtesses), avant de nous rabattre sur la petite rue de la veille pour grignoter quelques brochettes.
Je me suis fait cirer les chaussures et j’ai offert un bon prix (20 yuans et des cigarettes) au cireur, qui a une bonne tête (il ressemble à Pasolini). Pour faire un film ici, il suffit de se balader et de faire son casting. Ces petites rues sont vraiment réjouissantes (et aussi à pleurer devant tant de détresse). Il y a plein de petites vieilles qui font les poubelles et d’enfants des rues noirs de crasse. Mais on peut vivre et manger avec peu. Et on chante et on rigole.
Ensuite, longue et infructueuse balade le long des murs de la ville à la recherche d’une discothèque. Hélas, elle est fermée. Rentré 23 heures. Trop tard, apparemment, pour un massage chinois. Mal de crâne et persécution des moustiques toute la nuit.
LUNDI : SIGHTSEEING
Il ne faut pas oublier que des parents c’est souvent inquiet. Le père d’A., qui aurait voulu que nous décollions à 6h00 du matin pour aller visiter l’armée de statues d’argile de Being Mayong, consent à nous laisser dormir jusqu’à 7 heures. Mais après, branle-bas de combat. Il faut jouer des coudes pour entrer dans le bus et garder des places en menaçant du poing. C’est une vraie bagarre. Ensuite, une heure de route et nous voici sous le soleil de plomb, par quarante degré, à marcher vers le musée. Prix de l’entrée: 100 yuans (10 euros). Vu les milliers de touristes, ça doit être rentable.
Il faut une heure pour faire le tour du site. C’est beau et impressionnant tous ces soldats alignés, ces dédales immenses de puits creusés pour la tombe de l’empereur. Puis on rentre au pas de course pour être à X’ian à 14h30.
Nous sommes affamés et entrons dans un restaurant, mais le plat que commande le père de A. est une sorte de torture chinoise. Il s’agit d’émietter en très fins morceaux des rondelles de pain dur dans des bols qui seront ensuite trempés de bouillon.
L’opération d’émiettage prend à elle seule 45 minutes. Le truc est insipide et est assez dégoûtant. J’y touche à peine, juste assez pour n’être pas trop grossier et prétends être copieusement rassasié. En fait j’ai assez envie de me précipiter dans le centre commercial pour acheter un paquet de biscuits au müsli et des fruits mais il faut suivre les parents. On se fout un peu de ma gueule, gentiment.
Heureusement, chez les grands-parents, vu qu’on ne sait pas trop quoi me dire, on me donne à manger et je sais dire « merci » (siéssié) alors on me redonne à manger des bananes, des pêches que je fais dégouliner partout. Et on m’apporte une assiette, des serviettes et je dis « siéssié » et tout le monde est content.
Après, il faut encore passer à l’hôpital pour la troisième perf. de C. L’infirmière est un peu troublée par la présence de tant d’étrangers et il suffit que je cligne des yeux pour qu’elle accoure en urgence. Nous prenons un dernier café et filons à la gare où le père d’A. nous attend en faisant les cents pas. Nous n’avons qu’une heure et demie d’avance ! Imaginez qu’on rate le train !
A X’ian, toute la ville ressemble à un immense quartier de la gare: mélange de boutiques, de paysans vendant leurs fruits et légumes, de barbecues sauvages, de ramassages d’ordures, de bars à putes, d’embouteillages de taxi et de stands touristiques. C’est plutôt sympathique.
Ce matin, l’horreur Pékinoise: des tours de béton, des tours de béton, des tours de béton, des tours de béton. Et à droite ? Des tours de béton. Et à gauche ? Des tours de béton. Et devant ? Des tours de béton. Et derrière ? Des tours de béton. Tiens, on a rasé un nouveau quartier. Tiens, les grues se rapprochent de la maison…
Quelqu’un a grafité un doigt d’honneur au-dessus du signe « Tchaï » (« à détruire ») sur la palissade d’un chantier.