
Je n’aime ni commander ni obéir.
Bien sûr, je peux faire et l’un et l’autre. Ce qui est humain est à la porté de qui est humain.
Mais l’un et l’autre, sans plaisir.
Cela porte à éviter la compagnie de qui aime à commander, de qui aime à obéir.
Cela condamne à un certain retrait, à une certaine solitude.
C’est pour cela que j’écris.
Chaque jour est un texte du grand texte et chaque jour s’emploie à détramer à mesure le texte qui se tisse.
P.G. me faisait remarquer qu’il fallait bien tout de même adresser cela à quelqu’un.
Il fallait, si peu que ce fût, être amoureux de quelqu’un à qui adresser – même fictivement – cela que l’on produit, que l’on écrit. Alors, en marchant, de retour du club de gymnastique, je fais défiler dans ma tête les amoureuses putatives.
De la première qui survient, je me dis:
– Elle est trop facile, elle est trop glissante. Je ne l’aime pas.
De la deuxième:
– Elle est trop pressante, elle est trop pressée. Je ne l’aime pas.
De la troisième:
– Elle est trop distante, elle est trop fermée. Je ne l’aime pas.
De la quatrième:
– Elle est trop absente, elle est trop lointaine. Je ne l’aime pas.
De la cinquième:
– Elle est trop précieuse, elle est trop précise. Je ne l’aime pas.
De la sixième:
– Elle est trop potache, elle est trop familière. Je ne l’aime pas.
De la septième:
– Elle est trop sévère, elle est trop concentrée. Je ne l’aime pas.
Il n’est pas facile d’aimer, me dis-je. Il n’est pas facile de dire que l’on aime. De dire ce que l’on aime lorsque l’on dit que l’on aime. De dire qui aime, qui en soi-même, aime. Car l’on est dialogue, l’on est opposition, l’on est schize, l’on est conflit, conjonction, conjugaison. L’identité, c’est bon pour les couillons, me dis-je.
Depuis que j’ai supprimé Facebook et Messenger de mon téléphone, je ne m’en sers pratiquement plus. Du coup, j’ai même passé un coup de téléphone, hier, à S., ce qui ne m’était pas arrivé depuis longtemps: appeler quelqu’un sans raison particulière, juste comme ça, pour entendre sa voix. C’est drôle. Avant, j’étais allé au cinéma, voir Assassin’s Creed, dont je n’ai rien à dire sinon qu’il me semble que c’est le premier film américain véritablement pro-Daesh (le crédo des assassins, opposés aux templiers, jusqu’à l’apologie du martyre et au nihilisme conceptuel: il n’y a pas de loi, pas de morale, rien n’existe hors du crédo).
Puis en sortant, j’étais allé voir Harmonium, dont toute la trame me paraît cousue de fil blanc. Deux choses m’intéressent: le visage de l’actrice, apparemment entièrement dû à la chirurgie esthétique et l’aspect « vidéo » de l’image. Bien qu’en haute définition, j’y retrouve cette texture vidéographique des années télé. Je me demande si c’est dû au 60 Hz. En quoi cela consiste-t-il exactement ? En une trop grande impression de netteté ? Une profondeur de champ et un contraste excessifs ? Je ne sais pas exactement.
Il y a une dureté lisse de l’image. Une irréalité dégoûtante des couleurs.
Je ne sais pas si ce peut être intéressant esthétiquement.
Je veux dire, je ne sais pas s’il est possible d’en tirer quelque chose. S’il est possible de préférer ce type d’image au rendu plus « cinéma », à l’illusion du cinéma.
En rentrant, j’avais eu envie de figatellu, mais il n’y en avait plus. Alors j’ai pris de la poitrine fumée. J’ai eu envie de vin aussi. Alors j’ai pris un petit Moulis 2012. Y. s’était fait de la soupe, C. voulait des gnocchis et je me suis préparé des pipe rigate, avec la poitrine fumée, un reste de saucisses, du piment d’Espelette, de l’ail, des tomates, deux petits choux de Shanghai et du vin blanc.
En ce moment, chaque semaine, je prends et je perds un ou deux kilos. Je passe ma vie entre 70 et 72kg.
En milieu de semaine, c’est la pause protéines et je perds un ou deux kilos.
En fin de semaine et en début de semaine suivante, c’est la fiesta et je reprends un ou deux kilos.
Ca se stabilise, donc.
Aujourd’hui, comme tous les mercredis, j’emmène C. manger des sashimis, marquant ainsi le début du cycle protéines.
C’est très réglé tout ça. Très rituel. Confucius m’habite.