Merci D.B. pour ce beau tirage, que S. n’attendait plus, tellement il l’avait attendu avec impatience, et qui arrive finalement à point nommé. C’est la carte postale promise pour la maîtresse chérie adorée vénérée tchoum tchoum.
Et voilà, il suffit d’attendre et de garder foi en l’impression.
La lumière était encore magnifique ce matin, avec ces frimas en suspension dans l’aurore. Je ne sais pas si on peut en toute rigueur parler de frimas, s’agissant de brouillards sans doute trop tièdes pour être givrants. Enfin, juste à la limite. Disons de fines nappes de brouillard flottant au raz des champs, aux raz des éoliennes. Et la lune toute pleine était encore bien visible et bien haute dans le ciel. Mais on ne peut pas photographier correctement la lune avec un téléphone. Il faudrait des filtres, des optiques spéciales.
S. avait encore mal dormi. Angoissé à l’idée de devoir aller au sport. Alors, une bonne fois pour toutes, il est établi qu’il n’ira pas au sport, que l’on renonce à l’inscription. Il peut dormir sur ses deux oreilles. Il peut cesser d’être malade tous les matins.
J’attrape S., un co-voitureur, à Bressuire, que je dépose à Nantes.
On ne parle pas. On écoute de la musique. Il passe des coups de fil. On parle un peu. Il vient des Comores. Il vit à Besançon. Travaille à Saint-Nazaire. En mission. On ne parle plus trop. On écoute de la musique. La route est déserte et belle. La lumière est belle.
Devant l’école, Olivier est la seule voiture sur le parvis. Pendant un instant je crains l’imminence d’un événement, mais non, rien.
Avec A.M., on règle les enceintes dans l’auditorium. On refait la balance des volumes entre l’avant et l’arrière. Je mesure la réponse en fréquence, qui n’est pas effrayante à part des résonances dans les basses fréquences et médiums bas, qui sont un peu boueux.
Avec E.D. un peu de travail au studio puis déjeuner. Burger, tiramisu. L’après-midi au studio. Des mails, un peu de son. Puis le séminaire à 18h. Auditoire clairsemé. A peine la moitié de la promo de troisième année.
A un moment, le fait que le son d’une vidéo montrant une performance de l’Encyclopédie de la Parole de Joris Lacoste soit diffusé à un volume excessif plonge quelques personnes dans des affres d’angoisse et il me paraît préférable d’écourter le cours d’un quart d’heure.
Comme aurait dit Francis Cabrel. Et ce tigre, là, c’était au zoo de Beauval, ce week-end, en revenant de chez mon père, dont nous fêtions le quatre-vingt-deuxième anniversaire.
Étant donné que nous sommes restés des heures à attendre que Heloderma Horridum veuille bien bouger son derche et sortir de derrière son rocher, ce qu’il / elle n’a pas fait, une grande partir de cet immense parc nous demeure cachée.
Mais l’équilibre, c’est l’usage de mon temps et je remarque que c’est toujours en fin de journée, au bord de l’épuisement mental, que je me dis: tiens, il faudarit noter deux ou trois trucs. Il faut changer cela. Trouver une discipline différente. Ritualiser. J’y pense, me dis-je.
Et donc, nous sommes rentrés dimanche soir. Je ne suis pas parvenu à ne pas manger du tout le soir, ni dimanche, ni lundi, ce dont je ne suis pas content. Mais ce soir, oui. Et pas un verre. En fait, la recette du succès se trouve dans l’absence d’un verre. Le verre appelle un grignotage, fut-il infime. Donc, pas de verre passé quatorze heures, pour bénéficier d’un véritable intervalle de quinze heures de jeûne, sans quoi point de salut, en terme d’autophagie.
Mais fi de ces considérations; nous avons œuvré, avec S., à la construction d’une cabane cet après-midi, en utilisant trois palettes de bois qui traînaient par ici. Il reste à consolider et à habiller de planches, mais cela fait déjà une belle structure. Trouver des planches.
Ah, et puis la roue arrière du vélo est encore crevée. Il faut que j’arrive à réparer ça. Il faut que je regarde des tutoriels.
J’ai commencé à travailler une partition de piano. Un truc enfantin. Le jeune Mozart. Une véritable torture pour les nerfs mais il faut que je m’y mette avec régularité. Quelques minutes chaque jour. Ensuite, guitare.
Les journées sont trop courtes. Les journées semblent durer dix minutes. C’est horrible. A peine le temps de commencer quelque chose qu’il faut aller chercher S. au centre de loisirs. Il faut choisir entre jardiner, faire de la musique, écrire, faire de la cuisine. On ne peut pas tout faire. Ou alors il faut tout découper en tranches d’une heure. Mais une heure, c’est la durée de l’échauffement.
Deux jours ici, dont la raison initiale – professionnelle – fut annulée et déplacée. Sine die, pour l’instant, mais il faudra bien qu’elle advienne, cette séance d’enregistrement de voix. Nous verrons.
Deux jours de farniente, donc. Deux jours de contemplation. Deux jours de retrouvailles. Hier, dans l’après-midi, un café avec Cy., que je raccompagne chez lui, au Palais Royal. Puis dîner avec Ci (je bois un thé vert, mange sa salade de chou et un peu de son bol de riz). Ensuite, rentré tôt rue des Rigoles, où l’on regarde un navet avec Liam Neeson et Julianne Moore. Un truc qui se passe dans un avion. Non Stop, ça s’appelle. On joue au jeu des 18 erreurs en analysant rétrospectivement les failles abyssales du scénario.
Je me disais, hier, en marchant de Jourdain à Rambuteau qu’il y eut un temps, pas si lointain – mettons il y a vingt ans – un temps où je m’asseyais à une terrasse, n’importe quelle terrasse parisienne, avec la certitude de voir passer dans le quart d’heure qui suivrait au moins une personne de connaissance. Perspective d’un échange, d’une conversation, d’une promenade, d’un déjeuner, d’une aventure, d’une fête, d’un travail, etc. La terrasse comme horizon d’attente flottante, donc.
Aujourd’hui je m’assieds – quand je m’assieds – c’est-à-dire le moins souvent possible et si possible pas du tout, mais quand je m’assieds, pour consommer un café hors de prix, je le fais avec la certitude que je ne vais voir passer personne, ni dans le quart d’heure, ni même dans l’heure qui suit, pour autant que je reste une heure, ce qui n’arrive jamais.
En principe, il vaut mieux ne pas s’asseoir et continuer de marcher. On marche beaucoup dans la ville. 16000 pas hier, sans forcer du tout. Sans même y penser. Rencontré personne. Les galeries sont fermées. Elles sont fermées le dimanche et le lundi. Rien au cinéma qui ne me donne l’envie de m’y arrêter. Marcher, donc, encore et toujours. Il fait beau. C’est un reste d’été entre la fraîcheur du matin et la fraîcheur de la nuit. S’arrêter de temps en temps, parce qu’il faut bien se poser de temps en temps. Vider sa vessie. Remplir sa vessie. Repartir. Etc.
Je peux marcher des heures dans cette ville sans rencontrer personne de connaissance. Je ne connais plus personne. Ce n’est plus une ville pour moi, plus un lieu pour moi. Je croise sans doute plein de gens qui s’attendent à rencontrer une personne de connaissance – et qui d’ailleurs en rencontrent – mais moi, je peux être tout à fait certain que cela ne m’arrivera pas et que je en rencontrerai personne.
Cela me donne un sentiment d’étrangeté, d’irréalité. Je me sens transparent, impalpable. Il ne faudrait pas que je traîne trop longtemps ici. Pas que j’y fasse de vieux os.
Avec Cy, d’abord, puis avec P., on se lamente sur l’état du monde. On se lamente de voir tous les chefs d’états européens s’asseoir à la table de cet immonde porc et applaudir ses paroles et en redemander. On se lamente de constater qu’il ne peuvent pas faire autrement. Qu’ils sont suspendus. Que nous sommes suspendus. On se lamente de l’état de collaboration dans lequel nous nous trouvons, de fait, réduits. On s’attend à l’invasion imminente.
Comment communiquer du courage et de la confiance ? Il faut. C’est ce qu’on se dit au petit-déjeuner, mécontents de s’être laissés aller aux lamentations la veille au soir. Pas se lamenter devant les enfants. Communiquer de l’espoir, du courage, de la combativité. Affronter le gros porc. Les gros porcs. Combattre, s’organiser, s’armer. S’armer de courage et d’espoir.
Ce n’est pas gentil pour les porcs qui sont des animaux sensibles, me dis-je. Ce n’est pas un gros porc, c’est une saleté d’humain. Une saloperie d’humain. Un déchet humain. Une épave humaine. Il ne faut pas dire du mal des cochons, qui sont des êtres estimables, me dis-je.
J’ai de la compassion pour l’assassin de Charles Kirk, me dis-je. C’est un assassinat qui part d’une bonne intention, me dis-je, même si un assassinat n’est jamais une bonne idée. C’est un assassinat qui débarrasse la planète d’un être abject, même si c’est un être humain, après-tout.
Mais, en fin de compte, avant d’être un acte que la morale réprouve, cet assassinat est une erreur stratégique, comme le fait remarquer P. Elle donne l’avantage à l’ennemi. L’ennemi qui s’en repaît et s’en délecte et se vautre dans cette erreur stratégique. N’empêche que j’éprouve de la compassion à l’égard de Tyle Robinson.
Et mon héroïne du jour c’est cette juge brésilienne qu’Ubu-roi voue aux gémonies et s’acharne à punir par tous les moyens possible. Et Lula est un héros aussi. Il n’y a pas de héros européen, dois-je me lamenter. Parce qu’il n’y a pas d’Europe politique et pas d’Europe militaire, dois-je me lamenter. Alors ? Allons nous vers l’Europe ? En avons-nous les moyens ? Le désir ?
C’est à dire à peu près à la vitesse d’un modem 56K et peut-être même plus lentement. C’est l’impression de lenteur que procure le réseau 4G depuis ce train, ce matin. Train en direction de Paris, où je devais enregistrer, demain, des voix, mais l’enregistrement est reporté. Le voyage, ne pouvant être annulé, est maintenu.
Rien n’est perdu, tout est retrouvé. Je serai chez P. et C. pour l’anniversaire de A. à midi et je verrai Ci. ce soir. Demain, j’irai au cinéma, voir quelques galeries, que sais-je encore ?
Déposé la voiture ce matin à Poitiers au parking du Grand Cerf qui est bien aimable et pas cher, bien que limité à 48h, ce qui convient, en l’espèce.
Il fait beau, très beau, dans ce train et dehors. Nous avons remis le chauffage pour les nuits, mais on ne le garde pas pendant la journée.
Hier, beaucoup de jardinage. Couper des branches, sortir des souches d’arbres morts, combattre le lierre, broyer des branches et des déchets végétaux. Le jardin, de l’autre côté de la route, apparaît. Résultat: des courbatures, mais la satisfaction d’un travail accompli.
J’ai bêtement oublié de mettre quelques pots de confiture dans mon sac, pour offrir.
Dans la voiture, écouté le dernier album de Doja Cat, qui n’est pas aussi renversant que le précédent (Scarlet). Puis lu les souvenirs de la Kolyma, une partie du voyage, mais c’est éprouvant.
C’était un peu la panique ce matin parce que les Kickers de S. ne pouvaient plus s’ouvrir. La fermeture éclair était coincée. Et les chaussures commandées deux jours plus tôt n’étaient toujours pas arrivées. Et il pleuvait. Et il avait fallu se résoudre à partir en sandales.
Alors, voyant que la pluie durait et même épaississait, j’étais allé chercher une paire de baskets en taille 34 à l’Intermarché. Je n’avais pas mis beaucoup de temps à choisir le bon modèle: il n’y en avait qu’un seul à cette taille. Des baskets blanches à double lanières. J’étais allé les déposer à l’école à son intention et la gardienne était allé lui apporter les chaussures en classe, directement, sans attendre l’heure de la récré, comme je le lui avait suggéré.
Ensuite j’étais rentré et j’avais passé beaucoup de temps à perdre du temps à acheter un iPhone 13 sur Backmarket puis à annuler la vente parce que l’option « payer en 4 fois » censée être proposée par Paypal ne l’était pas, en réalité. Je me suis dit que Paypal c’était le diable, que Backmarket c’était le diable, que l’iPhone 13 c’était le diable. Tout cela c’était le mal, c’était l’ennemi. En réalité, j’avais besoin d’une petite caméra vidéo avec un son direct tout simplement correct, contrairement à celui de l’iPhone X, qui est épouvantable.
Je me suis pris à rêver une vie sans Backmarket – ça c’était facile – sans Paypal – c’était déjà plus compliqué – et sans iPhone – là c’était un véritable travail. Et puis je me suis mis à m’occuper de la récupération de notre dépôt de garantie, que nous aurions dû recevoir il y a déjà 10 jours au plus tard. J’appelle tous les jours la société in’Li – un autre visage du diable – en demandant des nouvelles de ce dépôt de garantie et à être rappelé par le Property Manager, un certain A.S., qui doit me rappeler depuis dix jours et ne me rappelle pas. J’ai fini par trouver sa page Linkedin, mais, pour lui écrire un message, il faudrait que je m’abonne à Linkedin Premium pour la somme exceptionnellement modique de 14,99 € par mois.
Bien sûr, je me dis qu’il est temps de quitter Linkedin – ce que je ne fais pas, sans doute par lâcheté professionnelle et sans doute ai-je tort.
J’ai travaillé « The Smiling Cobra » des Melvins en Drop D à la guitare sèche, avant d’aller chercher S. à 17h30. J’étais aussi allé filmer la cimenterie et les éoliennes, après un petit passage à la déchèterie dans l’après-midi.
En rentrant, on regarde Jurassic Park III. Je lui prépare des carbonara, mais sans lardons et sans parmesan, on ne peut pas vraiment appeler ça des carbonara. Moi, je me suis fait griller un boudin. Délicieux.
Après, il y a grosse baston de T-Rex et de Spinosaures jusque dans la salle de bain.
Répartition des cimaises sur le plateau Formes du Réel, le 25 septembre 2025. Le son n’est pas bon. Il faut que je change d’appareil. On n’entend rien. Je crois qu’il faudra faire quelque chose. J’hésite entre acheter un nouveau téléphone – celui-ci est en fin de vie – ou un petit caméscope. Ou alors un appareil photo numérique correct. Hum… Les objets, les objets.
Alors il me faudra une veste de combat ? Un plus gros sac ?
Avec S., en traversant les champs entre Availles et la route de Saint-Jouin, nous étions tombés sur deux chevreuils de belle taille. C’était une journée qui commençait bien. J’avais déposé S. au Centre de Loisirs à 8h10 environ, puis j’avais pris la route de Nantes.
Une passagère Blablacar me sollicite de Cholet, où je passe la prendre à 9h04. Nous roulons en silence. Ce n’est pas une causeuse. Je mets de la musique. À 9h52, je suis devant le parking Yespark réservé la veille. J’avais réservé pour dix heures alors je modifie la réservation pour pouvoir rentrer illico. Un euro de pénalité. Je me gare à la place 577, qui était libre et proposée par Yespark.
Je prends le bus n°5 jusqu’à la station Gare de l’État, qui se situe à 100 mètres de l’école.
A l’accueil C. me donne le badge de la studette n°7, où je me trouve maintenant et où j’écris ces lignes maintenant, c’est à dire à 21h48. Mais avant de me retrouver dans la studette 7, je dois donner mon cours d’analyse de séquences et là, rebondissement inopiné, j’ai oublié mon disque dur, celui qui contient tous les films. C’est ballot.
Alors j’improvise. On regarde des séquences de 24h et de Severance. On parle pitch, on parle bible, on parle métaphysique et morale. Et bientôt il es 12h40 et le CROUS n’attend pas. Moi, je vais manger un burger et même une crème brûlée avec un verre de Cabernet-Franc et un café. Voilà. Et après, j’ai rendez-vous au studio son avec quelques étudiants de la situation image. On triture des sons tous l’après-midi, jusqu’à 18h, heure à laquelle je dois donner mon séminaire. Et là, rebondissement inopiné, il n’y a que quatre étudiants sur cinquante. J’annule. Je reporte. J’écris à la coordination. J’écris à la direction. J’écris à la population.
On va boire un verre avec les étudiants de la situation image et puis, tant qu’à faire, on retourne au studio triturer des sons jusqu’à 20h.
Et puis voilà, il est l’heure de rentrer en cellule.
C’était jeudi dernier, à la galerie Paradise de Nantes, une partie des travaux des étudiants diplômés des beaux-arts en 2025. Et donc, je me dis, ça fait une semaine sans rien noter. Pas terrible ça, pas rigoureux. Au moins noter quelque chose. Ne fut-ce que les noms des groupes qui comptent pour Buzz Osborne, Dale Clover et Steven Mac Donald, à savoir, donc, les fameuses Runaways, les non-moins fameux Ramones, sans parler des Rolling Stones, qu’on ne présente pas ou de Miles Davis, qui se passe de commentaires.
Mais oui, donc, me dis-je, il faut noter des trucs. Peu importe quoi. Peu importe combien. C’est la fatigue, me dis-je. C’est la flemme.
Il faut aussi préciser qu’il y avait eu vingt personnes à la maison ces derniers jours. Ça m’avait d’abord angoissé et puis c’était devenu joyeux en advenant. Même si l’entropie me terrifie et que je passe mon temps à ranger et à faire la vaisselle dès que quelqu’un quitte une pièce ou pose son verre ou renverse quelque chose ou bouge une chaise ou ouvre une porte ou une fenêtre ou dit quelque chose ou tourne la tête.
J’avais loué une sono et préparé une playlist. J’avais préparé ma playlist soigneusement, écoutant chaque transition et prenant des notes pour les perfectionner, pour repositionner les morceaux au quart de poil près. J’avais pris des notes pour décrire ce qu’il se passait à chaque transition d’un morceau à l’autre. J’avais noté les associations, les contrastes, les continuités, les ruptures. C’était du travail d’orfèvre.
Et, pour finir, je n’ai pas joué cette playlist. Personne n’avait envie d’écouter cette playlist. Tout le monde voulait écouter sa propre playlist, improvisée sur place et c’est comme ça. Et puis c’était l’anniversaire de R., pas celui de ma playlist. Donc j’ai remballé ma playlist et, probablement, personne ne l’écoutera jamais. Et d’ailleurs, elle est probablement très mauvaise, probablement inaudible, trop pleine d’intentions, trop faite sur mesure, trop pensée, trop voulue, trop convenue. Pas fâché de ne pas l’entendre, cette playlist. Pas fâché de ne plus en entendre parler.
J’écrirais bien encore d’autres trucs. Je noterais bien encore d’autres souvenirs, remarques ou pense-bêtes mais j’ai mal à l’épaule et à l’avant bras parce que j’écris au lit et qu’il est tard et que ça suffit comme ça, nom de dieu.
Je dois avoir un problème, me disais-je. Je ne supporte pas certaines comédies. Par exemple, là, à l’instant, avec The Studio, la série comique d’Apple.
Ce producteur imbécile, insupportable, qui fout tout en l’air par sa seule présence et, pire encore, ou mieux encore, avec ses prétendues bonnes intentions, sa soi-disant cinéphilie., ça devrait me faire rire. Mais non, ça me consterne. Tout ce gâchis me consterne. Ce n’est pas un gâchis réel: c’est un gâchis de fiction, un gâchis de comédie et je devrais en rire. Je peux rire de choses bien pires, mais là, s’agissant de cinéma, je ne sais pas pourquoi. Je dois manquer d’humour. Ne pas supporter un certain type d’humour reposant sur le principe du jeu de massacre. Je crois que ça m’inquiète, que ça m’angoisse. Déjà les Marx Brothers, je ne pouvais pas. Je ne pouvais pas supporter l’anarchie joyeuse et destructrice de Harpo. Il y avait là quelque chose de démoniaque. Comme chez Boulgakov. Mais j’adore Boulgakov, parce que ce n’est pas qu’une comédie. C’est peut-être le manque d’une réelle dimension tragique que je ne supporte pas, me dis-je ? Ou même simplement dramatique ?
Je ne suis pas fier de manquer d’humour à ce point mais qu’y puis-je ? Au bout de quelques secondes je suis obligé d’arrêter, de soupirer, de me lever, d’aller boire de l’eau. Et puis je me dis non c’est ridicule, c’est une comédie, il ne faut pas prendre ça à cœur. Mais je ne peux pas m’empêcher de me sentir embarrassé, mortifié par ce pauvre imbécile. Il me fait pitié et m’inspire de l’horreur tout à la fois.
C’est que je m’identifie à ce pauvre idiot. Je ne vaux pas mieux. Il n’y a pas de quoi rire, me dis-je. Il y a de quoi pleurer, soupirer et pleurer. Comme Martin Scorcese à la fin du premier épisode.
C’était une rentrée épatante. Classe complète et ponctuelle. Participation active. Remarques pertinentes. Et puis ensuite, quelques entretiens avec les étudiants de master. J’ai l’impression qu’il n’y aura pas grand-monde demain. Grève intersyndicale.
On verra. Allez, je regarde la fin de ce deuxième épisode.