LES AVENTURIERS

Quand j’étais rentré vers 18h30 hier, je me disais déjà que cela avait été une journée bien chargée, avec trois visites de studio en compagnie de E.B. et P.B. puis l’enregistrement de la voix de M. avec D. et G. pour un film sur le plafond peint de la cathédrale de Fréjus, les derniers paquetages et le remplissage d’Augustine pour notre départ, à S. et moi, vers P***.

L’été pour la vie.

Las, alors que nous roulions fièrement dans les rayons du soir, voilà-t-il pas que le moteur d’Augustine se met à toussoter. Le start-stop débraye. Plus de puissance. Me voilà à vingt à l’heure. Je sors de l’autoroute. Où sommes nous ? Rambouillet.

Je me dis « vite, de l’huile ».
Je sais qu’il faut de l’huile. Que ça va relancer le moteur et que tout repartira comme en quarante. Mais, dans les faits, il est presque 21h et tout est fermé.
Il faudrait une station service d’autoroute.
À bout de ressources immédiates, j’appelle l’assistance.
On nous envoie une dépanneuse.
S. a un moment de détresse où il s’imagine qu’on n’atteindra jamais P***. La chatte est stoïque. Pour le moment. On fait diversion. Il y a un Mac Do. Hop, un happy meal pour tromper l’angoisse. J’essaye de recruter parmi l’équipe du fast-food un débrouillard capable d’aller quérir un bidon d’huile. J’ai même un échange sophistiqué avec le manager. Rien.
Le dépanneur arrive. Je parviens à le persuader de tenter le coup auprès de la station de la nationale. On appelle. La boutique est fermée mais devant mes arguments et le chantage affectif (la détresse de mon fils de cinq ans), on nous dit qu’on va se débrouiller pour nous aider.
On charge Augustine sur la dépanneuse. On file à la station. J’achète deux litres d’huile 0W30. J’en verse un dans le réservoir d’huile de la voiture.
Ça redémarre.
D’abord lentement, avec le petit signal d’alerte. Et puis le signal disparaît. Tout va bien. Tout est rentré dans l’ordre. On a vaincu les éléments. On est des guerriers. On est des ninjas.
Le dépanneur me dit: « roulez derrière moi jusqu’à la prochaine sortie, qu’on en ait le cœur net ».
Alors on roule derrière lui et tout va bien. On signe la décharge. On se quitte bons amis dans le couchant.
C’est reparti. Allez, la nuit est encore longue. Hop, on prend l’autoroute. Plus de signal d’alerte. On accélère. Cent dix, cent vingt, cent trente. On est des aventuriers, mec. On est des héros.
Et tout à coup. Plop, plop, plop.
Alerte. Veuillez contrôler votre moteur. On retombe à trente. On est sur l’autoroute en feux de warning. On passe à vingt cinq. Deuxième, première, deuxième, troisième, deuxième, première. On passe à quinze. Je me dis: « on s’arrête, je remets un litre d’huile et on roule jusqu’à la prochaine station service ».
Alors on fait ça. On s’arrête sur la bande d’arrêt d’urgence, tous feux clignotants.
A chaque fois que je vois quelqu’un arrêté au bord de la route sur la bande d’arrêt d’urgence, je me dis que je n’aimerais pas être à leur place et là, j’y suis.
Bon, faut pas traîner. Hop remplir, reboucher, repartir.
Il fait bien nuit maintenant.
On redémarre, mais c’est poussif.
J’y vais mollo. On roule pépère. A quarante, cinquante, soixante, quatre-vingt.
Allez, on va aller jusqu’à la prochaine station à quatre-vingt dix.
Garder les warnings. On est à cinq kilomètres. Quatre kilomètres. Trois.
Ca commence à tousser. Contrôlez votre moteur. On dévale les vitesses. Allez, on y est presque.
On y est.
On s’arrête devant la boutique Shell. Je rappelle l’assistance. Nouvelle dépanneuse. On laisse Augustine au dépôt. Un taxi vient nous chercher et nous emmène à Rambouillet.
Hôtel Mercure. Relais du Château. Quatre étoiles. On s’imagine dans le jacuzzi.
En fait, pas de jacuzzi. Il y a une salle de sport mais elle ferme à 23 heures.
On bricole une litière pour Uranus avec un carton et du scotch. On nous donne des bols pour ses croquettes et son eau. S. est surexcité mais il faut dormir.
Dodo à deux heures du mat.
Réveil à huit. Petit déjeuner royal: œufs brouillés, bacon, saucisses, haricots, fromage blanc et fruits frais, banana bread, crêpes, tartines au jambon.
Un Uber vient nous chercher pour nous emmener près de Chartres où l’on doit récupérer une voiture de location pour poursuivre notre route.
Au moment de partir, on ne retrouve plus Uranus.
Elle est pourtant dans la chambre. La porte est restée fermée. La fenêtre est restée fermée. On n’a pas bougé. On a regardé sous le lit, sous l’armoire, sur l’armoire, dans le frigo, dans des espaces manifestement trop petits pour accueillir un chat, même souple. Rien. On dit à la réceptionniste qu’on a perdu notre chat, qu’on doit aller chercher une voiture, qu’on revient.

« – C’est une femelle ? », elle demande.
« – Oui », je réponds
« – Elle s’appelle comment ? »
« – Uranus »
Elle sourit.
« – On va vous la retrouver, allez chercher votre voiture ».

On ne se fait pas trop de bile.
On se dit qu’ils vont la retrouver. Que c’est un phénomène paranormal en apparence mais qu’il doit y avoir une explication rationnelle.
Pendant qu’on roule, on réalise que le loueur est à quarante cinq minutes de l’hôtel. Donc une heure et demie aller-retour. Ensuite, il faudra aller à Saint-Arnould, au garage, récupérer le contenu, ou au moins une partie du contenu d’Augustine. En chemin l’hôtel appelle. Ils l’ont retrouvée.
Elle était sous le lit (on avait regardé quinze fois sous le lit). Je ne sais pas comment elle s’était cachée. Je ne veux pas savoir.
Du moment qu’elle est retrouvée, tout va bien.
On prend la voiture à Saint-Arnould. Une Renault Captur. Quand S. avait trois ans, il était obsédé par les Renault Captur et les reconnaissait à cent mètres dans une rue la nuit. Aujourd’hui, même le nom ne lui dit rien.
Ça dure un peu des heures. Le type est nonchalant et ponctue son discours par des « yes » extatiques.
À treize heures, on est de retour à l’hôtel. On récupère Uranus et le chargeur de téléphone que j’avais oublié.
Allez, on repart. On a retrouvé la foi. On est tiré des ronces.
On passe au garage. On charge l’essentiel. Je laisse dans la voiture des cartons, les guitares et la basse. On les récupèrera la semaine prochaine.
On est partis. Smiling Cobra. Rattlesnake. On est des aventuriers. Tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus forts.

SE SOUVENIR DE MOI

On ne peut pas rester à l’ombre et au frais toute la journée. Alors hier, nous sommes retournés au zoo de Vincennes avec S. Et, en réalité, il faisait assez frais dehors, le matin, lorsque nous sommes sortis de la serre tropicale.
Il y avait beaucoup de touristes qui parlaient russe. Je ne sais pas si c’étaient des ukrainiens. Je n’ai pas posé de question. J’aurais peut-être dû ? Cela m’aurait donné l’occasion de pratiquer un peu mon russe, qui rouille à vue de nez.

On a passé pas mal de temps entre les caïmans, l’anaconda vert, le boa arc-en-ciel, les iguanes verts et les lézards nageurs. Et puis, on est allé faire un tour du côté du vivarium européen, faire un petit coucou aux vipères, aux couleuvres et aux grenouilles.

C’était le marathon pour R., qui devait corriger 124 copies du bac philo, alors j’ai passé tout le week-end avec S. et on a bien rigolé, même s’il faisait chaud.
Ce midi, nous sommes allés manger des pads thaï du côté de Rosa Parks.
J’ai réinitialisé la carte de l’appareil photo de S., qui a photographié toutes les images de monstres de Gila qu’il avait sous la main. Le monstre de Gila est son nouvel alter ego. Et comme il y a deux types d’hélodermes (heloderma suspectum et heloderma horridum), cela donne du Dr Jekyll & Mister Hyde à l’affaire.

Il y a tout à la fois quelque chose de reposant et d’inquiétant au fait que toute l’activité humaine semble s’arrêter le week-end.
Parfois, cela peut devenir angoissant.
Je m’attends à ce que les divers projets puissent avancer. Je m’attends à être pressé par le temps. Je m’attends à me voir imposer certains dead-lines, mais pourtant personne ne presse, personne ne relance.
Tout semble au ralenti. Pas d’appel, pas de message.
Tout est à l’arrêt. Comme pétrifié par la chaleur.
Alors je monte des cartons, que je remplis lentement.
Je fais des machines, je plie du linge, je passe le balai.
On regarde des films. On écoute de la musique. On fait des crêpes. C’est dimanche.
Il y a un match de foot sur le stade. On est aux premières loges.
Le chat se roule par terre avec indolence. Elle a trop chaud pour se soucier réellement de ses croquettes.

S. adore le camembert. Celui de Bertrand (c’est son nom) a gagné une médaille et S. est persuadé que c’est le meilleur camembert de la planète. Il a peut-être raison? De son point de vue.

Dans l’histoire de Croquidou et Maurice que nous inventons en ce moment, les deux amis libèrent tous les animaux des zoos qu’ils traversent et les remplacent par des automates, qui les imitent à la perfection, au point que les équipes de soigneurs et de gardiens n’y voient que du feu.

THERE’S A FISH IN THE PERCOLATOR

À quoi sait-on qu’un éléphant est passé dans le frigo ? Facile: aux empreintes des pattes dans le beurre. De même pour un chat qui s’est attardé sur une housse de protection pour ordinateur portable à mémoire de forme.

Et, à propos de mémoire et de forme, qu’avais-je donc fait hier ?

Ah oui, j’avais commencé par reprendre une bonne fois pour toute le montage et le mixage de ce film, après avoir déposé S. à l’école, et j’en étais venu à bout autour de midi. Ensuite, j’avais travaillé à une nouvelle proposition d’implantation pour le studio de E.B., fait un peu de ménage, de lessive, de vaisselle, regardé 30 minutes de The Americans et j’étais allé chercher S. à 16h15 pour son ultime rendez-vous avec N. avant notre déménagement.

En voiture, nous avions écouté quelques morceaux de la playlist Snakes, que j’ai commencé pour nos voyages avec S. Celui-ci s’emballe pour le titre Rattlesnake, de King Gizzard & The Lizard Wizard. On l’écoute à l’aller et au retour.

R. est rentrée quand nous arrivons à la maison. Je repars presque illico pour aller dîner avec C. On commande un grand bateau de sushis. L’option Tokyo. On en ressort repus. C. est un peu lessivée par sa semaine de stage dans un cabinet d’avocats et n’a pas envie d’aller au cinéma alors j’y vais seul, après un petit tour dans le quartier pour digérer nos sushis. J’attrape le dispensable A normal family du coréen Hur Jin Ho, dont je ne sors pas au bout de dix minutes parce qu’il y a trop de monde et que je me suis assis au milieu de la troisième rangée. Je somnole, puisque regarder le film ne sert souvent qu’à confirmer que ce que le scénario avait largement laissé entendre se produit effectivement. Le jeu des acteurs étant monolithique, il n’y a pas grand chose à en tirer, à part une vision effrayante de l’humanité.

Rentré vers minuit trente. Un épisode de The Americans et dodo.

JE VOUS L’AVAIS POURTANT BIEN DIT

Ce n’est pas tous les jours facile d’être patient, me disais-je. Surtout lorsqu’il fait chaud.

Cela faisait bien deux heures que je m’échinais sur la conformation d’un montage de film et soudain je me suis dit que, – finalement non – pas ce soir.

Il n’était plus l’heure de s’arracher le peu de cheveux qui me restait.

Cela avait été une journée assez chargée.
Après avoir déposé S. à l’école à 8h30, j’étais rentré faire du ménage, un peu de gym, prendre un douche, plier du linge, accrocher du linge, lancer des lessives, préparer une salade coleslaw, en manger un peu, avec du riz, avant de me mettre enfin à travailler sur quelques variations d’un thème musical pour ce maudit film dont je me di, à présent, que je m’en occuperai demain.

J’avais aussi oublié une visio programmée à 10h avec F.A., médiéviste émérite de l’Université de Nantes, qui a la gentillesse de m’inviter à participer à un projet de recherche consacré aux sons dans les villes à travers le temps.
Heureusement celui-ci m’écrit un mail pour s’inquiéter de mon bien-être, étant donné mon absence au rendez-vous.
Je lance in-extremis Zoom, ce qui nous permet de papoter pendant une demi-heure et d’échanger des idées avec la promesse de se voir bientôt.

R. rentre de se séance de correction de copies du bac dans les bistrots, pleine de projets de conversation, mais je fais mon animal sauvage et demeure plongé dans mes variations, passant de la guitare à la basse et de la basse à la guitare.

Puis, vient le moment de la visite-conseil de notre Property Manager, dans la perspective de notre départ de cet appartement, le 16 juillet.
Elle est flanquée d’un ectoplasme gracile et ombrageux, qui bouge parfois les lèvres sans parvenir à réellement émettre un son et se débrouille pour rester pratiquement invisible et, en tout cas, parfaitement incolore, en rasant de près les murs, tandis que la Property Manager occupe les espaces sonore et visuel avec toute la verve d’une bonhommie carnassière, assise sur un sans-gêne à toute épreuve.

Elle ponctue ses interventions sonores de fous-rires aussi tonitruants qu’artificiels. Un malaise ne cesse de succéder à un autre malaise.

L’objectif semble être de nous pousser à croire que nous allons nous tirer très honorablement de l’état des lieux à venir alors qu’il est manifeste que, derrière l’extase feinte d’une familiarité canaille, une calculatrice bien trempée additionne déjà avec audace toutes les retenues possibles, à seule fin d’être dispensée d’avoir à nous restituer la moindre fraction de notre dépôt de caution.

J’avais oublié de dire que mon emploi du temps avait été légèrement troublé par l’annulation du train Ouigo Nantes-Paris du mardi soir 18h40, en raison d’un défaut de signalisation .

J’avais ainsi été retenu à Nantes une nuit de plus et par suite contraint à décaler un certain nombre de rendez-vous.

Grisé par la douceur estivale de ce mardi soir nantais, et ayant fait l’emplette d’un t-shirt de rechange au centre-ville, je m’étais dit : « tiens, pourquoi ne pas prendre un verre en terrasse? »
Et, hop, j’avais fondu sans crier gare sur les pauvres B.D. et B.K., assis à la terrasse d’Askip – et qui n’avait pourtant rien demandé à personne – pour les abreuver de paroles sans répit jusqu’à une heure avancée de la nuit.

J’en ai eu, après coup, des remords.
Le silence est d’or, on le sait.

J’avais dû déplacer mon rendez-vous au contrôle technique, prévu mercredi matin et finalement réalisé aujourd’hui, jeudi, à 16h, dans la ville de Tremblay-en-France.

Et je dois dire, à mon grand regret, qu’Augustine a échoué au passage, en raison d’une fuite à l’échappement qu’il convient de réparer avant de faire une contre-visite.
Je n’étais pas très content, puisque la voiture sortait justement du garage et j’appelai sur le champ le garagiste pour prévoir une visite au plus tôt.

Entretemps, il faudrait finir ce film, enregistrer une voix pour un autre et en faire également le montage son et aussi avancer de manière significative sur le projet de studio pour E.B.

Tout cela, en sachant que, vendredi prochain, je partirai avec S. pour P*** où nous resterons tous les deux jusqu’à l’arrivée de ses grands-parents maternels le 13 juillet par l’aéroport de Nantes. Le temps presse, comme on peut le voir.

LE PRIX DU DANGER

La nuit avait été agitée. Hésitante entre chaleur et vent frais. Je me suis moult fois tourné et retourné. Me glissant hors des draps, puis dans les draps. Puis hors des draps de nouveau, et dans les draps de nouveau…

Le dernier rêve avait été horrible.
Dans la séquence finale, je me trouvais en conversation avec un grand gars barbu, au beau milieu de la chaussée sur une avenue parisienne, non loin d’une place. Nous étions sans cesse en danger d’être renversés par les voitures qui nous frôlaient mais cela ne semblait pas nous inquiéter. Nous en avions vu d’autres.
Alors que nous nous posions des questions sur ce qu’il convenait de faire maintenant, son attention était soudain happée et il se précipitait, en panique, vers le pied d’un immeuble pour rattraper, in-extremis, un autre type qui venait de se jeter par une fenêtre.
En atterrissant dans ses bras, le défenestré avait vomi à la face de son sauveur une épaisse bouillie de couleur rouge-betterave. Ce dernier, assommé par le choc, gisait au sol, le visage noyé dans cette bouillie rouge.
Non loin, le corps sans vie d’un jeune garçon que le suicidé portait probablement dans ses bras au moment du saut. Il semblait comme aplati. Comme s’il avait été écrasé par un rouleau compresseur.
Et le défenestré, ivre de rage, face contre terre, les mains crispées, ne cessait de gémir: « Petit con ! Petit con! Petit con! »

J’avais pris mon café sur la terrasse en regardant tout ce quartier flambant neuf, qui s’étend derrière la gare de Nantes, côté sud. Puis j’avais attrapé un Bicloo pour rejoindre l’école, mais je m’étais encore arrêté à La Maison pour un café et un bun à la cardamome.

Il y a peu, j’ai reçu un mail de OUIGO pour m’annoncer que j’étais l’heureux propriétaire d’un bon d’échange pour mon billet de retour prévu ce jour à 18h44 (déjà substitué à mon billet initial de 18h40 pour deux heures de voyage supplémentaires).
Ça ne sent pas bon, me suis-je dit. Quand on vous offre un bon d’échange, c’est souvent le signe que quelque chose ne colle pas, me suis-je dit. Et, effectivement, quelque-chose ne collait pas. Aucun train ne circulait plus sur le tronçon compris entre Nantes et Angers et je crois comprendre que cela vise, en particulier, tous les trains en direction de Paris.

La partie n’est pas perdue pour autant. Le rétablissement de la circulation est prévu pour 17 heures. Je me suis donc posté au bistrot, en face de la gare, à l’entrée du Jardin des Plantes, en attendant de voir ce qu’il advient de cette situation.

La période étant propice aux incartades alimentaires, je me suis autorisé quelques carrés de chocolat noir offert par L., que nous avions rencontrée en début d’après-midi avec V.G. pour son ultime rattrapage, accompagné d’un demi d’IPA bien frais.
Le chocolat, pas le rattrapage, bien sûr.

Avant cela, nous nous étions réunis pour des échanges ouverts autour de diverses questions pédagogiques et institutionnelles ce matin, avant de rejoindre nos différents groupes de travail (situations, parcours, etc.).
A midi, nous déjeunons avec les collègues du parcours Formes du réel au Nakama. Beaucoup de progrès en cuisine et je fais part de mon émotion gustative à la barmaid, qui se charge de répercuter au chef. C.M. est en surtension et éclate en sanglots. Elle s’est beaucoup identifiée à la détresse exprimée par J. lors de la réunion. Elle est en empathie profonde et voit la vie en noir pendant quelques instants. Puis elle reprend des couleurs et cela va mieux. On boit nos cafés et on retourne à la mine. Et au chocolat.

C’est là que j’apprends les déboires techniques de la SNCF sur ledit tronçon.

Il est maintenant 16h37 et j’attends de voir comment évolue la situation, mais j’ai dores et déjà réservé la studette numéro 4 qui, par chance, était libre. On verra bien.

Sur le chemin de la gare, je croise M.L., qui a brillamment passé son DNSEP et envisage maintenant d’aller vivre en Italie. Je lui demande des nouvelles du stand de synthé, qui a disparu et elle m’en donne. Tout va bien. Il n’est pas perdu.

Il fait, je crois, assez chaud.

RÉUNIONS

Les deux derniers jours de l’année à Nantes, avant les grandes vacances.

Il fait chaud, mais pas trop.
Juste bien, en fait. Il faisait même un peu frais ce matin à cinq heures.
Sommeil fait de rêves rébarbatifs, de séquences récurrentes, de ruminations mathématiques.
Quand ça sonne, c’est soulagement et sueurs froides.

Ce n’est pas la foule, c’est tranquille, dans le grand amphi. C’est cool. C’est calme. Il y a des départs à la retraite et l’annonce de recrutements imminents. On s’organise. On discute. De la douceur en toute chose, prône R.L-M. De la douceur.

J’avais grignoté toutes sortes de nourritures terrestres à l’anniversaire de S. hier, donc je n’avais pas pris de petit déjeuner ce matin. et je me sentais léger.
J’avais enfin terminé la biographie de Lynch et je me disais: « hum, tout ça pour ça ». J’en avais profité pour revoir les premiers épisodes du troisième volet de Twin Peaks dans le train, en partie pour identifier certains acteurs, en regard des récits faits dans le livre.

En fin de journée, nous étions allé visiter des ateliers aux petites écuries puis j’étais rentré à pied dans mon Air B’nB et j’avais tout de même pris la décision de dîner copieusement d’un steak tartare et d’une pinte d’IPA. Demain matin, café et zou, aux réunions.

Coup de fil de L.N. à propos d’un film pour la réunion des Musées Nationaux. Il faut enregistrer une voix et faire le sound design pour la semaine prochaine. J’appelle Z.A. pour booker le studio lundi matin prochain.
Conversation avec P.G., qui me dit que je ferais mieux de laisser les commentaires ouverts, dans l’idée qu’il puisse laisser un signe et donc, tiens, je vais m’en occuper derechef.
Et puis dodo.

SOLSTICE

Malgré ce petit crapaud, photographié le week-end dernier au Jardin des Plantes, je me disais que la présence ou l’absence d’une image était, après tout indifférente. Que l’image était là comme un mantra, plutôt. Quoi que, dans une certaine mesure, le texte lui-même pouvait être considéré, au moins en partie, comme un mantra. Et si tout n’était que mantra?

Et comme tous les 21 juin, c’était l’anniversaire de mon neveu R., alors nous étions allés déjeuner chez ma sœur. Ma fille, C. et mon autre neveu, T. étaient là aussi. C’est leur première semaine de stage. Il y a maintenant deux semaines de stage obligatoires à la fin de l’année de seconde. Le repas d’anniversaire était très bon. Ma sœur, avait préparé des tas de légumes grillés et marinés, des salades et puis aussi des kotletki de légumes épatantes (aux courgettes de son potager), le tout servi avec des blinis, du saumon fumé et un paquet d’aneth de son jardin.

D’habitude il pleut le jour de la fête de la Musique. Aujourd’hui, non et cela ne semble pas parti pour. C’était un pic de chaleur et de soleil. 37°C en sortant vers 16h.

On rentre avec S. pendant que R. va faire des courses pour son anniversaire anticipé, celui avec les copains d’Aubervilliers, puisque nous aurons déménagé à P*** pour son anniversaire réel, le 11 août.

On regarde Boule et Bill, qui est très ringard, mais S. aime bien la tortue. R. rentre et prépare des gâteaux. Je somnole, fais un peu de musique et commence une playlist à partir de tous les morceaux que je trouve qui concernent les serpents. Demain matin S. doit recevoir son jouet crotale diamantin de l’Est et il est excité comme un pou depuis une semaine.

DE GRANDES ESPÉRANCES

Souvent, en roulant dans la campagne, j’ai envie de m’arrêter pour faire des photos, ou filmer. Cela fait des années que j’ai le projet de filmer des meules de foin. Des centaines de milliers de meules de foin. De près, de loin. Vite et lentement. En passant, en s’arrêtant. Je ne sais pas ce que j’en ferais, si je le faisais. Je ne sais pas si je le ferai finalement. Je me suis toujours dit que j’allais le faire, mais ce n’est pas si compliqué et pourtant je ne le fais pas. Il y a des projets comme ça. Qu’on a et qu’on ne met pas à exécution. C’est dommage, me dis-je.

Cela part, il me semble, de l’impression mathématique que me donnent ces alignements de meules de foin. Comme autant de points dans un espace vectorisé. Surtout dans une perception mobile, depuis le point de vue latéral d’une voiture, à une certaine distance, avec des avant-plans, des arrières-plans. De là à imaginer les filmer avec des drones…

Et là c’était ce bâtiment agricole qui m’avait fait signe. J’avais pris la photo en roulant, ce qui est un peu dangereux, même s’il n’y avait pas grand monde. La focale un peu large ne le met pas en valeur, mais j’ai tout de suite pensé à un film de zombie. Ces bâtiments agricoles, agro-industriels, ces silos. Je pense tout de suite à Walking Dead. Surtout avec ces champs de blé, ce soleil, ce ciel.

C’était mercredi, en rentrant de P***. Et maintenant, je pense que S. dort peut-être enfin et que je vais pouvoir récupérer mon téléphone, que j’ai laissé sur le grand tabouret près de son lit pour qu’il s’endorme en écoutant la bande-son du film Back to the Outback.

CONTINUITÉ

Avant d’éteindre la lumière et de m’endormir en écoutant la radio, je me disais que, tout de même, j’avais manqué de régularité ces derniers jours. Ça ne va pas, ai-je pensé. La régularité est la clef, me suis-je dit. La question n’est pas de savoir si on a quelque chose à écrire ou pas. On ne sait jamais à l’avance. Il faut écrire, coûte que coûte.

Donc, avant d’éteindre et de m’endormir, juste dire que lundi matin je suis allé chercher à Parthenay un camion de 17m3, avec lequel je suis rentré à Aubervilliers. Avec R., nous l’avons rempli de cartons, de sacs et de meubles divers. Mardi matin, K. est venu m’aider à descendre le sèche-linge, qui est parti avec le camion, lui aussi.

I. m’attendait à P*** pour décharger et nous avons remplacé le canapé-lit raide et inconfortable, qui était dans le salon, par notre canapé d’Aubervilliers, qui est beaucoup plus confortable. J’ai réinstallé le vidéo-projecteur et regardé quelques épisodes de « The americans » sur l’écran, bien installé dans le canapé. Entretemps, les cartons avaient été dispatchés dans les différentes chambres, selon leurs attributions respectives.

J’étais allé rendre le camion, après l’avoir lavé et avoir refait le plein. J’étais un peu embêté d’avoir heurté un muret en pierre avec le coin arrière gauche. Mais, en examinant de près le camion, je découvre qu’il y a des rayures sur les deux côtés, dont je ne sais pas quelle est l’origine. On ouvre un litige et je ne peux pas récupérer mes 2000 euros de caution avant la fin de ce litige. Je me dis que ça va me coûter bonbon, comme on dit. D’autant que j’avais dû déjà envoyer 200 € à un ambulancier dont j’avais arraché le rétro en passant un peu trop près. Conduire un 17 m3 n’est pas toujours de la tarte. Je n’avais pas besoin de 17m3 me dis-je, maintenant. 12m3 auraient suffi, me dis-je.

J’ai décidé de ne pas m’en faire et de ne plus y penser. Mercredi matin, j’étais allé déposer Augustine au garage, pour remplacer le basculeur moteur et faire réaliser l’entretien. Je récupère la voiture à midi, je règle les travaux et rentre. À 16h30 je prends la route pour Paris. J’ai des passagers à prendre du côté de Chinon. F. et ses deux filles, B. et M. Absolument adorables.

La voiture émet des signaux de détresse. D’abord, c’est le cruise control qui débraye, puis le auto-start qui se met en berne, puis une alerte moteur. Je sors de l’autoroute et je me dis tout à coup que je sais ce que c’est: c’est l’huile. Il faut remettre de l’huile. Alors je vais acheter de l’huile et je remets de l’huile. Et, petit à petit, tout se remet d’aplomb.

EVENING GLORY

Et c’était encore une journée au bureau, à monter des sons et à enregistrer des musiques. Je ne suis pas très content de ce deuxième film. Quelque chose ne va pas. Je vais repartir de zéro, je pense. En fin de journée, j’essaie des trucs étranges. Un morceau qui commence en 7/8 à 100 BPM et se poursuit en 5/4 à 140 BPM. C’est curieux. Ce sont des rythmes que je n’ai pas naturellement dans la peau. Il faut écouter les patterns de batterie et les transcrire en riffs de guitare puis en lignes de basses. C’est inattendu. Parfois ça boitille. Je ne sais pas quoi en penser et c’est ce qui est bien. Il faut penser dynamique, surtout. Pour l’instant, la dynamique est faible.

Il fait chaud. Je reste à l’intérieur. Je ne suis sorti que pour aller chercher u paquet au point relais-colis, c’est-à-dire la station Esso de l’avenue Victor Hugo. C’était un costume italien en laine. Pas de saison, mais il semble à ma taille. Il est un peu fripé. Il faudra le déposer chez le teinturier.

J’était de mauvaise humeur parce que j’ai commencé la journée en répandant la moitié de la pâte à crêpe dans la cuisine et que je me suis senti soudain seul au monde.

Je crois que je suis fatigué. Ça va passer.