TU QUOQUE MI FILI

Il s’est passé quelque chose d’essentiel dans la décennie qui vient de s’écouler dont la portée m’avait échappé. L’on est distrait d’un rien.
Le tram. C’est de ça que je cause.

La ligne 3b du tram (et sa coextensive 3a ou l’on pourrait dire l’inverse aussi bien). 
Cette jonction périphérique créatrice d’un peuple, d’un projet, d’une architecture, d’un nouveau contexte urbain, d’une renaissance parisienne, d’une épiphanie, bref, voilà j’en suis de ce peuple périphérique, de ce grand grand Paris, depuis que, oui, j’ai emménagé ces jours-ci au Pré Saint-Gervais et même au Pré Gervais si l’on tient à la laïcité.

Et c’est un sentiment océanique.
Une vague apaisante et suave.
Un parfum de printemps.
Un chant d’oiseau dans le matin.

Seule ombre au tableau: j’ai importé, bien involontairement, suite à l’achat impulsif d’une mezzanine d’occasion sur le Bon Coin, une colonie de cafards dont il faut à toute force que je me débarrasse.

Alors j’extermine.
Je pulvérise.
J’atomise.
Je désintègre.
J’annihile.
Je bute.
Jusqu’au dernier des derniers.
Me suis procuré du Goliath. Les marins sauront de quoi je parle.

Mais ces cafards occupent mon esprit.
Moins que mon amour, qui brille au Nord un peu plus loin mais plus que ma muse qui pleure près la guitare. Et le sommeil se raréfie vers trois heures du matin.

Il faut que cela cesse et cela va cesser.
Je bouche les trous. J’expérimente les matériaux. Le silicone, la colle à bois, la mousse P.U.
Je colmate.
Je supprime les planques.
Je coupe les voies.
Pas de printemps pour Marnie.
Pas de fleurs pour Algernon.

Enfin voilà, je suis locataire.
J’ai un bail pour trois ans.
Ce n’est pas rien.
Vous viendrez ? C’est au Pré Gervais, rue Simonnot, au treize.
Vous pouvez déjà m’y écrire.
J’attends de vous y lire.
Des baisers.