ALL WORK AND NO PLAY

L’été sort par la porte et revient par la fenêtre, me dis-je.

Il pleut et soudain il ne pleut plus. Je ne m’attends plus à rien. Ni même, surtout, à être requis par qui que ce soit ce matin. Il est onze heures dix huit et je viens de faire le tour des boxes vides, une fois de plus, par acquis de conscience (de classe).

Je me tiens prêt, pourtant. Spotify, en arrière plan, diffuse une compilation des pièces chantées et de chambre d’Anton Webern. Ambiance propice à une méditation sérieuse, à un examen formel, à une analyse rigoureuse. L’esprit se tend, se détend, prend une forme oblongue et s’allonge sous le tempo.

Des mouettes, au loin, rappellent la proximité de la mer.  L’air est comme ionisé. La pointe large d’un gaz lourd. Il fait tiède. Humide et tiède. J’ai acheté des chaussettes et des boxers en coton au Monoprix hier soir, avec une salade, un sandwich, une pomme et une bouteille de Coca Zéro.

Il n’y avait pour ainsi dire personne à l’Escale. Trois anglais ce matin. On m’a donné la 110, cette fois. Sous prétexte qu’il n’y avait pas de réseau dans la 102. Mais il n’y a pas plus de réseau dans la 110 et je préfère la 102, à tout prendre. Même si j’aurais encore préféré une chambre au troisième ou au quatrième. Pour la vue sur la mer. Je vais leur en parler. Cette fois, j’ai osé aborder le sujet du petit déjeuner salé avec le bacon pas cuit et le jambon de mauvaise qualité. J’ai dit: c’est dommage et le monsieur a dit: oui c’est dommage. On va voir ce qu’on peut faire. Petit à petit, je vais peut-être contribuer à améliorer le service ? A propos, des travaux sont prévus à partir du 9 décembre. Il va falloir trouver une alternative.

Des portes s’ouvrent, claquent. Toujours rien.

Ce matin, la banque m’a appelé pour me prévenir d’un dépassement de mon découvert autorisé et j’ai creusé le découvert d’un compte pour alimenter le découvert de l’autre. J’étais en ligne avec G. lorsque la banque a tenté de me joindre. Enfin, je dis la banque mais c’était Madame S., ma nouvelle chargée de compte. Et donc, G. m’appelait, alors que Madame S. cherchait à me joindre. Il m’appelait, lui, pour me demander si l’argent allait arriver enfin, si une réponse avait bien été donnée à l’avocat. Pour parler du travail incessant, des charges incessantes, de l’argent que l’on ne voit jamais. De la dette, seulement la dette. Du fait que l’on ne manipule que de la dette. De la santé qui ne va pas et on n’a pas le temps de s’en occuper. De cette vie de con où l’on ne s’arrête jamais. Où l’on se demande: à quoi bon? On se demande: pourquoi ? Je dis: eh oui. Je dis: ben oui. Je dis: bon. Il me dit qu’il faut qu’on se parle, qu’on se voie, face à face, qu’on s’organise. Ça ne peut pas continuer ainsi. On doit pouvoir faire mieux. Je dis oui. Bien sûr. On va se voir. On s’appelle. On reste en contact. On se tient au courant. Je fais un message à P. pour savoir si le virement est parti. Reçoit réponse de P. que oui, il est parti. Message à K. Et il n’y a toujours personne. Pas l’ombre d’un rendez-vous. Il faut que j’invente quelque-chose. Il faudrait que je fasse comme P., qui avait écrit un livre, profitant des ces stases hebdomadaires. Alors oui, un livre, ce serait bien.

Il fait tiède. Il fait bon. C’est déjà ça. C’est toujours ça de pris. Il est bientôt l’heure de se demander ce que l’on a envie de manger à midi. Il est bientôt l’heure de se rapprocher de J., de P., de D., de qui sais-je encore ? De se contacter pour décider — ou pas — de déjeuner ensemble -ou pas. Il fait beau. C’est magnifique. S’installer dehors ? En terrasse ? Peut-être pas jusque là, tout de même ?

Au réveil, c’était désagréable d’entendre cette vieille courgette de L.F. Le seul avantage c’est qu’il ne cessait d’engueuler cet imbécile de G.E., qui ne comprend rien à rien. Ça devenait drôle. J’ai soupçonné G.E. de faire un peu exprès. De se faire encore plus bête qu’il ne l’est. Je lui prête cette forme d’intelligence. Ce goût de faire enrager l’invité. Pour en tirer le jus. Dans l’espoir d’un scoop. Pour divertir. Il m’était alors difficile de départager mon déplaisir entre l’idiotie de l’un et l’enflure de l’autre. L’idiot et l’enflure, en voilà un réveil, me disais-je. Et cela ne favorisait pas mon essor rapide. Cela me maintint au lit de sept heures à huit heures mais au fond pourquoi se lever tôt ? Pour qui se lever tôt ? 

Dans un rêve, il y avait K. qui passait dans un couloir et je me trompais sur son prénom, ce qui l’agaçait. Elle disparaissait dans un escalier et j’avais l’impression d’avoir été grossier. C’est tout ce dont je me souvient. Le diable, probablement.