LE MONSTRE PERLÉ

Celui-ci c’était vendredi, le monstre de Gila. Ou bien samedi ? Je ne sais plus. Oui, certainement samedi, maintenant que j’y repense.

Ce soir, à six heures, quand je suis allé chercher S. au centre de loisirs, je le trouve dans la cour avec D. en train de dessiner des monstres à la craie sur le sol. Ils me disent qu’il y en a une bonne quarantaine qui rampent sous terre, dans les sous-sols, dans les plafonds, les couloirs et les salles de classe. Des monstres à têtes de crotales et à pattes de crocodiles.

Et en rentrant à la maison, la commande c’était un cobra royal mais je ne l’ai pas encore pris en photo. Ce sera pour plus tard. Il est beau, dans son genre. C’est amusant d’essayer de retrouver les calques de couleur. Dans le cobra il y a du gris, du doré, du bleu ciel, du rose, du bleu foncé, du marron… Accident de peinture: deux tâches rouges. S. est désespéré mais finalement, c’est beau dans le vert du fond. De toute façon, je vais les scanner et on va composer un livre dans inDesign et puis on l’imprimera. Les originaux, on les garde au frais. C’est l’idée de S., le livre. Je pense qu’il imagine une encyclopédie, mais on peut peut-être arriver à quelque chose de plus inattendu (et moins long). Raconter des histoires. Des dialogues.

Vanné. Mal au dos. Pas le courage de faire ma gym ce soir avant de me coucher. Déjà faire la cuisine, plier du linge sec, accrocher du linge mouillé… Encore une journée de formation au CIFAP demain. Journées calmes et laborieuses. C’est un gros groupe. Huit stagiaires.

Vivement les vacances, qui s’approchent à grands pas.

TAÏPAN BLEU

Après le crotale diamant et le monstre de Gila, c’est au tour du taïpan bleu, logiquement. Encore une fois, sous la férule de S., j’en passe des heures sous les sunlights à retrouver les tons délicats et multiples de ce serpent étonnant et mortel. Et puis à la fin c’est le drame: je n’ai pas utilisé le bon papier. Il va falloir le jeter. Il n’y a pas d’autre solution. Alors moi je dis, t’inquiète. On fera une impression couleur. On garde. Je mets sous le coude.

Sinon, l’on avait été réveillé par les muezzins du stade de foot, vers sept heures, c’est à dire six heures pour nos organismes pas encore habitués à l’heure d’été. C’est que le ramadan avait pris fin. Une heure de muezzins mal réglés et trop fort le matin, c’est une épreuve pour l’esprit. Un Doliprane© n’est ni du luxe, ni de refus.

On traîne un bon moment en pyjamas et autres négligés. Il y a des crêpes pour celles et ceux qui en veulent. Pour moi, œufs brouillés, jambon et cheddar puis un yoghourt et du psyllium blond. Ensuite, l’on fait durer la matinée. Je me recouche même une heure en écoutant « Affaires Publiques », puis un rien de gymnastique, une douche et me voila pimpant.

Au déjeuner, du végétal essentiellement: riz, choux de Shanghai sautés, curry de butternut, coleslaw, que j’agrémente de rondelles de radis et de cacahuètes pilées.

R. et S. partent faire un tour au parc pendant que je lis quelques mémoires de cinquième année, en alternance avec l’épisode 7 de la troisième saison de White Lotus.

Demain, reprise des cours au CIFAP pour deux jours avant de repartir pour Nantes mercredi. Ensuite, ce seront les vacances de printemps. Viva !

CROTALE DIAMANT

Dès le matin au réveil, je suis sommé de dessiner – d’après modèle – un crotale bouche ouverte. Très important, la gueule ouverte du crotale. C’est ce qui fait tout son charme, cette blancheur rosâtre des muqueuses, qui s’ouvrent comme une fleur aux crochets meurtriers. Et tant que ledit crotale n’est pas exécuté, je n’aurai pas de répit.

Une fois le crotale posé sur une feuille, c’est au tour du monstre de Gila. Avec un film entre les deux. Et des crêpes. Et puis, je suis descendu faire quelques courses. Il fait beau et froid. S. a une otite. Antibiotiques. On était allé consulter hier soir, en famille, au centre médical de Rosa Parks.

Lorsque R. rentre, vers 14h, je suis encore en train d’œuvrer laborieusement au perlé des écailles en têtes de clous du monstre de Gila.

Étant donné qu’ils ont rendez-vous avec D., avec qui S. doit aller jouer au parc, à 15h, il faut s’activer. Je prépare un curry de butternut et du riz, alors que R. et S. se réchauffent de la quiche et grignotent sur le pouce.

Pourparlers avec C. autour des destinations possibles pour une colonie de vacances avec les cousins. J’avance que la colonie en Haute-Savoie est à l’autre bout de la France et ruineuse, que je n’ai pas les moyens, que c’est compliqué, que d’en trouver une en Vendée, plus proche de P***, serait préférable. Peine perdue. C’est la Haute-Savoie, finalement. Encore et toujours la Haute Savoie, au terme d’une lutte impitoyable, emportée contre moi par des moyens perfides et détournés. C’est la ruine, décidément.

Entre lectures des mémoires des étudiants de cinquième année très en forme du réel et pauses-série (« Resident Alien » en ce moment), l’après-midi s’écoule paisiblement. R. m’avertit par texto de l’imminence d’un apéro et je vais chercher bière, chips et cacahuètes. Je prépare un coleslaw en écoutant le dernier épisode de « La science CQFD » consacrée à la formalisation d’une preuve du théorème de Fermat.

R., M. et les enfants arrivent vers 18h. Je fais un écart à mon jeûne intermittent, avec bière et cacahuètes. Tant pis. Je me rattraperai demain. D. et S. veulent regarder un film. On regarde pour la cinquantième fois de la semaine « Retour au bercail ». Quand ça se termine, il est 21h30 et D. veut dormir ici. M. apporte son pyjama et sa brosse à dent. Je mets les garçons au lit, leur lis les premières pages du « Petit Prince » puis il est temps de dormir. D. veut rentrer chez lui. J’appelle M. Elle passe le reprendre. Le temps d’une toute petite histoire de crocodile et de deux ou trois chansons et S. roupille.

Pendant ce temps, j’ai téléchargé l’épisode dixième – et final – de la deuxième saison de « Severance », que je m’apprête à regarder, une fois que j’aurais mis un point à cette phrase.

SANS INTENTION

Autant que faire se peut, le plus souvent possible.

Le réveil m’a étonné en sonnant à cinq heures ce matin et très vite, non, je n’étais plus étonné: c’était parfaitement normal. Je devais me lever pour être à l’heure au train de 7h44 à la gare Montparnasse. Et j’y fus. Et ce ne fut pas un problème. Mais je mis encore quelques heures à me réveiller.

J’allais de l’accueil à la studette numéro cinq, mais je revenais sur mes pas parce que j’avais oublié quelque chose à l’accueil. Ensuite je retournais à la studette numéro cinq puis me dirigeais vers le plateau alternance, avant de réaliser qu’il me fallait repasser à l’accueil pour prendre une information, puis repasser à la studette pour prendre mes affaires, puis retourner au plateau pour le rendez vous avec S. puis à l’accueil, etc.

Je ne fus pas totalement réveillé avant environ midi, l’heure d’aller chercher F.B. à la gare avec C.M. J’avais réalisé hier soir que cela faisait pile 15 ans que j’avais rencontré F.B., à l’occasion de l’exposition « Seconde main » au musée d’art moderne de Paris le 25 mars 2010. Je ne me souviens plus exactement de quoi nous avions parlé. C’était dans une fête, du côté des Invalides, je crois, ou de l’Hôpital militaire. Mais peut-être que je me trompe sur l’endroit. J’avais pris son numéro de téléphone. Il n’en a pas changé. Nous ne nous étions pas rappelé, l’occasion ne s’était pas présentée. Et puis tout à coup l’occasion se présentait. Une occasion pouvait se présenter tous les quinze ans, par exemple.

C.M. et moi prîmes le tram jusqu’à la gare. À la brasserie, en face de la gare, C. déjeuna d’une omelette et moi d’un expresso.

F.B. arriva à l’heure dite, c’est à dire 12h54 et nous reprîmes le tram en sens inverse.

Première journée de DNSEP blanc. Très tranquille. Bonne ambiance.

À 18h30 l’on se transporte à l’hôtel qui est de l’autre côté de la ville. Heureusement C. a réservé la voiture. Nous y dînons d’une pizza avant de rentrer à des heures très sages pour nous coucher avec les poules et les canards.

EN STAGE

Deuxième jour d’animation d’un stage audiovisuel au CIFAP autour de la post-production audio avec Protools. Il y a huit stagiaires, de niveaux très divers. Un peu de tension hier, mais ce matin on recadre et ça va mieux.

Je suis toujours enrhumé. A., un des stagiaires, trouve que j’ai la même voix que Vincent Macaigne. Je pense que c’est un voile lié au rhume, mais, étant donné que ce n’est pas la première fois qu’on me le dit, il doit bien y avoir quelque-chose. Je vais aller ré-écouter cette voix de Vincent Macaigne, pour me faire une idée. Pour comprendre de quoi ils parlent.

J’ai reçu hier un curieux message de P-Y. A. me proposant un rendez-vous pour « évoquer des propos que j’aurais tenus envers des étudiant-e-s »(sic). Je n’étais pas libre cette semaine pour les créneaux proposés et il n’était pas libre pour ceux que je proposai en réponse.

Bon, on verra ça la semaine prochaine.

Je ne sais pas de quoi il peut s’agir. Je ne m’attends à rien. Tout de même, ça m’intrigue. Surtout ce « envers des ». Je ne vois pas quels propos j’aurais pu tenir « envers » des étudiant-e-s. « À » des étudiant-e-s, à la rigueur, oui. Mais « envers »… Hum… Mystère.

C.M. m’envoie le numéro de F.B. qui vient demain pour le diplôme blanc et je constate que c’est toujours le même numéro que celui que j’avais noté le 25 mars 2010 dans une fête à la sortie de l’exposition « Seconde Main » au Musée d’art moderne de la Ville de Paris. C’est d’une belle régularité.

Se coucher tôt pour se lever tôt.

WHITE DOG

Mais qu’est-ce qu’ils ont avec Pink Floyd ? – me demandais-je en regardant le générique de fin de Black dog. Le film, je n’y croyais pas, déjà avant d’entrer dans la salle, mais c’était le dernier jour de ma carte UGC illimitée alors j’y étais tout de même allé.

Ce n’était ni meilleur ni pire que ce à quoi je m’attendais. Il n’y avait rien à en dire, selon moi. Mais c’était ce truc avec Pink Floyd, tout de même. Ça venait d’où ? The Wall ? La grande muraille peut-être ? Mais oui, la grande muraille, bien sûr ! Tout de même, si, me dis-je, on peut en dire quelque chose. Le film situe son action en 2008, à la veille des J.O. de Pékin et c’est une date qui dit quelque chose. C’était encore un moment d’espoir. On croyait que c’était le début. En réalité, c’était la fin.

C’étaient les débuts de l’iPhone, de Facebook, la crise des sub-primes. C’était le début de la fin du Monde, me dis-je, à présent.

C’est désespérant, me dis-je. À pleurer, me dis-je. C’est finalement ce qui touche, me dis-je. Ce hors-champ. Cette absence.

Bref, nous étions allé déjeuner avec C. (et T. était de la partie) mais le restaurant japonais étant fermé, nous nous étions rabattus sur un restaurant chinois, pas fameux. On n’avait pas pris le temps de chercher longtemps, étant donnés la pluie et des estomacs vides. Ensuite nous avions projeté d’aller voir Paddigton, mais la séance était déjà complète. Quant à la séance de la cinémathèque pour L’étrange Monsieur Renard, on parlait d’une queue kilométrique.

R. et S. étaient allés au Forum des Images, pendant que je me dirigeais vers l’UGC.

En sortant, je file droit sur la maison où je tombe nez-à-nez avec le livreur d’Amazon, venu déposer une commande de la veille (pour C.) et -ô merveille – l’ascenseur est réparé.

J’ai toujours mal au dos, mais c’est probablement lié au petit virus que m’a refilé S. Demain, je pense qu’il n’y paraîtra plus.

ENCORE UN PIRANHA

Ce n’est pas une métaphore, juste une image.

C’était au zoo, la semaine dernière avec S. En re-postant et relisant les entrées du blog de 2021 à 2019 (rien en 2020), je m’aperçois que l’arrêt absolu correspond à la naissance de S., ce qui est logique puisque je n’avais plus de temps. Ni R. ni moi n’avions plus le moindre temps. Il m’a fallu cinq ans pour reprendre. Il ne faut jamais désespérer.

Relisant les derniers posts de 2019, je les trouve abstraits.Peu descriptifs. Descriptifs d’états plus que de faits. Décrire les fait est fastidieux. Mais ensuite, lire la description des faits est enthousiasmant. Pas toujours. Tout dépend de la manière dont les faits sont décrits, reconstitués, articulés.

Par exemple, je m’étais levé avec un mal de dos persistant. S. était venu dormir avec moi, à cause d’un mauvais rêve, avait-il dit. Et je n’avais plus dormi d’un trait, mais de plusieurs traits et le dos m’en avait cuit. Vers 7h30 l’on décida de se lever.

Café, œufs brouillés. S. n’a toujours pas faim. Féta, piments et là – oups – je casse une bouteille d’huile d’olive. Le bouchon était mal revissé, j’avais attrapé la bouteille par le bouchon.

Malédiction. Casser une bouteille pleine d’huile d’olive est une chose terrible. Écoper l’huile, éponger l’huile, essuyer l’huile. Ramasser les bris de verre, les débris de verre, la poussière de verre, les éclats, nageant dans le gras. Tout cela au réveil. Grande leçon de vie. Des morceaux de verre microscopiques entrent dans la plante de mes pieds nus. L’huile se répand, s’étend, macule, éclabousse. Je me dis que je n’en aurai jamais fini avec cette flaque gigantesque. J’y consacre des torchons, des serviettes et des éponges. Tout est gras.

Et puis soudain, il n’en était plus question. Tout était épongé, écopé, balayé, aspiré, essuyé, dégraissé, lavé, immaculé et enfin, enfin, l’on pouvait s’arrêter pour boire un café, manger et passer à autre chose.

C’était rassurant. C’était comme la vie.

On avait joué aux sept familles de dinosaures avec S.

S. veut toujours rassembler la famille des tyrannosaures et cela le fait perdre. Il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Il ne faut pas se focaliser sur une seule famille. Il faut garder un œil sur les stégosaures, les tricératops, les baryonyx, les diplodocus, les micropraptors et les oviraptors. J’écrase sans pitié S. au jeu des sept familles.

Mais S. m’écrase insolemment au Memory de Miro. J’ai l’impression d’être handicapé de la mémoire visuelle. Sévèrement handicapé.

C’était un samedi. R. était rentrée à 14h. J’avais visio. Elle avait visio. Tout le monde avait visio. S. allait de visio en visio. Se faisait jeter de visio en visio. Jusqu’à la fin des visios.

QUATRE ANS DE SILENCE

J’étais reparti dans l’autre sens. J’avais pensé que c’était plus cohérent comme ça. C’était plus dans l’ordre des choses. Plus dans la syntaxe du dispositif. De remonter le temps.

À rebours.

Pas de revenir à nous depuis le point le plus éloigné mais, au contraire, de s’enfoncer à partir du point le plus présent.

Et j’ai donc intégré ce soir les posts les plus récents qui restaient à intégrer et qui m’ont mené au 10 janvier 2025.

Et là, trou noir. Béance. Effroi. Abîme. Le post précédent date de septembre 2021. Entre septembre 2021 et janvier 2025, rien. Et encore, je subodore qu’il n’y a pas grand-chose en 2021 et que l’on remonte très vite les années jusqu’à – mettons – 2008 ou 2009. J’ai des raisons pour avancer ces dates.

Sinon, aujourd’hui S. était malade. Enfin, « malade »… Il avait de la fièvre. Les enfants ont facilement de la fièvre. Nous avons regardé quelques documentaires animaliers après le petit déjeuner avant de sortir faire des courses au Millénaire où nous avons déjeuné.

Un peu de jeu dans le parc non loin puis nous rentrons. S. est mort de soif et fait sa drama queen. Il se roule par terre dans la poussière en hurlant qu’il ne pourra jamais tenir, qu’il doit boire, boire, boire. Je lui réponds qu’on va s’arrêter dès que possible mais qu’il faut au moins marcher jusqu’au bistrot le plus proche. Il se traîne, tombe, se roule, rampe, se relève, avance en claudiquant, en boitillant, en traînant la patte, en tirant la tronche, en maugréant.

Finalement on arrive dans un kebab où il est possible d’acquérir une bouteille de Cristaline et un café et soudain c’est le paradis.

On rentre. Le temps de mixer et de compresser en H264 l’épisode 2 de La Vie au Zoo et il est temps de repartir pour le rendez-vous de S. avec N.

Ça roule bien. On a une demi-heure d’avance. On écoute la bande-son de L’ Aventure de Buck dans la voiture et on s’extasie sur la qualité de restitution des fréquences basses, que l’on n’entend pas sur la petite borne bluetooth à la maison et qui sont d’habitude masquées par le bruit du moteur, lorsqu’on écoute la musique en roulant.

Après la séance, on rentre comme une fleur. Un bain pour S. Pliage de linge, rangement de chambre, changement d’ampoule, aération. On joue aux sept familles pendant que je réchauffe un plat de pâtes aux saucisses préparées par R. S. mange peu. Il ne mange jamais beaucoup quand il est malade. On regarde Retour au Bercail en projection sur le mur du salon avant la séquence brossage de dent – nettoyage de nez – pyjama – dodo.

À 21h50, il ronfle.

Je profite de ce répit pour noter un rêve curieux dans la nuit de mardi à mercredi: j’avais un fils, avec qui je me promenais et, au moment où nous croisions par hasard une connaissance, voulant les présenter, je me rendais compte que j’ignorais ou plutôt que j’avais totalement oublié le nom de mon fils. Je donnais un nom au hasard, dans ma barbe, espérant que cela échapperait à mon fils. J’essayais ensuite de regarder en douce un scan du livret de famille sur mon téléphone. Je l’entendais finalement se présenter lui-même: « Je m’appelle Nash… ». Et sur le livret de famille, je lus: « Nace ». Je me réveillais dans un état de profonde tristesse, qui ne me lâcha pas de la matinée.