
Et justement, l’autre jour, c’est-à-dire le 27 mars, alors que j’écoutais S.J. expliquer que nous nous trouvions immergés dans une réalité saturée d’images, je me rendais compte que, précisément, c’était, selon moi, le contraire qui était en passe d’advenir: nous étions tranquillement – et mine de rien – en train de nous diriger désormais vers une réalité dé-saturée d’images, débarrassée des images, amputée des images.
Ici, un aparté, rien à voir.J’aimerais trouver un moyen de revenir à la ligne sans sauter une ligne. J’ai une solution en passant en HTML et en insérant une balise.
C’est une remarque que je fais en passant. J’avais pensé: peut-être avec le bouton de tabulation ?
Mais non ça ne marche pas et le correcteur d’orthographe (le stupide correcteur d’orthographe) ne connaît pas le mot « tabulation ». Il propose « fabulation » à la place, ce qui n’est pas mal.
Mais je reviens à notre absence d’image.
Jamais nous n’avions autant fait le vide autour de nous.
Les murs de nos bureaux, de nos halls, de nos couloirs, étaient à présent blancs et nus, comme les aurait voulu Andy Warhol (qui se désolait de produire des images alors qu’il estimait qu’il n’y avait rien de plus beau qu’un espace blanc et vide).
Les salles de classes étaient à présent blanches et nues.
Blanches et nues à faire peur, m’étais-je dit.
Notre devenir-Ikea était avancé, décidément.
Il n’y avait presque plus d’affiche publicitaires dans les rues, m’étais-je dit.
Presque plus d’images, nulle part. 1
Nulle part sauf sur les écrans, les téléphones.
C’est à dire que notre relation à l’image était devenue une relation solitaire, avais-je pensé.
De moi à mon téléphone, m’étais-je dit.
Une relation autiste., pour tout dire, m’étais-je dit.
Une relation rétinienne proprioceptrice, avais-je pensé.
Bientôt les images se formeraient seulement à l’intérieur de nos cerveaux, m’étais-je dit.
Nous étions en train de devenir nous-mêmes des images médiatisées par d’autres images et serions bientôt incapables de distinguer entre images et êtres, avais-je pensé.
Je m’était dit: « ça y est, nous sommes dans un film de Carpenter. »
« Invasion Los Angeles » avait précisé F.B., à juste titre.
« They Live », avais-je ajouté, pédant.
Nous y sommes, avais-je pensé.
Je repense à ça à l’instant en regardant le premier épisode, anxiogène, de la septième saison de la série « Black Mirror ». Je ne sais pas si je suis capable de regarder jusqu’au bout. Je ne sais pas si j’ai envie d’être capable de regarder jusqu’au bout.
Et puis, avant, j’étais allé chez l’ostéopathe, alors que je ne suis pas du tout convaincu que l’ostéopathe puisse faire quoi que ce soit pour mon pauvre dos, qui me fait toujours aussi mal après une heure de manipulations (douces). Et j’étais ensuite allé à mon rendez-vous chez la podologue qui m’avait avoué tout de go ne rien pouvoir faire pour moi.
-Si un éclat de verre est resté planté dans votre pied, il faut attendre que votre corps l’expulse de lui-même, m’avait-elle confié.
Pour cela, elle préconise l’utilisation de pansements coricides (des pansements ronds avec un trou au centre). Les cellules de peau vont s’agréger autour du corps étranger, en un cor de peau qui, progressivement, sera expulsé hors de mon corps. Le pansement évitera d’appuyer le poids du corps sur le cor pendant la marche. Astucieux.
Je suis allé acheter des pansements et je suis rentré me préparer des choux de Shanghai sauté avec du riz. Et voilà. Il n’y avait pas de pansements coricides à la pharmacie alors j’en ai commandé. Ce sera pour demain. En attendant j’ai mis des compresses et du sparadrap. A chaque fois que je vois du sparadrap, je pense au capitaine Haddock.
- J’étais en train d’abuser sans vergogne des balises HTML, pensais-je à l’instant.
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