
Hier, première journée de mixage au studio 120.
Nous commençons par ré-enregistrer certaines voix et c’est beaucoup mieux de faire ça avec de la musique dans les oreilles (No more workhorse blues de Palace White man’s got a god complex des Last poets et Gimme some skin d’Iggy & the Stooges). Il y a un tempo induit et une plus grande énergie, même si la musique n’est pas forcément retenue dans le mix.
Je regrette un peu de n’avoir pas le temps de refaire toutes mes voix. De travailler à plusieurs apporte un recul critique immédiat et une émulation incomparrable. Tout seul, j’avait tendance à m’avachir au bout de vingt prises.

Bernard, l’ingénieur du son, redonne un peu d’air à notre montage en effectuant des micro déplacements de certains éléments. Pendant les pauses je zone dans le couloir avec l’équipe de France Bleu et je prends les coordonnées d’une journaliste, V.B. qui refuse de se faire photographier, au prétexte qu’elle est une sorcière rousse. Alors je ne prends qu’un cliché de sa main.

Bernard m’a accompagné au 9ème étage pour que je me fasse faire une carte d’accès à la cantine. J’ai donc mangé du chou farci, un avocat vinaigrette et des mandarines. C’est moins cher que d’aller aux Ondes et sans doute plus équilibré. Nous parlons du Vaucluse (sa famille est de Carpentras) et du passage de l’analogique au numérique et comment l’expérience corporelle du son a totalement disparu, de ce que cela modifie dans l’appréhension, la conception, la production et les gestes techniques.

Nous en sommes au tiers du mixage lorsqu’il faut que je parte à 17h pour la projection des films d’Unglee à la M.E.P. À ce rythme, nous devrions pouvoir finir une première passe vendredi soir et réécouter pour faire des modifications samedi matin.
Quoi que je fasse (hors-propos) j’ai toujours l’air de me plaindre. C’est peut-être un trait attavique arménien? Lorsque cette complainte a un effet comique, cela peut-être heureux mais parfois c’est tout de même un peu plombant. J’aimerais être d’humeur plus joyeuse, mais on ne se refait pas. Y. m’a dit tout à l’heure que la première chose qu’on apprend aux acteurs c’est qu’il ne faut jamais jouer de façon plaintive: « les gens détestent ça ». Je suis mal barré… Et aussi que dans Polyeucte, tout le monde se plaint, au fond et que donc c’est adapté à ma personnalité…J’aimerais bien pouvoir faire comme la reine d’Angleterre.
Les films d’Unglee sont très beaux, très purs et innocents. Forget me not, surtout est absolument émouvant. On a envie de le serrer dans ces bras, le petit Unglee dans ses polos Lacoste. Ce qui est beau, c’est qu’il aime vraiment Lacoste, Nina Ricci et les rouges à lèvres. C’est qu’il aime vraiment ce glamour un peu publicitaire et les néons et les tissus à motif… Et les dialogues sont d’une beauté désarmante: »Connaissez vous Monsieur Crépineau ? »… Et le film sur Pascale Ogier, c’est quand même beaucoup plus juste que Les nuits de la pleine Lune. On y voit à la fois la présence de la poudre (les yeux fixes et mi-clos) et l’identification punk à une héroïne négative (le revolver, l’apparente indifférence à tout). Y. a raison, ce me semble, de dire que c’est le seul véritable disciple de Warhol… Un Warhol plus timide, moins business, moins manipulateur mais tout aussi fasciné…