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Petit saut à Paris hier. Départ 10h07 de Poitiers, retour 21h15. Dans le train, bondé, lecture de Chalamov. Arrivé à Montparnasse, je suis saisi par une Impression forte de densité, de quantité de mouvement, de bruit.

Je file à Montrouge, chez Shaman Labs, pour une visite du studio, légèrement modifié. H. et G. ont ouvert une baie vitrée entre la régie et la cabine. Il faut mettre à jour le plan acoustique. On envisage plusieurs possibilités. Le temps est court. H. est un peu inquiet. K. nous rejoint vers 13h. On va tous ensemble grignoter au restaurant thaï habituel. G. parle de son fils, qui a des obsessions et une angoisse de la mort terribles et ça me fait penser à un petit garçon que je connais bien bien.

Le haut de la rue d’Estienne d’Orves à Montrouge sent le loukoum, c’est-à-dire, me semble-t-il, l’eau de rose. Cela évoque des parfums. En particulier la fragrance de certains rouges à lèvres. Je ne sais d’où provient l’odeur. Elle plane sur une bonne centaine de mètres.

On papote un moment en mangeant nos pad thaï et autres bobuns.
K. ne mange pas. Il boit un jus citron-gingembre.
Moi aussi, d’ailleurs. Pas fameux, quand j’y repense, me dis-je. Drôle de goût, quand j’y repense. Un goût de quoi ? Hum… Un truc fade et douceâtre. Manque de caractère. Manque de piquant. D’acidité. Tout le contraire de ce qu’on attendrait d’une boisson au gingembre et au citron, me dis-je. La boisson aussi est à l’eau de rose, me dis-je.
On parle un peu de musique. Il est question des Misfits. Un groupe punk – ou pré-punk – américain du début des années 70. Je n’ai jamais écouté les Misfits. Contemporains des Ramones. Un peu avant. 1974 peut être.
On reprend le métro avec K., qui s’en va rejoindre son amoureuse en Normandie. Pas à Deauville, précise-t-il. Dans les terres. Près de Lisieux, dit-il.

J’ai rendez-vous dans le neuvième, rue du Delta, avec M.H., pour visiter un nouveau lieu où il aimerait installer des salles de répétitions équipées de pianos, mais, comme l’employée de l’agence immobilière est en retard, je vais prendre un café gourmand non-loin en commençant à travailler à l’étude acoustique.

Après la visite, je rejoins P.G. au Père Tranquille pour un verre de Viognier avant de repartir. On se donne de nos nouvelles. On prévoit de se revoir bientôt. Il promet de m’envoyer bientôt un lien vers le film sur l’ergot de seigle. Dès qu’une version sera suffisamment aboutie. Ce qui ne devrait tarder. Il serait temps. Il ne serait que temps.

Il serait aussi temps que je mette du son sur la bande image de l’atterrissage à Reykjavik, pourrait-on ajouter. Il ne serait que temps. Le temps file comme un élan, comme dirait Aki Kaurismaki.

P.G. me raccompagne au métro. Un sentiment d’étrangeté émane, pour moi, de cette ville. Au sens où elle m’est devenue étrangère. Familière et étrangère. Comme quelque chose qui est toujours là mais n’existe plus. C’est la même ville mais ce n’est plus la même. Je suis rassuré de rentrer. Rassuré et un peu inquiet.

Dans le train du retour, j’ai juste le temps de revoir en intégralité « Le Roman d’un Tricheur », qui dure exactement ce que dure le voyage. Et puis vroum dans la nuit, dans la pluie.

La Nuit du Carrefour, me dis-je, repensant à la proposition de P.G. d’organiser au Moulenc, dans les Cévennes, un festival Renoir en quatre ou cinq films. On se dit « La règle du jeu », « Le crime de Monsieur Lange », « Une Partie de Campagne », « La nuit du Carrefour ». P. ajoute « La Marseillaise », mais je ne suis pas pour . Et lui n’est pas pour « La Grande Illusion ». Mais maintenant que j’y repense je me dis « La Bête Humaine ». Je serais pour « La Bête Humaine ».

Et « Boudu Sauvé des eaux » ?

Ce matin, R. part aux aurores et je dépose S. à l’école. Un peu de drama au moment de nettoyer le nez et de brosser les dents, pressés par le temps. Mais on écoute la playlist « Snakes » dans la voiture et tout va bien.

En rentrant, du ménage, du rangement, du passage d’aspirateur. Puis visio avec la Corée pour préparer le workshop de novembre. Puis préparation de confitures de pêches. Je déjeune d’un curry de butternut dont il reste assez pour le dîner de ce soir de R. et S.