Parmi les spectateurs, mais aussi parce qu’il a produit l’ACR, je rencontre F.S. à qui j’ai justement laissé un message plus tôt dans l’après-midi, pour lui proposer une version radiophonique de Metablog. Ca l’intéresse et nous convenons de nous voir après le 13 juin. Bières, en attendant le film.
La salle est pleine.
Petite présentation et déjà on sent que le type en rouge (oublié son nom) qui est l’auteur du court-métrage projeté en première partie n’est pas notre copain. Le type est pédant, raide comme un I et lance le menton en avant quand il parle. Et en fait il n’arrête pas de parler. Il nous demande d’être attentifs à la bande-son. Il y a un sacré travail de son apparemment. Eh bien, ce film Vernissages… comment dire ? N’en parlons même pas. A l’image du type. A fuir absolument. En revanche Bologna Centrale est une beauté. Le plus beau film de V., à mon avis. A pleurer par moments.
En fait c’est simple: V. est parti avec les bons moyens: pas de texte écrit (l’aspect trop littéraire des voix-off des précédents films me semblait en être l’écueil). Il parle en marchant, en tournant en rond dans sa chambre, cherche ses mots, souffle, fume, respire profondément, s’essouffle. C’est comme une basse, comme une percussion. Ca je le savais déjà: c’était l’ACR que j’avais entendu sur France-Cul. Mais là, avec la palpitation, le grain du super-8, les silhouettes au loin, souvent à contre-jour, fantômes clignotants, de subtiles surimpressions, les bouts d’amorce, le générique pasolinien (et la musique), le son revêche des ambiances (les annonces dans le bus, la salle d’un café, les portes qui claquent, les trains, la ville, etc…), bref le film construit une ville épaisse, morne, étrangement désertique, dans laquelle le corps en mouvement de V. voyage, dans le temps et dans l’espace: on sait où on va, avec quoi on part mais on ne sait pas du tout ce qu’on va trouver au bout. Et, au bout, ce sont souvent de gros coups de blues, des constats comme: « Soit ils n’en ont plus pour longtemps, soit c’est moi qui n’en ai plus pour longtemps… », proféré en plein désarroi dans cette Italie Berlusconienne, toute occupée à ses courses de Noël. Mais aussi des instants de grâce où le passé ressurgit, fait signe, du fond d’une back-room. Et les étreintes, qui pourraient être sordides dans cette minuscule cage de tôle, sont tendres. V. parle d’amour, de délicatesse, avec une crudité pudique (les mots sortent avec peine, comme un morceau à cracher et c’est toute autre chose qu’un texte écrit) et en même temps l’impureté (toujours Pasolini) du recours à la fiction qui permet de provoquer ces réminiscences, de les incarner.
Ensuite énorme assiette composée dans un restaurant Libanais de la rue Raymond Losserand et une bouteille de vin. Nous ressortons de là, H.D. et moi, comme roulent des barriques vers le dernier métro. Couché 1h30. Evidemment, réveillé à 5h00 par les oiseaux.