
Pendant qu’Archie Shepp et que John Coltrane, je me demande d’où vient l’odeur à proximité de mon bureau.
Oui, je sais bien qu’elle doit provenir d’un imprimé glacé, probablement d’un programme ou d’une revue d’art contemporain.
D’où vient l’odeur ?
D’un vernis ? D’une colle ? D’une encre ?
C’est une odeur âcre, puissante, entêtante, avec des notes résineuses et un arrière-plan chimique nauséeux.
Oh, ça y est !
En reniflant chaque objet à proximité je découvre le coupable: un cahier Oxford à spirales de cent pages petit carreaux, utilisé pour prendre des notes.
C’est lui, le coupable !
Couverture de couleur orange, petit format. L’odeur est à peine supportable.
Il faut que je l’éloigne. Vite, je regarde s’il contient des notes importantes ou si je peux tout simplement le bazarder.
Ah oui, il y a des notes importantes.
Alors je le cache loin, en hauteur, sur une étagère.
Je pourrais l’emballer dans un sac. Oui, c’est ça, je l’emballe.
Allons vite chercher un sac.
Et hop, emballé dans un sac en papier de la K’arts.
Je retombe sur un catalogue d’exposition (« The Neutral » ) et des reproductions au format carte postale.
Je les pose au bord du bureau, avec l’idée d’envoyer une carte aux amis.
L’odeur flotte toujours.
Je me découvre une hyper-sensibilité aux odeurs de papeterie et d’imprimerie.
Que vais-je devenir ?
Comment vais-je survivre dans ce monde plein d’imprimés odorants ?
Bon, il faut que je m’occupe un peu de mes projets, que je surveille les commissions de la DRAC, que je fasse des dossiers, des projets, des demandes, des offres, du buzz, du wachi-wacha…
Je prends des résolutions avant l’heure des résolutions.
De hautes résolutions.
Mais d’abord, un thé. Un bon thé vert de l’île de Jeju.
C’est un terrain volcanique. Le thé a ce caractère pierreux.
Mon dieu, l’odeur est encore là. Y aurait-il un autre cahier ?
Il faut que j’en ai le cœur net.
Ciel ! C’est le chéquier de la BRED !
Il faut le planquer, lui aussi ! Mon dieu !
Et hop, il a rejoint le cahier Oxford dans le sac en haut de l’étagère.
