
Allez, me dis-je.
Allons, me dis-je.
On ne peut pas mollir. Il faut continuer. Aller de l’avant. En marche. Marchons.
Et pour commencer, aujourd’hui c’est samedi.
Le soleil se fait sentir à travers les stores.
Mais je ne veux d’abord pas me lever.
Je reste comme prisonnier de la géométrie d’un rêve dont je ne connais plus les bords.
Il y a des mouvements, des tensions et une logique mais je n’en ressens que les conséquences indirectes. Elles se traduisent par une sorte d’inquiétude vague et de torpeur musculaire.
Tout cela me mène à huit heures cinquante trois.
A ce moment là je prends conscience du fait que cela fait bien une heure que je rumine la même phrase: « À gauche, des imbéciles et des hypocrites; à droite, des psychopathes et des ordures. »
Et d’ailleurs ce n’est même pas une phrase.
Je titube vers un café.
C. est déjà levée et regarde des dessins animés sur l’iMac.
Je lui fais remarquer que ses cheveux sont gras et qu’il faudra les laver avant de partir pour l’anniversaire de L.
A propos d’anniversaire, me dis-je, il faut acheter un cadeau pour L.
Et puis je me prépare des oeufs sur le plat avec de la poitrine fumée et du piment d’Espelette.
Après le café, zou, nous partons avec C. chercher un cadeau pour L.
Direction le petit magasin de jeux de la rue Saint-Martin.
Le patron est là mais il n’est pas ouvert qu’il nous dit.
Mais comme la porte du magasin est ouverte, C. est déjà entrée et farfouille.
Alors le patron dit que si on trouve notre bonheur, après tout, hein…
Alors on trouve notre bonheur.
Et notre bonheur est une boule en plastique transparent.
Et notre bonheur coûte trente euros.
Bon, qu’il dit.
OK, qu’il dit.
Et clic-clac, le tiroir-caisse.
Et on retourne dans le soleil et la fraîcheur.
Là-dessus, on repasse chez Leroy Merlin, pour une nouvelle poignée de porte.
On en profite pour essayer les cabines de douche.
Retour maison.
Lavage de cheveux.
Empaquetage.
On sort manger des chirashi et je dépose C. chez sa copine J., avec qui elle se rendra à l’anniversaire.
Ensuite, je fonce à la gym.
Quarante cinq minutes de cardio, circuit dos, quinze minutes de jambes, quinze minutes de gainage, stretching, sauna, douche, back home.
J’arrive vers quinze heures.
G.P. appelle.
Il est en retard.
– Pas la peine de passer aujourd’hui.
– J’irai demain, je dis.
– Parfait, il dit.
– Super, je dis.
– Tope-là, il fait.
– Si fait, je réponds…
Etc.
Bon, des courses.
Ensuite, théâtre à Ivry.
Tapenade et crackers.
Hier, me dis-je, hier.
J’ai oublié de parler de hier, me dis-je.
Je parle toujours d’hier, me dis-je, pensais-je.
Hier, c’était vendredi comme tout le monde a oublié.
Le truc le plus significatif c’est qu’E.B., me lisant, pense que je suis tristoune et qu’il sied de m’inviter à déjeuner.
Si j’avais su que l’on obtenait de tels résultats en se plaignant publiquement, je ne me serais pas gêné.
Et je ne m’étais guère plaint, cependant.
Je ne me sentais pas triste.
Simplement un peu esseulé, un peu abandonné.
Mais c’était le Nord, c’était la fin de l’année, c’était une école d’art mal dotée, qui a vécu sans se retourner.
En tout cas, merci E.B. et merci la belette et merci le castor (je ne sais pas quel petit nom on donne à A. mais le castor et la belette ça va bien ensemble).
Avant et après, il y avait eu un peu de montage son et de mixage avec K.K. puis le train Dunkerque-Paris. Tutoriel Protools sous légère somnolence.
Paris était frais et encore humide.
Un soleil promettait quelque chose pour dans pas longtemps.
La vie était encore belle.
Il y avait encore des espaces à conquérir et des châteaux à prendre.
Des princesses et des dragons.
Des forêts enchantées.
Une place au coin du feu.
Un regard, un sourire, une voix.
On pouvait encore.
Pour combien de temps ?
On verrait, me dis-je, pensais-je.