OUI, TROP CALME…

Un rien déprimant, bien sûr, de s’asseoir dans une classe vide et d’attendre que viennent à leur tour s’asseoir, au compte-goutte, un, deux, trois, quatre étudiants sans projets, vite fatigués. On se résout à échanger sur le mode de la commande et de l’exercice alors que l’on espérait se trouver en présence de projets personnels et autonomes. Ou, à tout le moins, d’une énergie vitale désirante, agissante…

Mais que cela soit déprimant n’est pas très grave. L’on trouve à s’occuper.

Le problème est que si la boîte est vide, elle se fragilise et finit par ne plus servir à rien.
Et encore, les cours c’est une chose. Il finit par y avoir quelques étudiants et l’on finit par entreprendre quelque chose, fut-ce quelque chose d’extrêmement modeste et d’ailleurs cela n’a pas d’importance, du moment que l’on peut échanger quelques mots, quelques idées.

Non, le plus embêtant ce sont les heures dites de « rendez-vous » où ne se présente personne, parce que la boîte est vide. Ce sont ces longues heures passées à arpenter les couloirs déserts, à adresser, depuis l’encadrement de la porte ou au travers des baies vitrées, des signes de têtes et des sourires figés aux rares présents, que l’on croise d’autant plus souvent que l’on ne peut pas éviter de les remarquer et de se faire remarquer d’eux. 

Et puis, vient le moment où l’on arrête d’arpenter, où l’on va s’asseoir dans une salle et où l’on attend en écrivant, en lisant, en regardant un film, etc.

Et puis, vient le moment où l’on se lève et où l’on s’en va, en se disant que tout ceci est absurde, occuper une cellule à l’auberge de jeunesse.

Et puis, vient le moment où l’on constate, pour la nième fois, qu’il n’y a pas de réseau dans la 101.

Et puis, vient le moment où l’on s’aperçoit que la chasse d’eau ne se remplira jamais et que l’eau coule en continu derrière le mur. Alors on descend à l’accueil et quelqu’un monte réparer mais cela se reproduit à chaque fois que l’on tire la chasse d’eau. Alors on cesse de tirer la chasse d’eau et l’on se dit que, finalement, il n’est peut-être pas nécessaire de tirer la chasse d’eau si fréquemment.

Et puis, vient le moment où l’on se cogne à la chaise et au lit en essayant de faire des exercices d’assouplissement.

Et puis, vient le moment où quelqu’un tape à votre porte à 6h du matin parce qu’il s’est trompé.

Et puis, vient le moment où le réveil sonne et où l’on se demande pourquoi l’on a si mal dormi et que l’on se souvient aussi que la veille il avait fallu se lever à 5h du matin pour venir s’asseoir dans cette classe vide après 1h40 de train. Mais l’on se dit immédiatement que l’on n’est pas le seul à s’être levé à 5h et que l’on n’est pas en droit de se plaindre.

Et puis, vient le moment où la météo annonce de la pluie.

Et puis, vient le moment où l’on se souvient pourquoi on ne peut plus supporter le petit-déjeuner à l’auberge de jeunesse. Mais on le mange quand-même parce que l’on a faim.

Et puis, vient le moment où l’on regrette de n’avoir pas emporté son bonnet.

Et puis, vient le moment où l’on regrette d’avoir pris une valise, plutôt qu’un simple sac-à-dos, ce qui nous aurait permis d’emprunter un vélo. Mais l’on se souvient que l’on avait choisi la valise pour éviter les douleurs consécutives au transport prolongé de lourdes charges sur le dos.

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