Ce matin, Y. tombe du lit vers six ou sept heures et à sept heures trente tout le monde est debout. On joue à Wasabi avec C. C’est un des jeux qu’elle a reçu hier pour son annoche.
Vers neuf heures, je pars faire de la gym. Il fait beau et frais. Séance honorable, suivi d’une bonne cuisson dans le hammam.
Retour à la maison vers onze heures trente. Salade poulet, roquette, parmesan, tomates. On sort tous les trois faire une balade jusqu’à la Maison Rouge.
Exposition sur la contreculture en France de 1969 à 1989. Ce qu’on préfère, avec C., c’est le film de Pierre Molinier et Téléchat. Ah, Léguman !
On revient en vélo. Passage chez Chacun ses goûts pour un yoghourt glacé aux fruits.
Une micro-sieste, trois parties de Wasabi et on repart pour Montreuil.
C., qui fête son anniversaire dans le local associatif, a besoin que nous virions quelques matières premières: des rouleaux de laine végétale, des plaques de laine de roche, des battants, des plaques de chêne.
Alors on déménage provisoirement et puis on passe la serpillère avec C. et tout de suite ça sent bon le Carolin.
R. nous fait visiter le local de G., qui est plus grand que le mien, je suis jaloux, où il entrepose son miel et ses rayonnages de ruches. Ca ferait un très beau plateau.
F. laisse un message pour dire qu’il est à Montreuil jusqu’à demain.
On rentre sous la pluie et on passe prendre des pizzas avant de remonter. Il ne reste plus qu’une goutte de vin. Dommage, j’en aurait bien bu un ou deux verres. Mais j’ai la flemme de ressortir sous la pluie.
On a beau faire, il y aura toujours un fil électrique ou un bout de toit dans le champ. Ce n’est pas grave, c’est même beaucoup plus beau parce que ça n’a rien de parfait. Et il y a un point chaud.
Heureusement, aussi, il y a les étudiants de troisième année. Je les aime de plus en plus, ceux-là, et leurs vidéos – même ratées, faites par-dessus la jambe parfois – font toujours penser, donnent toujours à penser, à discuter, à associer, à tirer des fils. Heureusement qu’ils sont là, sinon, je me sentirais bien seul dans cette école déserte. On dirait un film de Duras. C’est à faire peur.
Promenade dans le silence vide, sur lequel le soleil jette parfois un rayon. D’un café l’autre, dans les couloirs vite. Evidemment, les rares présents bénéficient d’une écoute particulière. J’écourte le cours, parce que lorsque l’on est quatre, quatre heures c’est long.
Il faisait moins froid, c’était déjà ça. A midi, j’étais aller manger un mafé à La Calebasse. Avec un jus de gingembre, comme il se doit. Ca m’avait réchauffé. J’avais lu le journal. Je suis content d’être – de nouveau – absent de Facebook. C’est triste comme une solitude peut être triste mais c’est beau comme une solitude peut être belle. Et notre bêtise collective m’attriste tout autant et plus.
Par ma seule existence, par mon statut-même d’artiste parisien, enseignant fonctionnaire territorial, papa, monsieur, bourgeois, propriétaire, je constitue une violence au regard de qui n’a rien, ne se sent rien, ne décèle pas de perspective, n’a plus rien à perdre, veut tout casser, désire le chaos et à celui là je ne peux rien dire, ne peux plus parler parce que par ma seule existence je suis violence à ses yeux, je suis obstacle à sa colère, je suis retard sur sa route vers le chaos. Alors, il ne me reste qu’à souhaiter qu’il ne soit pas majoritaire et qu’un peu d’apaisement puisse résulter d’une détente provisoire.
D’une manière générale, je ne veux plus rien dire. Ce n’est ni le lieu ni le moment. Je ne dis jamais rien, de toute façon, c’est évident et c’est la moindre des choses.
En revanche, j’attends avec impatience la fin des travaux. Echanges enthousiasmants hier avec M.S. et A.A. C.C. me confirme que les enceintes sont réservées. Je suis content. Hyper content. Je veux être un bon artisan.
JE N’AIME PAS LES ANNIVERSAIRES
Personne n’aime ça, les anniversaires. C’est justement pour ça qu’on les fête. Pour conjurer le sort. C. ne fait pas exception. Dès que les copines sont parties, elle s’est mise à pleurer et à se répandre en imprécations pour maudire le ciel et la terre. Pas Athéna, quand même. On ne touche pas à Athéna dans cette maison. Je l’ai envoyée se coucher vite fait et elle est revenue dans de meilleures dispositions. Ca fatigue, les bonbecs. Neuf filles dans un petit appartement parisien, ça fait du bruit faut dire. Genre apocalypse. Il y a eu du déchirement d’ailes. On a tenu bon. On s’est gavés de gâteau au chocolat. Surtout moi. Demain, gym dès le matin. Puis il faudra, à un moment, aller à Montreuil déplacer du matos pour dégager la salle associative, que C. doit utiliser pour fêter son anniversaire (encore un).
En allant faire les courses ce matin, alors que je passe au conservatoire pour réinscrire C., je tombe sur A., le papa d’I. et L.B., qui est avec sa fille. L. me raconte une histoire qui me fait bien rire:
C’est une hôtesse de l’air qui pousse son charriot et propose deux possibilités de plateaux repas: le premier c’est une assiette de poulet et l’autre c’est un étron puant. – Il est préparé comment ce poulet ? – demande le passager.
Exactement comme ces gens qui tordent le nez pour aller voter.
Désolé et abandonné comme cette plage, dans l’école déserte hier. Deux étudiantes à l’atelier du matin et l’après-midi personne. Je grelotte dans les bureaux, je grelotte sur les trottoirs, transi, frigorifié. On se réchauffe comme on peut, à coup de soupe miso, de cafés. Vers 16 heures il me faut admettre que l’école est vide et je vais poser mon barda à l’auberge. La dame à l’accueil porte une minerve (mais quel est son prénom ? Je la vois toutes les semaines et je ne connais même pas son prénom). Je lui demande ce qui lui arrive, elle me dit qu’elle a mal aux cervicales, je lui indique quelques exercices.
En cellule, je m’installe face aux deux premiers épisodes de la série « Dix pour cent », puis je vais traîner ma tristesse et ma désolation sur la plage, en espérant que me prendra l’envie de m’asseoir à une terrasse face à la mer. Mais il fait trop froid et je n’ai pas soif. Alors je laisse mes pas me porter jusque chez E.B., où j’arrive manifestement trop tôt, après avoir fait l’emplette d’une bouteille de champagne vernaculaire à l’épicerie non-loin. Cette invitation à dîner sauve ma soirée d’une solitude affligeante en cellule. Pendant qu’E. prépare le dîner (truite fumée, salade, crêpes, purée « Robuchon », gâteau au chocolat), je bois des bières à la table de la cuisine et on cause gentiment des derniers développements de l’actualité politique.
Les enfants se reposent et nous rejoignent vers 20h. G. s’étonne de manger si tôt. C’est de ma faute, je pense et je dis. Et comme je suis arrivé tôt, je repars tôt. J’absorbe encore un épisode de la série, mais le réseau de la chambre 102 ne peut donner que ce qu’il peut. Et il peut peu. Ainsi, lorsque la roue de patience se met à tourner un petit peu trop souvent, je décide que ça va bien comme ça et que cette journée a trop duré. Je mets France Culture sur le téléphone et je parviens à m’endormir avant les fatidiques soixante minutes. Ce matin, réveil à six heures. Je me rendors. A sept heures, je mets la radio. A huit heures, je prends ma douche. A huit heures vingt, je prends le petit déjeuner. A huit heures trente, je me brosse les dents. A huit heures quarante cinq, je monte sur un vélo de la ville de Dunkerque.
La réalité du vendredi est à peine plus drôle que la réalité du jeudi mais elle débouche sur autre chose, espère-t-on. L’école est toujours aussi déserte. Pas grave, j’ai du travail. J’espère que tous ces étudiants inscrits et qui ne viennent pas font quelque-chose de plus intéressant de leur temps à la place. Mais j’en doute. Je suis pessimiste. C’est passager. Tout s’en va. Heureusement.
C’était lundi. Ca s’entendait au bruit. Aux oiseaux, aux cris des commerçants et des ripeurs. La ville se réveille avec une énergie autre, un lundi. Ce n’est pas comme avant et après ce n’est plus la même chose. Un rêve vous fait peur. On ouvre l’œil. On est aux aguets. Et j’ai déjà raconté cela. J’ai déjà dit cela. Déjà vu, déjà dit.
Ensuite, tout va très vite. Bientôt, je suis à Montreuil. Je passe au studio mais il n’y a personne. M. est allé déjeuner. Alors j’en fais autant. J’essaye le petit restaurant soi-disant coréen et j’y commande un bo-bun à huit euros. Pas pire. J’y retourne. M. est rentré. On papote à peine. Je fais un tour et je rentre. Rasage, douche, je me change et vais chercher C. à l’école pour l’emmener au Conservatoire.
T., P. et A., une amie américaine, viennent dîner à leur sortie du preview « Walker Evans » à Beaubourg. On se fait une table de délices italiens. A la fin, des glaces et des sorbets. Pas mal de vin et de fromages. Du café aussi et de la tisane, pour les dames. T. a un projet de photos noires de sujets noirs sur fonds noirs alors que je fais des blancs sur blancs depuis quelques temps. On rigole bien. C. fait des photos ratées. Pas moyen avec les lampes dans la vue et sans lampe pas de lumière. C’est très bien. On lit les retrouvailles d’Ulysse et Pénélope et hop, dodo.
Moi, je vais à la chasse au Mélenchon sur mon mur. Hop, hop, ça valse. Un peu comme quand on tond le gazon ou qu’on passe l’aspirateur sur un sol poussiéreux. On y voit plus clair. C’est plus frais. On pensera mieux. On dégage la ligne d’horizon. On arrête de parlementer. Plus le temps. Mais c’est le mur qu’il faudrait passer par-dessus mur. Ou le mort.
LES ENCEINTES DE DAVID GILMOUR
Facebook, c’est encore fini, jusqu’à la prochaine. C’est que y en avait marre aussi de cette débilité mentale généralisée. Je ne donne pas de nom. Pas de noms d’oiseaux. Alors, je suis parti. Et ça fait du bien.
Immédiatement, R. m’écrit pour me dire que je suis un con, qui traite les gens avec violence, etc. D’abord je ne comprends pas et ensuite je me dis: bon sang, il pense que je l’ai radié, viré, bloqué, parce qu’il ne me voit plus, j’ai disparu de son radar. Alors je lui écrit pour lui dire que non, que pas du tout, que mais voyons et bisous. Ouf. Ensuite, c’est P. qui me dit que je suis plein de haine et que c’est bizarre et je me dis que aïe, lui aussi a dû croire que… et rebelotte.
Donc je me fends d’une annonce, sur ma page d’artiste, comme on dit, pour les cent quatre vingt seize personnes qui ont la bonté de la suivre de loin en loin pour dire que non, non, non, je ne les ai pas virés, bloqués, ni rien. Je suis juste parti. J’ai débranché, désactivé. Pschit.
Et ça fait un bien fou, les amis. Après, j’ai suivi quelques tutoriaux en ligne, avant d’aller déjeuner avec cette vieille branche d’A.F. que je n’avais pas revu depuis 25 ans au bas mot. On se retrouve dans ce drôle de quartier de la Porte de Vanves, au Bistrot Indochine et l’on papote gaiement jusque vers 14 heures. On catch up. On se reconnaît. On n’a pas changé. Les mêmes. On ne change pas. On perd des facultés, un peu. On ne change pas. On rigole. On boit de la bière. On mange de la soupe aux raviolis, des nems, du porc aux deux façons.
Et puis on saute dans un tram. On se quitte à la Porte de Vanves et on continue d’échanger des SMS débiles jusqu’à ce qu’on n’ait plus de réseau, plus de batterie, plus de force dans les doigts, plus d’icônes vierges…
Je rentre et je m’occupe de mes enceintes. Ce sont des enceintes à tout faire péter. Les meilleures enceintes de la planète. Le plus gros son de Paris. La Rolls Royce du 93. Des ATC SMC 100. Celles de David Gilmour, mec. Oui, des Pink Floyd. Lui-même. Je te jure. Oui. Putain. Merde.
Bon, c’est un peu cher, un peu puissant, un peu loin, un peu lourd. Ca envoie, ça jette, ça fait peur, ça calme, ça impressionne, ça fait briller les yeux des filles. J’hésite, je réfléchis, je délibère, je discute. Et puis je dis: banco.
J’achète. Je commande. Je passe commande. J’attends la réponse. La réponse arrive. De Londres. En Anglais. C’est bon. Ca roule. Elles arrivent.
Longue conversation avec O. On parle micros. Vertige des références. Prestige allemand. Je jongle avec les chiffres, les perspectives.
Il faut raison garder. Ne pas s’emballer. Vérifier qu’elles sont actives, les enceintes. Qu’il y a un ampli. Alors je pose la question par mail. David Gilmour. Les mecs. Je vous jure.
Et à l’instant, je ne mens pas, il est 23h30, à l’instant tombe la réponse. Elles sont actives. Alors moi je dis: super cool! Et je vais pouvoir dormir tranquille.
C. m’avait réveillé en sursaut au milieu d’un rêve, dans lequel je me trouvais dans une fête du nouvel an, en train de demander à des enfants d’aller voir leurs parents pour leur expliquer que la fête était finie et qu’il était temps de rentrer chez eux. La fête avait lieu dans le studio et j’étais très déçu parce que, de l’extérieur, on entendait un potin d’enfer là où l’insonorisation aurait dû jouer son rôle. Heureusement, ce n’était qu’un rêve. Mais cela veut dire que j’ai été réveillé au milieu d’un cycle de sommeil et ce n’est jamais bon. Je traînerai cette vieille fatigue toute la journée. Tant pis pour elle.
Et donc, il faut se préparer pour partir pour Joinville où a lieu le repas funèbre suivant la crémation de Mme P., la maman de C., copine d’enfance de Y. On y passe l’après-midi. C. adopte une coccinelle trouvée dans le potager. On lui crée un lieu de vie, dans un tupperware percé que l’on garnit de pâquerettes, de jeunes pousses de radis et de diverses feuilles. On lui donne quelques grains de sucre dans une goutte d’eau et on se met à la recherche de pucerons, mais nous n’en trouvons pas.
Je ne parle à personne, ou presque. Je mange, je bois et je médite. J’écoute les conversations. Les jeunes, les vieux. J’entends parler études, travail, politique, vacances, sorties, boîtes de nuit, stages, salaires, loisirs, projets, envies, départs, retours, permis, concours, élections, mariages, naissances, enterrements… Parfois, j’interviens, je feins d’intervenir, j’amorce une intervention, puis je me lève, je vais faire un tour de jardin, respirer du romarin, regarder la forme d’un pignon. Je passe par la cuisine. Je reprends du gâteau, du vin, du café, du champagne, du fromage, de la crème chantilly, des chips, des pistaches, du humous, du taboulé, des piments, de la pitta, de la tarte, de la salade. Je mange trop, je bois trop, je me sens lourd. Je vais me rasseoir, sourire, me taire, fermer les yeux. C. se balance sur la balançoire, saute sur le trampoline. Je vais sauter sur le trampoline. J’arrive à faire quelques saltos avant mais pas les saltos arrière. Ca bloque. Je vais me rasseoir. Conversations. Qui s’éloignent, se rapprochent, s’éloignent. Ca m’épuise. Je dors debout. Je rêve d’une sieste. Ou d’une balade au soleil au bord de l’eau. Ou d’une sieste au soleil au bord de l’eau. Bref. Vers 17h30, on s’arrache avec C. RER. Back home.
Vanné. Demain, demain, le suspense sera levé. On saura quoi.
Et voilà. C’est la dernière fois qu’on les verra. Demain, elles seront obturées, cachées derrière trois couches de plâtre et de la laine végétale. Il n’en restera qu’une, en vue, celle de gauche. Avec un verre dépoli. Lumière du jour, certes, mais lumière seule. Et trois feuillages de verre. Ensuite, ça va commencer à devenir mystérieux et il va être urgent de savoir ce qu’on veut installer en terme d’écoutes.
Ca sent le brainstorming la semaine prochaine. Le plancher sera l’affaire d’un résilient (plaques de gomme noire) et d’un plancher de chêne en mosaïques. L’on complètera par des carrés de moquette amovibles.
Ce matin, A. et moi, nous nous étions donné rendez-vous à 10h45 à la Mairie des Lilas. De là nous avions pris le 129 jusqu’à la Mairie de Romainville et étions passés récupérer les cartons que j’avais entreposés chez L. Celle-ci nous prête sa voiture et nous commençons par un premier dépôt à Montreuil avant de repartir pour Rambuteau, prendre quelques cartons contenant des vinyles de Life Design.
Comme il est tard et que nous avons faim, nous faisons une pause près de l’hôpital Bichat – le détail a son importance comme on le verra – et allons manger un bo-bun au Petit Cambodge situé non-loin.
De retour, la voiture ne démarre plus.
Le patron du bistrot en face nous conseille d’aller dans le parking de l’hôpital demander un booster de batterie. Une sorte de défibrillateur pour voiture. Ce que nous faisons.
Le gardien du parking fait d’abord mine de refuser, mais, devant nous suppliques, finit par céder. Je laisse ma carte d’identité en otage. On branche. Rien.
On va demander de l’aide au patron du bar, qui a l’air de s’y connaître. Il fait démarrer la voiture.
On l’embrasse. On rend le booster. On s’en va. On roule un moment, joyeux. La vie est belle.
Et pof, au milieu de la rue Belgrand, on cale. Et là plus rien. Et nos téléphones sont à plat aussi.
On marche jusqu’au tabac « Le Havane ». le patron me prête des câbles à pinces crocodile. Le premier automobiliste à qui l’on s’adresse accepte bien gentiment de nous donner du jus. Peine perdue, la batterie est morte.
Je mets en charge mon téléphone sous le bar de R. (le patron du « Havane »). On boit des bières, un café, le temps que le téléphone se charge. Puis j’appelle L. Elle appelle son assurance. Une dépanneuse. On rapatrie les cartons au « Havane ». R. se propose de nous les garder. Je lui offre un disque, bien sûr, mais on se dit qu’on va y aller en taxi, tant pis. Et là, coup de théâtre, L. et les enfants finissent par débarquer dans la voiture de E., qui les dépose et nous prend en charge. Et donc, ouf, on pourra finalement transporter nos cartons. Et tout cela n’aura été qu’une aimable digression de quatre heures où nous avons fait la rencontre d’êtres remarquablement gentils, généreux et serviables.
Et le soleil est sorti. On rentre contents. On fait une bonne équipe.
Alors que je suis au bar, R. me souffle, désignant A.: « C’est ton fils ? ». -« Non, que je fais, c’est mon assistant, on travaille ensemble… » -« T’es sûr que c’est pas ton fils? Il te ressemble… » Ca fait beaucoup rigoler A.
C’était une des statuettes de Wu Xiaohai qui m’avait intrigué l’autre jour, chez Patricia Dorfmann. Cette double-langue qui se tire elle-même à hue et à dia. Quand on ne sait pas si l’on aime ou si l’on n’aime pas, c’est bon signe, comme chacun sait. Y. est rentrée hier soir vers 20h50. On avait mangé des gnocchis et il en restait un peu. Ce matin, réveil vers 7h30. La crapette nous mène jusque vers 8h30 et C. n’en finit pas de ne pas terminer ses gaufres. Elle a pris du Champomy dès le matin, la pauvre enfant. En bas on croise les S.
On fait un bout de route dans le froid avec M. J’ai mon bonnet et mon écharpe. Ayant déposé C., je continue tout droit jusqu’au club de gym. Quarante-cinq minutes de cardio, le circuit spécial dos et quinze minutes d’exercices de jambes et il est bientôt onze heures. Déjeuner sommaire et je passe au centre des impôts du XVIIIe, récupérer un exemplaire de ma lettre d’option pour la TVA mais je m’aperçois, une fois arrivé, que le centre est fermé le jeudi après-midi. Je rentre à pied, en passant par Star’s Music, où j’achète une iLok 3 pour la licence Protools. Une glace au yoghourt et aux fruits en arrivant, pour me remettre. Quelques courriers, des virements, des opérations bancaires.
J’organise le rapatriement de cartons demain. L. prête sa voiture.
Une journée où il se passe peu et où je marche beaucoup. Ca arrive. À 18h, je vais chercher C., qui sort du ping-pong. On passe faire trois courses chez Bio c’est bon. En rentrant, je mets à cuire les épis de maïs pour C. et Y. Je vais me faire une boîte de thon avec du piment et ça ira bien. Jetons un œil sur les programmes de cinéma.
Pas eu le temps de faire un saut sur le chantier mais je verrai ça demain.
Parce qu’il se fait tard et que j’aimerais être en forme demain matin. Il fait froid. Y. a eu raison de remettre le chauffage en route en fin de semaine dernière. Le blizzard souffle du matin au soir et du soir au matin. Avec parfois un rayon de soleil pour se réchauffer. Ce matin, je dépose C. à l’école puis je vais faire un peu de gym. Très peu. Je rentre tôt, le temps de préparer un risotto, de manger et de préparer la cuisine pour que A., qui arrive à 13h, puisse faire le ménage comme il convient. Tutoriels (égalisations), lecture, puis écoutes diverses avant d’aller chercher C. à 16h30 pour filer à Montreuil.
On y arrive vers 17h15. G. et M. sont en train de décharger la deuxième cargaison de plaques de plâtre. M. a terminé le plafond. De l’air, des épaisseurs de laine végétale et trois épaisseurs de placo. Il n’y a déjà presque plus de réverbération dans la pièce. Demain, ce sont les murs. On se donne rendez-vous même heure. G. doit me montrer des échantillons de textiles pour les revêtements. Il faut aussi que l’on prévoit l’achat et la pose de câblages pour les enceintes encastrées dans les murs.
C. fait un peu sa princesse et m’énerve. Elle veut des œufs en chocolat, des gaufres, des sashimis, regarder des films, écouter Charles Trenet, jouer aux cartes, lire les aventures d’Ulysse, tout ça en même temps, tout en se lavant les dents alors qu’il est l’heure de dormir depuis longtemps. Je suis un tout petit peu obligé de hurler. Fatigue. Mais elle est bien mignonne. Ah mince, avec tout ça, on a oublié le sérum physiologique et l’Aerius®.
Ensuite, calmement, un tutoriel de prise de son (sonates piano / violon dont une avec violoncelle) et tutoriel de montage de prises de voix. Maintenant, il est temps d’aller dormir.
LUTTER CONTRE LE FROID
Tous les matins c’est pire. Aujourd’hui 3°C. Lutter contre le froid requiert toute mon énergie et toute mon attention. Pas moyen d’envisager une vie sociale par là-dessus. Il y a déjà fort à faire entre les banques, les travaux, les achats, la rentrée prochaine, les impôts, les serrures, etc. D’autant que l’atmosphère pré-électorale est tendue. Encore dû zapper des gens ce matin. Bon, ça fait de l’air aussi. De l’air frais. Mais c’est de chaleur que l’on rêve.
J’observe les mains des clients du café où je me suis assis en attendant midi. Généralement occupées à manipuler des écrans tactiles. Les gestes des pouces, notamment. Va-t-on voir les pouces se développer davantage ? Grandir ? S’élargir ? Je suis loin de Delacroix qui disait qu’il fallait être capable de croquer un homme qui tombe par la fenêtre pendant le temps que dure sa chute. J’arrive à peine à croquer une dame qui boit tranquillement son café accoudée au bar. Une tasse de café qui ne bouge pas me donne déjà du fil à retordre. Comprendre les volumes, les masses et les reflets des bourrelets d’un fauteuil. Comprendre son outil, le trait d’un stylo, sa capacité d’encrer.
C. a huit minutes de retard. J’ai mis ma capuche pour me protéger du vent glacé. Tout à l’heure, je me promets de mettre un bonnet, une écharpe et des gants. Ne pas faiblir. Affronter. C. mange un chirashi et moi une omelette aux courgettes avec du lard fumé chinois. Je crois que je vais faire une sieste pour me préparer à affronter le froid de l’après-midi.
On mange le petit écureuil en chocolat de C. Il y a des noisettes à l’intérieur.
À partir de maintenant, je m’en fiche, je laisse filer. C’est la dernière ligne droite. On vote dimanche prochain, on parle d’autre chose. Pour bien faire, je ferais mieux de désactiver mon compte de nouveau. Je le ferai peut-être. Pour l’instant, il suffit de s’en désintéresser.
La trève pascale s’achève. Le chantier reprend. Il y a de quoi s’occuper d’autre chose.
On peut savoir que les cloches ce sont les parents et décider de croire quand même aux cloches. Croire qu’on ne croit pas c’est déjà croire. C’est comme pour dieu. On ne peut pas ne pas croire. Même en se forçant. Même par la négative. Ce matin, je suis allé chercher C. chez ses cousins. C’est au parc que je les ai rejoints. Enfin, juste à la sortie du Square Brassaï, dans le 13e arrondissement.
On passe prendre son petit panier et on rentre par le 47. Il pleut. Le sac se déchire. On ne perd rien. Je serre les œufs, les cartes et le pot de confiture de framboises.
Y. part pour quelques jours à Aix consulter les archives. Avec C., on se fait des hot dogs et puis on joue à la crapette. Ensuite, je me dispute avec plein de gens sur Facebook et j’en vire un paquet. Pour être bien injuste, je ne vire que les imbéciles et les gens mal élevés. Ca ne leur apprendra rien parce qu’ils sont trop bêtes pour comprendre mais ça me fera des vacances en me dispensant de lire leurs bêtises.
Après, je décide que ça va bien comme ça. Alors, fini, basta, on n’en parle plus. Dimanche, ce sera fini. C’est comme si on attendait l’orage.
C. regarde des films et je rédige une note pour un appel d’offre que m’a transmis P. Et puis on joue de nouveau. On prend un bain et on sort pour manger une pizza. La serveuse, J., nous a à la bonne. Elle nous offre une salade, un tiramisu, un café. C. se demande pourquoi elle est si gentille avec nous. Et puis on rentre. Il est tard. L’heure de se brosser les dents, de se laver le nez au sérum physiologique, de prendre ses 5 ml d’anti-histaminique, de lire un chapitre du Feuilleton d’Ulysse et de faire dodo.
Je reste encore un moment à discuter avec V. sur le chat de FB mais il se fait tard et j’ai bu trop de vin. Il est temps de faire autre chose. Peut-être encore un tutoriel avant de dormir ?
De retour à l’instant du Jardin d’acclimatation où avait lieu une gigantesque chasse aux œufs de Pâques, j’ai laissé C. avec ses cousins et sa tante – ma sœur donc. Un peu vanné. Je m’étais réveillé en pleine nuit vers 4h30 et n’avais pas réussi à me rendormir. J’en avais profité pour prendre quelques cours de production audio en ligne et faire des exercices pratiques de reconnaissance de fréquences et d’égalisations.
Hier matin, nous avions joué aux échecs avec C., avant l’arrivée de L. J’étais allé faire des courses puis j’avais préparé des ravioles. Me suis rendu compte que l’on ne trouvait plus, ni chez Franprix, ni chez Carrefour, de ravioles de Romans ou de Royans. À la place on trouve de grosses ravioles de la taille des raviolis italiens. Curieux, me suis-je dit. Les ravioles seraient-elles passées de mode ? Une enquête s’impose. Sitôt cette entrée terminée je m’en vais taper « que sont devenues les ravioles ? » dans Google.
Mais pour en revenir à hier, donc, après le déjeuner, j’étais allé faire une balade avec M. qui était sortie de terre à la Porte Berger, tandis que je l’attendais Place St Opportune, mais c’est sans importance, grâce à la technologie mobile. Un tour des galeries du marais, en commençant par les environs de l’Hôtel de Ville et en remontant lentement vers Arts et Métiers, jusqu’à ce qu’il soit l’heure pour elle d’aller rater son train de 19h. On voit des trucs bien rue de la Verrerie, Wu Xiaohai (« Destin ») chez Patricia Dorfmann – qui fait penser à Michael Borremans par moments et, rue du Bourg Tibourg, chez Nathalie Obadia, l’exposition de l’artiste iranien Shahpour Pouyan, qui présente des reproductions de miniatures persanes en regard d’un ensemble de céramiques représentant des mausolées, des prisons, des bases militaires, des tombeaux, je ne sais quoi. C’est-à-dire, s’agissant de ces deux expositions, que notre déambulation nonchalante se trouve confrontée à des objets et des images inquiets, pleins de mystères, offrant de curieux rapports d’échelles, un ensemble visiblement cohérent de thèmes récurrents et cauchemardesques. L’on se dit qu’il y a à déchiffrer et l’on décrit ce que l’on voit. Ensuite, du côté de la rue du Temple, ça se gâte un peu. L’exposition Kentridge chez Marian Goodman déçoit. C’est chic et de bon goût. De la déco à clins d’œil culturels, sans intérêt. Chez Laurent Godin, le cimetière de comptes Facebook retient l’intention cinq minutes comme une chose un peu vaine et fermée, bien qu’élégante. C’est surtout le trio de poils de chattes au sous-sol qui reste agréable.
J’allais ici m’expliquer à propos de quelque-chose mais finalement, je décide que non et il n’en sera donc pas question. Never explain, never complain. Un gros pavé de texte a sauté. Il reviendra sous une autre forme, lorsqu’il ne sentira plus le besoin d’être justifié. C’est une question de jours, de semaines. Comme si le langage s’était soudain révélé plus élastique. Comme si l’on pouvait se rouler dedans, être massé par le langage. Comme l’on s’était d’ailleurs fait masser par les extraordinaires fauteuils et machines à masser les pieds que l’on ne trouve que chez Nature & Découvertes.
Rentré vers 17h. Je croise L. venue chercher L. Je prépare des sashimis à C. On joue aux Mille Bornes, aux échecs. On lit un peu. L’histoire de la jeune ogresse qui tombe amoureuse d’un enfant qu’elle avait prévu de manger. Et puis, bientôt c’est moi qui tombe de sommeil. Mais avant cela, un peu de lecture, de mails, de glande sur Facebook. Un ou deux tutoriels d’enregistrement et de compression. Let’s call it a day, me dit une petite voix derrière mes acouphènes aux environs de 23h57. Mais à 4h30, ça repart comme en quarante