ON NE SAIT PLUS QUEL JOUR ON EST

C’était lundi. 
Ca s’entendait au bruit. 
Aux oiseaux, aux cris des commerçants et des ripeurs.
La ville se réveille avec une énergie autre, un lundi.
Ce n’est pas comme avant et après ce n’est plus la même chose.
Un rêve vous fait peur.
On ouvre l’œil. On est aux aguets.
Et j’ai déjà raconté cela. J’ai déjà dit cela. Déjà vu, déjà dit.

Ensuite, tout va très vite.
Bientôt, je suis à Montreuil.
Je passe au studio mais il n’y a personne. M. est allé déjeuner.
Alors j’en fais autant.
J’essaye le petit restaurant soi-disant coréen et j’y commande un bo-bun à huit euros.
Pas pire.
J’y retourne.
M. est rentré. 
On papote à peine. Je fais un tour et je rentre.
Rasage, douche, je me change et vais chercher C. à l’école pour l’emmener au Conservatoire.

T., P. et A., une amie américaine, viennent dîner à leur sortie du preview « Walker Evans » à Beaubourg.
On se fait une table de délices italiens.
A la fin, des glaces et des sorbets.
Pas mal de vin et de fromages.
Du café aussi et de la tisane, pour les dames.
T. a un projet de photos noires de sujets noirs sur fonds noirs alors que je fais des blancs sur blancs depuis quelques temps.
On rigole bien.
C. fait des photos ratées.
Pas moyen avec les lampes dans la vue et sans lampe pas de lumière.
C’est très bien.
On lit les retrouvailles d’Ulysse et Pénélope et hop, dodo.

Moi, je vais à la chasse au Mélenchon sur mon mur.
Hop, hop, ça valse.
Un peu comme quand on tond le gazon ou qu’on passe l’aspirateur sur un sol poussiéreux.
On y voit plus clair.
C’est plus frais.
On pensera mieux.
On dégage la ligne d’horizon.
On arrête de parlementer.
Plus le temps.
Mais c’est le mur qu’il faudrait passer par-dessus mur.
Ou le mort.

LES ENCEINTES DE DAVID GILMOUR

Facebook, c’est encore fini, jusqu’à la prochaine.
C’est que y en avait marre aussi de cette débilité mentale généralisée.
Je ne donne pas de nom. Pas de noms d’oiseaux.
Alors, je suis parti.
Et ça fait du bien.

Immédiatement, R. m’écrit pour me dire que je suis un con, qui traite les gens avec violence, etc.
D’abord je ne comprends pas et ensuite je me dis: bon sang, il pense que je l’ai radié, viré, bloqué, parce qu’il ne me voit plus, j’ai disparu de son radar.
Alors je lui écrit pour lui dire que non, que pas du tout, que mais voyons et bisous.
Ouf.
Ensuite, c’est P. qui me dit que je suis plein de haine et que c’est bizarre et je me dis que aïe, lui aussi a dû croire que… et rebelotte.

Donc je me fends d’une annonce, sur ma page d’artiste, comme on dit, pour les cent quatre vingt seize personnes qui ont la bonté de la suivre de loin en loin pour dire que non, non, non, je ne les ai pas virés, bloqués, ni rien. Je suis juste parti. J’ai débranché, désactivé. Pschit.

Et ça fait un bien fou, les amis.
Après, j’ai suivi quelques tutoriaux en ligne, avant d’aller déjeuner avec cette vieille branche d’A.F. que je n’avais pas revu depuis 25 ans au bas mot. On se retrouve dans ce drôle de quartier de la Porte de Vanves, au Bistrot Indochine et l’on papote gaiement jusque vers 14 heures.
On catch up.
On se reconnaît.
On n’a pas changé.
Les mêmes.
On ne change pas.
On perd des facultés, un peu.
On ne change pas.
On rigole.
On boit de la bière.
On mange de la soupe aux raviolis, des nems, du porc aux deux façons.

Et puis on saute dans un tram.
On se quitte à la Porte de Vanves et on continue d’échanger des SMS débiles jusqu’à ce qu’on n’ait plus de réseau, plus de batterie, plus de force dans les doigts, plus d’icônes vierges…

Je rentre et je m’occupe de mes enceintes.
Ce sont des enceintes à tout faire péter.
Les meilleures enceintes de la planète.
Le plus gros son de Paris.
La Rolls Royce du 93.
Des ATC SMC 100.
Celles de David Gilmour, mec. Oui, des Pink Floyd.
Lui-même. Je te jure. Oui. Putain.
Merde.

Bon, c’est un peu cher, un peu puissant, un peu loin, un peu lourd.
Ca envoie, ça jette, ça fait peur, ça calme, ça impressionne, ça fait briller les yeux des filles.
J’hésite, je réfléchis, je délibère, je discute.
Et puis je dis: banco.

J’achète. Je commande. Je passe commande. J’attends la réponse. La réponse arrive. De Londres. En Anglais. C’est bon. Ca roule. Elles arrivent.

Longue conversation avec O.
On parle micros. Vertige des références. Prestige allemand.
Je jongle avec les chiffres, les perspectives.

Il faut raison garder. Ne pas s’emballer.
Vérifier qu’elles sont actives, les enceintes.
Qu’il y a un ampli.
Alors je pose la question par mail.
David Gilmour.
Les mecs.
Je vous jure.

Et à l’instant, je ne mens pas, il est 23h30, à l’instant tombe la réponse.
Elles sont actives.
Alors moi je dis: super cool!
Et je vais pouvoir dormir tranquille.