À l’instant, France-Info me souffle qu’on attend 13 à 17°C du nord au sud. Avec du vent. Carmen, elle s’appelle. Il s’appelle. Me dit-on. Façon de parler.
Je me réveille d’un steak. De l’image d’un steak. De trois steaks.Énormes. Que mon hôte, du rêve, prétendait me faire manger. – Mais je suis végétarien, que je lui dis. – Merde alors, qu’il me répond, qu’est-ce que je vais faire de toute cette bonne viande ? Il y en a pour une fortune. – Je vais t’aider à la manger, t’inquiète.
Mais c’est moi qui m’inquiète. Comment ingérer cela ? Je songe un instant à lui rembourser cette « fortune », mais il m’indique qu’il y en a pour huit mille euros. Alors, autant manger ces steaks… OK mais, du coup, ce qui m’inquiète – davantage que les steaks – c’est ce qui pousse mon hôte à faire une telle dépense en ma faveur.
Qu’attend-t-il de moi ?
Et puis j’assistai à un concert d’Iggy Pop, avec Y. Nous nous trouvions sur une sorte de balcon. Une passerelle métallique accrochée au faîte d’un immeuble. Le concert avait lieu dans la cour. Pour une raison oubliée, nous avions avec nous le téléphone portable du bassiste, qui ne cessait de sonner et sa sonnerie c’était le riff de Smoke on the water. Le bassiste, lui, courait du toit à la scène à la recherche de son instrument. Ce qui n’empêchait pas Iggy de chanter, couché sur le sol de la cour, face contre terre.
Mais bientôt c’était l’immeuble lui-même qui se mettait à bouger. Nous étions montés sur une roulettes. Et l’immeuble s’éloignait. Inexorablement.
J’avais lancé trois fois du café et trois fois je l’avais oublié. Bouclé dans les superpositions de motifs de guitares. En boucles hypnotiques. À la recherche du son. La basse est là.
Ce matin, d’abord, rendez vous avec M.K., l’oncle de M.K. (on dirait du Ionesco) au Café de l’Industrie, à la porte de Montreuil. On parle d’Algérie, d’Histoire, de religion, de développement économique, d’enseignement supérieur, de toutes sortes de choses. L’on convient de se retrouver le quinze à Lille, à l’occasion du déménagement de M.
Puis retour à la maison, soupe de potimarron, légumes, galette de céréales.
Après-midi au studio. Instrumental.
Dehors, il fait tiède. Les chèvres sont de sortie.
Cette pluie, c’était comme dans un film de Tarkovski, avais-je pensé. C’était comme si la pluie allait tout emporter, m’étais-je dit.
Et puis la pluie avait lavé le ciel et soudain il faisait beau. Il ne pleuvait plus que dans la moitié du ciel. C’était magnifique, m’étais-je dit. J’avais eu envie de le dire à quelqu’un. Je l’avais dit à quelqu’un.
Et une moitié du ciel était habitée d’un arc en ciel. L’autre moitié du ciel, d’une faible bruine. Je me trouvais à l’intersection. Exactement. – Il faut sortir, m’étais-je dit.
Cela n’avait pas été la semaine que j’avais imaginée. Mais je n’avais rien imaginé non plus parce que je savais que ce que j’avais imaginé n’était qu’une fable. J’avais su. Je m’étais prévenu. Je m’étais préparé. J’avais dit que je ne m’attendais à rien, je l’avais écrit, me dis-je, et rien était survenu. Rien m’avait donné raison. Rien était advenu.
Au lieu de partir, j’étais resté. Et c’est très bien comme ça, me dis-je. Je peux attendre, me dis-je. Le ciel peut attendre.
Mieux vaut être seul que mal accompagné. J’étais soulagé d’être déçu. Et même pas fâché. Simplement désabusé.
Alors j’avais commandé du matériel, des livres théoriques. Un télémètre laser, un micro de mesures acoustiques, une carte son portable, The Master Handbook of Acoustics de F. Alton Everest & Ken C. Pohlmann.
J’étais allé, dans le froid, recevoir un massage comique à la Porte de Vincennes. Et puis il y avait eu à s’occuper de M.K., victime du harcèlement de ses propriétaires. Puis il avait fallu aussi s’occuper de S.A., qui faisait des caprices. Et quelques conversations téléphoniques avec G., en vacances, pour une fois.
Préparer le changement. Penser à A. Penser à C. P. est à Lille. Je suis seul, alors je fais de la musique. Je fais des courses. Je deviens végétarien. Je déménage. J’emménage. J’anticipe.
Aujourd’hui, je m’étais dit que j’allais travailler la chanson pour P.B. et puis j’étais resté à la maison. J’avais regardé la saison 4 de Black Mirror. J’étais sorti faire des courses à l’heure de l’arc en ciel. Je n’avais échangé que quelques messages avec la confidente de mes arcs-en-ciel.
Je n’avais parlé qu’avec les rencontres de hasard du supermarché, du bus, de chez Naturalia. J’étais en état de parler avec les hommes et les femmes. En état mais pas en situation. Je suis en état, m’étais-je dit. C’est bien d’être en état.
J’attends la situation.
J’avais regardé un vieux spectacle de Pierre Desproges. Je m’étais étranglé de rire à cette réplique: « Himmler était un homme capable d’une très grande concentration« . J’en avais rit tout seul toute la matinée.
J’aurais voulu rire avec quelqu’un mais j’avais ri tout seul et c’était déjà très bien.
J’avais pensé que la vie est courte. J’avais pensé que le temps pressait. Je m’étais dit que ce n’était pas grave. J’avais espéré encore aimer, vivre, désirer, partager, apprendre, donner, prendre, découvrir, créer, attendre, patienter, surprendre, craindre, imaginer. Je m’étais dit être en vie c’est déjà ça. Je m’étais dit c’est très bien. Je m’étais dit c’est parfait.
Il pleuvait comme chez Tarkovski et je n’aime plus Tarkovski mais j’avais adoré Tarkovski et j’avais fait un rêve, je me souviens, quand j’avais dix huit ans, dans lequel je rencontrais un homme qui me disait ne pas aimer Tarkovski et, à l’époque, je ne pouvais pas y croire – je l’avais même raconté à A.K. sur le moment, je m’en souviens très bien – et aujourd’hui je suis cet homme, me dis-je.
– Le vent dans mon cœur est une brise de joie, annonçai-je tout à trac à C.C. en sortant sur le quai de la gare de Dunkerque, dans cette étonnante douceur.
Le vent dans mon cœur est un sirocco d’amour, continuai-je pour moi-même, en mon for intérieur, alors que nous progressions le long des wagons, en compagnie de J-B.C. et J-C.M., jusqu’à la voiture 16 qui devait nous servir de carrosse.
Un zéphyr de tendresse et de bienveillance.
Parfois la vie est un sourire, des yeux de miel, une fleur immarcescible, un rire cristallin, une joie incoercible. Et aujourd’hui c’était la journée de l’orgasme.
À six heures du matin, je m’étais dit qu’il me fallait partir cinq jours sans téléphone et sans ordinateur et cette pensée m’avait porté jusqu’à la table du petit déjeuner où je pris seul mon café, dans une auberge de jeunesse dont j’étais – deux jours durant – l’unique occupant.
Avoir un si grand bateau pour soi tout seul c’est presque effrayant, m’étais-je dit. Cela donnait une autre perspective à la journée. C’était drôle aussi et un sujet de fous-rires avec le personnel.
Trois jours de workshop son avec les étudiants de première année, entre coupé de rendez-vous individuels avec les étudiants de cinquième année dont je suis le référent-mémoire. Beaucoup de vin, de bière et de saké pour ce travail de réécriture et de re-formulation dans le détail duquel je n’entrerai qu’en MP.
Le workshop est un véritable bonheur, une jouvence, une bénédiction pour les nerfs. Je rencontre d’adorables jeunes gens, qui se prêtent à fond au jeu et tout n’est que paix, amour, rires et délices. La perspective de quitter bientôt tout cela insuffle une valeur extrême à chaque instant. Les dernières fois sont aussi belles que les premières.
Je bois à nos vingt ans.
Et maintenant, un coca zéro et une pomme. Nous rentrons. Je dois déposer mes affaires (j’avais apporté pas mal de matériel) et rejoindre G. à Montreuil, sur le chantier de M.C. pour mettre une dernière patte à un devis qui doit partir demain matin à la première heure.
La deuxième journée commence et c’est très bien.
C’est le jour le plus court, la nuit la plus longue. On sent revenir l’été.
Je m’étais endormi d’un coup. Pas même entendu la mise en veille des émissions de la nuit. Et pas le moindre souvenir. Trop de whisky japonais. Trop de Chardonnay.
L’on s’était mis la tête en vrac, me disais-je. Et hop, un doliprane® vers quatre heures du mat. Ni vu ni connu. Des nouvelles du Myanmar, avais-je remarqué. Mais cela attendrait cinq ou six heures du matin.
Je retombais dans une somnolence. J’avais décidé de n’y plus penser. De ne rien prévoir. Ou plutôt de prévoir rien. Rien plutôt que cet obscur objet du désir. Rien plutôt que la femme et le pantin.
De la musique et rien. Des promenades et rien. Rien, enfin. Rien, soudain.
Et si quelque chose devait survenir, j’aurais au moins eu la satisfaction de ne m’attendre à rien. Ne rien prévoir. Ne rien attendre. De bon, ni de mauvais.
Du brouillard sur la ville, ce matin. Et une étrange douceur. Et la lenteur du son dans l’air frais humide. Et la vitesse du son. L’attente du bus.
La retraite de l’empereur. Les quatre cent cinquante mille hommes de la grande armée. Berezina.
Dunkerque bientôt. Le sommeil, le coussin. Je suis bien. Je pense qu’il faut que je me déprenne de tout projet. J’arrive à ce point de tranquillité.
Il fait doux. Je glisse dans les rues roses.
Il y a les étudiants de première année. On commence. Je les saoule d’informations, mais comment faire autrement ? On installe. On lance.
Puis Y., le mémoire. Déjeuner avec J-B. et S. Japonais. Bon enfant. Joyeux. Soleil.
Puis le mémoire, encore. Puis P. Visite à la radio. Puis dehors, la ville, on dirait d’une guinguette.
On s’attend à un p’tit vin blanc. Puis c’est une bière. Une carbonade. Et Y. encore et là, la trouvaille: 风景。
Les américains ne savent plus quoi raconter, me disais-je. Ils bégayent, me disais-je. Ils radotent.
Ils n’ont plus rien à dire, me disais-je encore, soupirant d’ennui, avant de me lever au bout d’une mi-temps, environ, du dernier Star Wars.
Je suis injuste, me disais-je, Disney ce n’est pas les américains. Mais tout de même, me disais-je. A ce point, me disais-je. Au point que ce n’était pas regardable, me disais-je.
P.G. y était aussi, presque en même temps. On s’était envoyé des SMS:
– Je ne comprends pas un truc: qu’est-ce que fait Michael Lonsdale, sur cette île ? – C’était le risque en confiant la mise en scène à Marguerite Duras. – Star Wars ma douleur. – Sans dec, même Le Camion, à côté, ça pulse.
Rien que d’y penser, je me ressers un whisky, me dis-je. Rien que d’y penser, je grignote des chips au vinaigre, pensais-je.
Et avant, j’étais allé au studio pour remplir des papiers, réunir des documents. D. avait appelé pour que je lui prépare ses factures.
C’était la journée paperasse, m’étais-je dit.
C’était le jour pour régler ce qui devait l’être, avais-je pensé, m’étais-je dit, me disais-je. Puis G., qui devait passer rapidement à Ménilmontant.
On se retrouve au Biarritz. D’après l’échange téléphonique dans le métro, on devait se louper et puis non. Finalement non.
G. a son casque sur la tête. On dirait un extra-terrestre. D. est en manches de chemise. On prend des bavettes.
On s’organise. D. part en Roumanie ce soir. Il va monter les portes. Je vais chercher les filles. On va boire des jus de fruit frais, on mange des cookies et puis je les dépose au Conservatoire.
Et puis Star Wars, donc. Quarante cinq minutes, donc.
Et puis dehors, la pluie. Le cabinet d’avocats. Je dépose mes courriers.
Et puis métro. Berezina. Gallieni.
Et puis bus. Bondé. Et puis thé. Et puis montage, jusqu’à vingt trois heures.
Et puis Jean Ferrat. Et puis la lune. Et puis G. au téléphone, toujours à Ménilmontant.
On se retrouve demain, demain à Montreuil.
Un bain, un dîner. Jean Nouvel. Master class.
Il pleut tout le temps. Comme il fait nuit quatre vingt pour cent du temps on ne voit pas les flaques et plouf les pieds glacés.
Il neige sur Dunkerque. Il a neigé sur Dunkerque. Une neige fondue tombe encore sur Dunkerque.
Pendant que calfeutrés, claquemurés, coiffés de bonnets, autour d’un centre vide, les étudiants de deuxième année grattent autour de moi un texte, au sujet de la première séquence du film Tous les autres s’appellent Ali, de R.W. Fassbinder, que nous avons d’abord regardé dans son intégralité, avant d’en projeter trois fois de suite la première séquence, qui commence avec l’entrée d’Emmi dans le bar et s’achève sur le profil de la tenancière après qu’Ali et elle sont partis.
D’abord je me dis qu’on va pouvoir échanger, parler, discuter, qu’on n’est pas à l’école, pas au lycée. Mais au fond, non, l’écriture c’est un truc solitaire. Ça ne moufte pas. C’est concentré. Ca chauffe sous les crânes.
Alors je lis mes mails, je lis le Monde, je lis ce que je trouve, ce que j’ai dans les poches. Je vais à la fenêtre, je fais le concierge, je renseigne la cantonade sur le temps qu’il fait dehors. Et puis, je me dis que le plus simple – le plus cohérent – est de mettre moi-même à écrire. Écrivons, me dis-je, c’est le moment. C’est amusant, constaté-je, je suis le seul à tapoter sur un clavier alors que tout le monde écrit à la main sur des feuilles de papier.
Du coup, je fais beaucoup de bruit, me dis-je. Je me fais l’effet de qui fait beaucoup de bruit. Ce bruit est-il de nature à porter ou à inhiber? Mystère, me dis-je. Je n’irai pas jusqu’à poser la question, me dis-je. On trouverait cela déplacé et l’on aurait raison me dis-je.
Si je me prête à l’exercice, je le fais de mémoire. Mais je ne vais pas le faire ici, intégralement, ce serait fastidieux. Simplement, noter les faits saillants, au bout de trois visions: d’abord, les images, ici deux paysages de côtes méditerranéenne et deux scènes bucoliques, dont une avec un satyre et une grosse femme nue qui est une mise en scène photographique, l’autre une scène pastorale avec des bergers qui jouent d’un instrument à vent: l’on se dit, le Maroc et l’Allemagne. Mais l’Allemagne qui a vu la Grèce. La Grèce qui a vu le Maroc. L’Allemagne méditerranéenne elle-aussi, finalement. De l’intérieur des terres. Deux territoires qui s’observent.
Le bar qui tient lieu de Paradis, d’avant-scène, de coulisse, de passage des artistes, de régie générale.
Le petit doigt d’Emmi mi-levé au-dessus de l’épaule d’Ali lorsqu’ils dansent dans la lumière rouge.
L’ambivalence absolue de la jeune femme brune (encore une qui n’a pas de nom, personne d’autre qu’Ali et Emmi n’a de nom dans ce bar): c’est elle qui jette Ali dans les bras d’Emmi, lui ordonnant – quasiment – d’aller danser avec elle (d’ailleurs il salue comme un soldat et la musique est martiale); c’est elle qui met le disque. Ce sont ses réorientations de regards qui commandent et provoquent la mise en lien des deux espaces, des deux mondes, de la mer et de la terre et cependant c’est elle qui regarde cette union avec horreur et, plus tard, crachera par terre.
Alors, doit-on penser, que puisque Ali a décliné d’un « queue fichue » l’invitation de la jeune femme, il y aurait derrière son entremise paradoxale l’idée d’une méchante farce ? De refiler une chtouille à la vieille ? Hum… Ce ne serait pas sympa, me dis-je. Mais peut-être n’est-elle pas sympa, me dis-je.
Il y a aussi ce goulot de bouteille en amorce du premier plan rapproché contre-plongeant sur Emmi, qui ressemble à l’ombre de la tête d’un spectateur dans la salle. Il y a tous ces objets en amorce, toujours. Ces fenêtres dans la fenêtres. Et puis les escaliers (mais pas encore, pas tout de suite, juste après).
Leurs pas en revenant s’asseoir. Lui à grands pas lents, elle à petits pas rapides. Cela produit un rythme syncopé. On entend les pas bruire et les verres tinter. Et c’est tout. Pas l’aube d’une ambiance bar. Alors que plus tard, flipper, baby-foot. Mais là, non. Là, silence. Regards fixes. Postures hiératiques. Poses. Et puis elle tourne maintenant le dos. L’axe a changé. La solitude n’est plus du même côté. Il y avait deux solitudes, l’une individuelle et l’autre collective et il y a maintenant un couple et une collectivité médusée, contemplative, spectatorielle.
Cette façon de n’être plus là, de baisser les yeux alors que l’on devrait garder la face. C’est pas possible, se dit-on. Non, c’est du théâtre.
Comme on dit, il reste dix minutes.
Sinon, je m’étais dit que je pourrais utiliser ce blog comme un journal comptable. Y laisser mes factures et le récit des dépenses. Ou en faire un spécialement pour ça. Oui, peut-être plutôt en faire un spécialement.
Tout le monde rend sa copie, je serai bientôt le seul à écrire encore. Encore.
Sans doute est-ce le début de la fin de quelque-chose mais je ne ressens pas le besoin de savoir pourquoi, tout à coup, la bibliothèque photo de mon téléphone ne se synchronise plus avec celle de mon ordinateur portable, me disais-je. Ce n’est plus de saison, me disais-je. Ce n’est plus un problème pour moi, comme aurait dit l’autre, me dis-je. Donc, n’y pensons pas même, me dis-je. Pouic, me dis-je.
Et c’était une journée assez bien remplie, me dis-je encore. Remplie quoiqu’équilibrée, me dis-je. Et lorsque j’en aurai assez de me dire me dis-je, me dis-je, je dirai me disais-je, me dis-je.
Donc tout avait commencé par un homme trop las pour poursuivre sa route. Tout avait commencé par un motel abandonné sur une route écartée, alors que je cherchais un raccourci que jamais je ne trouvai. Tout avait commencé par un métro trop bondé pour y croire et pourtant il fallait y croire car c’était ainsi. Tout avait commencé par l’évidence d’une gueule de bois à six heures du matin et par l’absorption de mille milligrammes de paracétamol. Tout avait commencé par un certain découragement qui devait cependant très vite céder face à quelques centilitres de café, quarante grammes de morbier, et deux tartines de pain complet grillées beurrées.
Ajoutez à cela qu’il pleuvait. Et, en marchant hier, je m’étais fait cette réflexion très profonde que décidément il faisait froid. Et encore aujourd’hui cette pensée me tourmentait, mais moins. Il faisait moins froid, me disais-je. Il faisait moins que froid, me dis-je. C’était humide et quand c’est humide, c’est moins froid.
La lumière était jaune, me souviens-je. Il y avait du jaune dans du gris, me précisai-je. Je croisais le gardien, comme chaque matin, ou presque, et comme chaque matin nous nous saluâmes en silence. Pas tout à fait en silence. En maugréant quelque chose dans nos barbes. Il n’a pas de barbe, mais c’est une expression. D’ailleurs, à propos de barbe, me disais-je, ne serait-il pas temps de me raser ? De tout raser ? Cheveux, barbe, tout ? Hum…
Donc, métro bondé, mais je saute sur une place libre et parviens à la tenir jusqu’à Nation. Là, vient un moment où il devient nécessaire de relever son strapontin et d’affronter la violence olfactive. La longue et pénétrante violence olfactive. Et visuelle, me disais-je. Pour ne pas dire tactile, me disais-je.
On affronte et puis, vers neuf heures, l’on sort à Saint Philippe du Roule pour rouler vers notre premier chantier. D. arrive peu après. Il faut décharger des plaques d’aggloméré et j’en perds mes lunettes et j’en laisse glisser les plaques dans le caniveau. Sans heurts, par bonheur. Café, recherche d’une place. Longue matinée de tergiversation, d’inversion du plan. La porte change de mur. La baie vitrée glisse. Chaises musicales. Y. inscrit ses gaines dans les réserves. Et puis arrive P.C. Il valide. C’est l’extase. Pour moi la vie va commencer.
Et c’est l’heure d’aller déjeuner avec G. à Ménilmontant. Il y avait des œufs pochés, des lardons, du cabillaud, des haricots verts, des cafés gourmands, du vin rouge et du calvados. On en sortait réchauffés, direction l’étude de notre huissier préféré.
Puis, en allant chercher C. à l’école, l’on croisait Y-N.G. chez Bio c’est Bon, parce que c’est bon, quand c’est bio, non ? L’on se promettait d’essayer d’aller suivre son séminaire, son cours, son atelier, sa bonne parole. Promettre d’essayer ce n’est rien promettre, me disais-je.
Rendez-vous pris avec C. chez F.J. pour demain onze heures. Avant cela nous aurons retrouvé J. et G. sur le chantier pour la valse des prises et des interrupteurs. Puis, de la rue de Douai, nous irons à Bercy déjeuner avec D. avant de rejoindre O. pour une étude de maçonnerie et une ébauche de devis.
Vers 18h30 il sera temps de se rendre rue de Charonne pour une étude acoustique et compagnie de K.
Et ensuite, nous verrons de quoi la nuit sera faite.
Peut-être que je me trompe. Je peux me tromper. Mais je ne voudrais pas me tromper. Pas trop me tromper.
Après le débat, nous sommes allé dîner. Et c’était deux contre un. Ce n’est jamais facile. Ce n’est pas grave.
Avant, ce matin, chantier. J. doit passer ses câbles. Il est adorable, courtois, précis, élégant. Je reste jusqu’à onze heures. Conversation rapide avec J.
De retour au studio. A. est là. En plein dance floor. On crée un template de session vidéo. La carte AJA est arrivée. On installe.
Déjeuner coréen. De retour, montage d’anniversaire pour D. French cancan. Je ne dis que ça.
Trois cents photos. Une vie. Des larmes. TF1.
Ensuite, ça chauffe. J’étalonne. Il est bientôt dix sept heures trente. L’heure d’y aller. C. veut en être. Mais c’est un débat. Soupe mexicaine. P. m’y rejoint. R. nous introduit.
C’est comme à la radio. Mais en vie. Et puis on va à la Fresque.
Quelques bouteilles plus tard, se coucher. Triste et gai. Amoureux d’une inconnue dans le métro.