ALLER-RETOUR

Voici le mois de mai où les fleurs volent au vent. Et, coup de bol cette année, le 1er mai, le 8 mai et le 29 mai tombent sur des jeudis. Donc, aujourd’hui, j’ai fait un aller-retour Paris-Nantes-Paris.

À l’aller, j’ai revu Eraserhead, qu’il fallait que je revoie parce que j’étais justement en train de lire la période de la biographie de Lynch qui couvre son tournage, son montage et sa diffusion.
Ce matin, je n’arrivais pas vraiment à me réveiller. Je ne sais pas si c’est le contrecoup de la séance d’ostéopathie de lundi, si je couve quelque chose ou si j’avais tout simplement mal dormi. Bref, j’étais à plat et je suis resté semi-comateux toute la journée. Heureusement, j’avais pris une paire de lunettes de soleil.

On a travaillé avec E.H. sur la bande-son de son film, en montant les sons de cymbales, de toms, de guitare et de flûte chinoise que nous avions enregistrés la semaine dernière.

L’après-midi, il ne s’est pas passé grand-chose.
Les étudiants de la situation image ne se sont particulièrement manifestés.
J’étais en autonomie, ce qui ne m’a pas empêchés d’être presque en retard pour le train.
J’appelle être en retard le fait de n’arriver qu’avec dix minutes d’avance.
Pour me sentir détendu, j’ai besoin d’au moins vingt cinq minutes.
J’ai tout de même pris le temps d’acheter une grande bouteille d’eau, que j’ai bue en revoyant Maps to the stars de Cronenberg, que j’avais un peu oublié.
Je profite d’une chute radicale du réseau pour retravailler un texte à envoyer à J-F.M., dont j’ai reçu un gentil mail de relance.

Dans le métro, je poursuis la lecture de la bio de Lynch. R. et S. sont en train de regarder un épisode du Traqueur de serpents. Celui qui se passe en Afrique du Sud, avec le mamba noir. Je termine le Cronenberg, interrompu par la chute de réseau et maintenant, il est temps de se coucher. J’espère récupérer, enfin et aussi que ce mal de dos s’estompe.

LE PARADIGME DE LA SÉQUENCE

Aujourd’hui, après avoir déposé S. à l’école je me suis occupé de la déclaration d’impôts. C’était assez rapide. Les années fiscales se suivent et se ressemblent un peu.

Sur le chemin de l’école, S. n’était pas content parce que je portais des chaussettes dans mes sandales, alors que lui se trouvait pieds-nus.
Alors j’ai retiré mes chaussettes et on s’est retrouvés tous les deux en sandales et pieds nus. C’était drôle.
Après, on s’est imaginés que S. avait six orteils à l’un de ses pieds et que cet orteil supplémentaire était doué d’une conscience autonome et capable de lire dans les pensées d’autrui.
L’orteil parlait à S. et lui révélait ce qui était en train de se passer dans la tête de ses interlocuteurs.
On a beaucoup rigolé et puis on est arrivés à l’école et S. est allé s’asseoir.

La maman d’un des copains, pour qui j’étais allé chercher un sandwich, des chips et une bouteille d’eau hier, parce que c’était sortie au parc de la Courneuve et qu’on avait totalement oublié bien sûr, m’a remercié d’avoir ravitaillé son fils.

Ayant expédié les affaires fiscales, j’étais allé chez Auchan faire des courses générales, puis j’étais rentré pour préparer du riz et des choux de Shanghai sautés.
Pour le dessert, j’avais rapporté des fraises et de la chantilly, puis R., qui corrigeait toujours des copies, m’avait donné un calisson géant qu’elle avait réussit à garder de côté pour moi.
Après j’avais regardé le chapitre 3 de John Wick et je m’étais fait la réflexion qu’il s’agissait d’un film de zombies où il n’y avait plus que des zombies. Des zombies tirant sur des zombies et abattus par d’autres zombies. John Wick aussi était un zombie. Le seigneur des zombies. Et le monde était un zombie du monde, etc. L’important était de tirer une bonne dizaine de coups de feu dans la tête de chaque zombie, pour être bien certain qu’il cesserait définitivement de bouger ensuite.
Et encore, certains zombies portaient des casques et il fallait alors des balles spéciales.

Et puis j’avais trouvé que les cheveux longs, ça allait bien comme ça et je m’étais mis en quête d’un coiffeur. J’en avait trouvé un très bien du côté de la Mairie. J’avais attendu patiemment mon tour en lisant la bio de Lynch. Et là, j’étais donc tombé sur le fameux paradigme de la séquence. En gros, pour écrire un scénario – prétend cette théorie (de Frank Daniel) – il faut élaborer soixante-dix éléments relatifs à des scènes précises, noter chacun d’eux sur une fiche, puis organiser ces fiches en une séquence cohérente. Voilà.

Et puis je m’étais fait couper les cheveux et ça allait tout de suite mieux. Mais comme la ville me rend nerveux, j’ai tendance à faire des écarts dans mon régime et je stagne entre 81 kg et 82 kg depuis quelques jours alors il va falloir mettre le holà.

UN OISEAU S’EST ENVOLÉ

Il y avait un oiseau perché dans ce champ de colza et, le temps d’appuyer sur le déclic, il s’était envolé. Je ne l’ai pas vu s’envoler. J’avais un peu le soleil dans l’œil et les mains prises par le téléphone. Le téléphone n’est pas un bon appareil photo. Le téléphone ne remplace pas l’appareil photo. Il émule l’appareil. Il simule l’appareil. Il ne le remplace pas. Pourtant je n’ai plus d’appareil photo et je ne cherche pas particulièrement à acquérir un appareil photo. Je pense qu’il me faut un appareil photo. Et une montre.

Les P. sont venus déjeuner. Avec les deux garçons, A. et C. J’avais préparé une épaule d’agneau au four, des asperges (de Loudun) avec une sauce mousseline, des pommes de terre sautées et P. avait apporté des œufs de caille, des tartes et des bouteilles de bière vides, je ne sais pourquoi. Heureusement j’étais passé à l’épicerie d’A*** pour prendre une bouteille d’Anjou Démon. Les enfants mangent peu et s’ébattent dans le jardin ou font trembler les planchers et plafonds. Le chien manifeste son agacement par des immobilisations au sol. Ils lèvent le camp vers 15h, C. devant faire une sieste avant le gala de gymnastique.

R. va corriger des copies à l’extérieur, avec un passage chez Emmaüs à T***, où elle a trouvé un joli bureau pour S., des livres, des vêtements et quelques objets, dont une étrange planche à pain au manche bleu. On regarde des films avec S. et puis je plie du linge pendant qu’il prend son goûter. Et puis il prend un bain. Et puis R. rentre. Et puis je regarde la fin de L.A. Confidential pendant qu’elle et S. dînent. Puis S. se met à crier. Puis à Hurler. Puis à sauter dans tous les sens en hurlant, criant et pleurant. Et puis il finit par se calmer et aller se coucher mais c’était vraiment fatigant.

Et c’était déjà notre dernier jour à P***. On repart demain.

FOOD TRUCKS

Il y a des gens, c’est terrible, on a beau faire: impossible de se souvenir de leur prénom. Pour ne rien dire de leur nom. Il manque un moyen mnémotechnique. Il faut pouvoir trouver la voie synaptique vers le signifiant absent. Par exemple, s’agissant des mots, pendant des années il me fut impossible de me rappeler spontanément le mot « laconique », jusqu’à ce que je l’associe à l’impavidité d’un lac, pour autant que l’on puisse dire d’un lac qu’il est impavide.

J’interromps, il est temps d’enregistrer E.H.

SOUTENANCES

Les abords de l’école sont en travaux perpétuels. Plus question de se garer sur le parvis. Je suis obligé d’aller au parking.
Et, puisqu’il pleuvait et que je n’avais pas de parapluie, je m’étais garé au parking le plus proche. Celui des machines de l’île et ça m’avait coûté la modique somme de 17€ la journée.
En fin de journée, c’est à dire trop tard, c’est à dire à 21 heures, j’étais allé chercher la voiture pour la laisser dans la rue pour la nuit. Et voilà.
Et maintenant, je pouvais boire de l’eau. C’était déjà ça.
Il me restait, dans mon dénûment, une bouteille d’un litre de Mont Blanc et c’était une bénédiction dans cet univers de brutalité.

J’exagère, bien sûr. La journée avait été plutôt idyllique.
Soutenance des mémoires de nos huit candidats, tous plus charmants les uns que les autres, en compagnie du très sympathique N.F., avec une pause déjeuner conviviale en compagnie des collègues du parcours.
Bref, la bonne ambiance. Et puis cela avait perduré en soirée, avec un mixage et un montage son avec des étudiants de la situation image.

Et maintenant un litre d’eau pour oublier le fait que j’ai un petit peu faim (mais rien de grave). Demain, la journée commence tôt avec une commission de pré-sélection à distance avec M.D. avant la reprise des opérations sonores de toutes sortes.

Je crois que je suis trop fatigué pour parvenir au degré souhaitable de précision et d’anamnèse.
J’avais sans doute noté des choses mentalement mais je me trouve désormais dans l’incapacité de les énoncer.
Je n’ai plus accès à ma mémoire à court terme. Ou alors de façon épisodique.

Je note tout de même que ce matin, lorsque je suis parti de P*** à huit heures environ, il pleuvait assez fort. La route, sous la pluie tout le long, avait été tranquille. J’avais repéré que l’essence n’était pas cher à l’Intermarché de Basse-Goulaine et je m’étais dit que ce serait une bonne chose d’y faire un arrêt pour le plein du retour.

N’ayant pas pu trouver de studette libre à l’école pour la soirée du 6 mai (bilan des étudiants de premier cycle), j’avais réservé une chambre en ville pour 43 € sur Air B’n B.
A midi, nous étions allés déjeuner au Petit Nakama, qui prétend proposer une cuisine japonaise fusion mais échoue partiellement à nous en convaincre. M. fait le stoïque avec son dessert mais je vois bien qu’il tord le nez.

Tout cela est assez décousu, c’est sûr mais je suis fatigué, je le répète. Mon dos est une souffrance.

E.T. PHONE HOME

Cette curieuse sensation. Cette unique sensation. Être à la maison. De retour à la maison. Heureux qui comme Ulysse. Etc.

Bref, après à peine quatre heures de route – presque rien en comparaison du Courchevel-Paris d’hier – nous y voilà. Nous y sommes. À la maison. Il fait chaud. C’est le printemps. il pleut. C’est de bonne guerre. Tout est vert. L’herbe a poussé. Le figuier a repris. Les roses sortent. le chat reprend ses marques.

Bientôt, nous serons de retour pour de bon. En juillet, nous serons de retour. Symboliquement, on a commencé à rapatrier les affaires d’hiver. On va laisser des vêtements dans les placards.

Ce matin, au réveil, j’avais eu la joie de constater que je pesais décidément 81,4 kg.
C’est à dire que, malgré fondues et incartades, j’avais tout de même réussi à perdre un 1kg la semaine dernière.
J’en était à 9 kg perdus depuis janvier et, les amis, je dois dire que j’en suis assez content. C’est un bon rythme. Encore trois mois et j’aurais atteint mon objectif: 75 kg.
Ce serait un résultat honorable.
73 kg serait optimal et 70 kg serait trop orgueilleux.
Enfin bref, c’est une véritable source de joie. Et pour fêter ça, double séance de gym ce matin, dont un challenge spécial dos-épaule-abdos pour essayer de redonner un peu de structure à mon pauvre dos. Ce n’est pas gagné. Les exercices de torsions me plongent dans des souffrances que j’abrège aussitôt.

En réalité, ce dont j’aurais besoin c’est d’une combinaison de stretching, massage, hammam et sauna. Il faudrait que j’aille vers quelque chose comme ça. C’est une destination idéale pour l’humanité, me dis-je à l’instant. Objectif suivant (après les 75 kg). Et aussi améliorer les conditions d’élégance. Je commence à reprendre plaisir aux chemises et aux vestes, mais avec 6 kg de moins, ce sera évidemment bien plus agréable et plus seyant. Les jeans en 34 sont maintenant à ma portée et les 32 s’annoncent pour bientôt. Je regarde avec dédain les 36, pour ne rien dire des 38, pensais-je. J’ai commandé cet après midi une nouvelle ceinture.

Nous sommes peu de chose, me dis-je.

DE RETOUR

La dent du Villard, vue de l’autre côté, c’est un peu le Fuji Yama, m’étais-je dit, vendredi en prenant cette photo depuis la route de Champagny.

Avec la neige, c’est joli, bien sûr. Mais cette neige ne tiendra pas.

Je n’ai jamais le temps d’écrire.
C’est à dire pas l’élan nécessaire.
Il faut passer pas mal de temps à patauger dans le langage tout de même et puis revenir dessus.
Affiner, polir.
Ça ne sort pas tout cuit, non mais.

Aujourd’hui ça avait été encore une de ces journées-bagnole.
De 10h30 à 19h. Retour à Paris.
Avec un bon pique-nique sur une aire d’autoroute ensoleillée, bénéficiant de l’ombre des arbres et de jolies tables en béton.
C’était notre meilleur déjeuner, peut-être. Avec tous les restes de la semaine. Des œufs et de la mayonnaise, du jambon, du cheddar, du gigot froid, des tomates, des pommes, des bananes, des chips, etc.

Et puis, il y avait des murs d’escalades. Et des machines à café.

Après nous avions écouté « Science et Cornichons », Joy Division, la « Conversation Scientifique » (à propos de particules ralenties par des mélasses de lasers), la B.O. de l’âge de Glace 2, et puis Gary Numan sur la fin.

J’ai le dos en compote, les potes.

Demain, on remet ça, mais pour quatre heures de route seulement.
Je viens de commander une alimentation de rechange pour le Macbook air de C. sur Amazon, qui prétend me la livrer demain, mais demain, je pense que nous serons partis aux heures où Amazon est susceptible de la livrer.

INTEMPÉRIE

Nous devions nous rendre à Milan et la neige, bloquant la route et provoquant la chute d’arbres, nous en a empêché. Alors nous sommes restés à regarder tomber la neige. Et la neige est tombée, tombée. Pendant une journée et une nuit et encore une journée.

Nous avions pensé aller faire de la luge. Mais la neige était trop épaisse. La luge s’enfonçait et ne glissait pas. J’ai reçu une boule de neige dans l’œil, qui m’a neutralisé pour un moment.

Nous étions déjà allés à la piscine et les enfants étaient allés à la patinoire. Alors nous sommes rentrés nous préparer une fondue. Et, puisque nous n’arrêtions pas d’emprunter des trucs à M. (serviettes de bain, huile, beurre, gants, poêle, etc.), nous lui avons aussi emprunté un caquelon à fondue et, elle-même, a emprunté un réchaud électrique et, grâce à tout ce matériel, nous avons pu réaliser une fondue en bonne et due forme.

Je me sens mal en point. J’ai mal au dos, toujours.
Encore tant et plus. Et maintenant, depuis quelques instants, c’est une molaire du côté droit en haut qui me fait souffrir.
Tiens, du même côté que le mal de dos, justement.
Et si les deux étaient liés ?
Vite du café, des tartines. Et S. fait la gueule parce que je n’étais pas dans le lit à côté du sien lorsqu’il s’est réveillé et qu’il n’a pas pu venir me rejoindre pour une grasse matinée. Alors, il est renfrogné, bougon, chagrin. Il rumine, il maugrée.

Moi, je m’étais dit: « chic, les enfants dorment, je vais pouvoir m’installer avec un café devant l’ordi et écrire un peu, lire un peu, travailler un peu, etc. ».
Mais fi de tout cela, j’ai à peine eu le temps de plier des vêtements et de lancer le café que pop! Le lutin renfrogné est sorti de sa boîte.

Comble de malheur, mon téléphone est presque déchargé.
C. m’a piqué le chargeur.
Je ne peux pas écouter les nouvelles.
Le bon côté de la chose c’est que les nouvelles sont certainement affreuses, comme elles le sont toujours, toujours tant et plus, et que c’est donc plutôt réjouissant, plutôt salutaire, de ne pas les écouter.

EXPLORATIONS AU BORD DU LAC

Maman crapaud portant son bébé sur le dos.
Hier midi, au bord du lac.
C’est une véritable invasion de crapauds.
Des crapauds et des petits poissons.
Des bancs entiers. Un pullulement.
Peu de neige.
Il fait une chaleur quasi estivale.

Le gigot d’agneau est bientôt cuit. Je dois m’interrompre un instant.

Et c’est déjà la fin de la journée.
J’avais d’abord déposé les ados à la patinoire de 1850, sous une neige drue, puis j’étais rentré pour sortir le banana bread du four.
Nous l’avions grignoté, qui en jouant au Scrabble (Ca. et M.), qui en regardant « Madagascar » (S.) et moi en lisant l’autobiographie à quatre mains de David Lynch.

Puis, on s’était dit, avec S., que ce serait chouette d’aller voir la neige et de s’envoyer des boules et de marcher dans tout ce duvet blanc, sous les flocons. Alors on était remontés tous les deux à 1850 et on avait passé un bon quart d’heure à gambader dans la poudreuse en bas des pistes. On se promet de revenir avec un meilleur équipement l’hiver prochain. Je m’étais un peu viandé en tombant sur le dos mais rien n’est cassé.

On rentre la voiture dans le minuscule garage. Il faut replier les rétroviseurs pour passer la porte et on ne peut sortir que d’un côté.

Les ados ont dévoré le reste du banana bread en rentrant, sauf C., qui a préféré carboniser des cookies (ambiance olfactive tendance incendie). Ca. et M. sont toujours sur leur Scrabble. S. achève les dernières miettes de gâteau. Il faut qu’on prépare un peu notre excursion milanaise de demain.

Au boulot.

Je note ici qu’il faudra que je pense à raconter l’histoire de la jeune fille au bonnet, qui se promenait avec un rat caché à l’intérieur.