
Je ne sais plus à quel propos mais cette formule inversée m’était apparue appropriée, hier, pour caractériser ma situation. Un aspect particulier de ma situation.
Ou peut-être était-ce la situation de quelqu’un autre ?
Vraiment, je ne sais plus de quoi il s’agissait. Ni ce que j’avais perdu, ni ce que j’avais retrouvé. Ou ce qu’un-e autre avait perdu et/ou retrouvé.
Quoi qu’il en soit, ou quoi qu’il n’en soit pas, maintenant, à l’instant où j’écris, je me trouve dans la studette n°6 et j’ai bien l’impression que les fenêtres ont été réparées pendant l’été. Maintenant, elles s’ouvrent et les stores semblent en bon état. C’est rassurant. J.J. est un bon régisseur général, un type sûr, quelqu’un qui fait bien son boulot, quelqu’un qui se lève le matin, un garçon fiable et responsable, une perle rare, un professionnel hors pair.
Et, oui, bien sûr, c’était aujourd’hui la première journée de pré-rentrée à Nantes. Malgré les signaux obscurs en provenance du Monde, à toutes les échelles et toutes les distances imaginables, la note générale est celle de l’espoir, de l’élan, de la foi, de la réassurance, du projet. C’est revigorant.
Il y a comme une odeur d’essence dans la pièce. Comme une odeur de gaz d’échappement. Pourtant la fenêtre est fermée. D’où pourrait s’échapper un gaz ?
Ou bien devrais-je peut-être ouvrir pavillon?
Curieux, cette odeur. J’ai un peu mal au crâne. Peut-être est-ce l’odeur de la lessive ?
Oui, c’est ça. C’est l’odeur de la lessive.
Ça doit être l’odeur de la lessive.
J’espère que c’est l’odeur de la lessive.
Je préfèrerais ne pas mourir d’asphyxie cette nuit.
Ce n’est ni le moment ni l’endroit pour mourir, me dis-je.
Il faut que ce soit l’odeur de la lessive.
C’est l’odeur de la lessive et voila.
Point barre.
Je bois des litres d’eau. J’ai acheté un paquet de six bouteilles de 1,5 l. Je pense être en mesure de tenir un petit moment. Et j’ai aussi acheté deux pommes, des yaourts à la vanille et un sandwich pour le petit déjeuner de demain. Enfin, une des deux pommes c’était mon dessert de midi, avec un des yaourts.
Il me faut environ douze secondes pour être certain qu’une série de Netflix va me déplaire souverainement. Après avoir successivement écarté toutes celles que l’algorithme prédisait devoir me plaire, j’ai finalement regardé la fin de Barry Lyndon, toujours sans parvenir à éprouver de sympathie pour le personnage, au point que je me dis, ce qui est une horrible chose à se dire, que tout ce qui lui arrive lui pendait au nez et qu’il l’avait bien cherché. Pour ne pas dire qu’il l’avait bien mérité et que c’était bien fait pour lui. Horribles pensées, tout de même, me disais-je.
Ce que deviennent les bonnes joues rouges de cette horrible Mme Barry, avais-je pensé. Au fond, c’était un film aristocratique qui démontrait bien que les gueux n’avaient rien à faire parmi les gens de bonne famille, avais-je pensé. Ces Barry étaient trop vulgaires pour mener correctement la vie de château. Ils ne savaient pas s’ennuyer avec grâce. Ils n’avaient pas le chic.
J’avais surtout voulu revoir le film pour la lumière. Et puis c’était suite à l’écoute fortuite d’un entretien de Kubrick avec Michel Ciment hier après-midi.
Ce qui est beau, avais-je pensé, ce sont les plans d’ensemble immobiles. Les intérieurs, éclairés par des HMI. Beau et un peu vain, m’étais-je dit. Élégant comme l’ennui aristocratique, me dis-je.
Appel de H.H. qui me demande si je peux passer au studio cette semaine. Je réponds oui et je réserve un train aller-retour Poitiers-Paris pour jeudi. J’espère que les trains ne seront pas annulés. C’est la journée zéro rien stop tout s’arrête en principe. Mais, bon, c’est un Ouigo alors je me dis… on verra bien.
Et puis finalement non. la journée zéro ce n’est pas jeudi, triple buse que je suis. C’est mercredi la journée rien. Alors jeudi, tout repart. On verra bien, allez.
Et comme par hasard M.H. appelle ensuite pour me demander si je ne pourrais pas visiter avec lui un lieu qu’il préconise pour y installer des salles de répétition. Je dis jeudi.
Je me suis bêtement laissé prendre à un piège par SMS.: un soi-disant Mondial Relay n’arrive soi-disant pas à faire entrer un paquet dans un locker et me demande de reprogrammer la livraison. Suit un ensemble de questions concernant ma carte bleue. Après avoir donné les éléments, je me dis que je suis décidément complètement con et je fais opposition à la carte.
Ça y est, je n’ai plus de carte. Pour quelques jours. Ce n’est pas désagréable. Cela s’accompagne d’un sentiment de libération, en réalité.
Bon, Chalamov.
Dring dring, c’est K. Mon téléphone l’a appelé, alors il rappelle. On papote. La nuit tombe. On se dit jeudi. Peut-être. Sauf imprévu.
