T’AS PAS PERDU TA BONNE HUMEUR MEUR MEUR MEUR MEUR

Et c’est ça le paradoxe, confiais-je à Éléonore Bartholdi (les noms ont été changés) cet après-midi devant la machine-à-café.
Je précise que je parle de la machine à café du hall, qui – selon certains (je n’irai pas jusqu’à balancer des noms, fussent-ils changés) – produit un meilleur café que la machine située sous l’escalier en face de l’atelier bois. Par la suite, par coquetterie littéraire, j’écrirai « en face l’atelier bois » parce que j’aime cette formulation, tout en la supposant fautive.

Le fait est qu’il est plus cher, le café de la machine du hall.
Je n’arrive pas à décider s’il est meilleur que celui de la machine en face l’atelier, qui, lui, est moins cher.
En tout cas, il n’est pas pire, le café de la machine du hall. Pas pire que celui de la machine à café en face l’atelier.
Mais est-il pour autant meilleur, le café de la machine du hall ?
Meilleur au point de le payer sensiblement plus cher que le café de la machine sous l’escalier en face l’atelier ?
D’aucuns, dont je tairai le nom, le prétendent.
Je n’ai pas d’avis tranché mais aucune raison de mettre en doute la bonne foi de ceux qui prétendent que tel est bien le cas, c’est à dire que le café de la machine située dans le hall est effectivement meilleur, bien que plus cher, que celui que l’on obtient à la machine à café située sous l’escalier, en face de l’atelier bois et même qu’il est à ce point meilleur qu’il est hors de question d’aller chercher son café sous l’escalier alors qu’un café sensiblement meilleur et pas tellement plus cher peut être obtenu dans le hall.
On m’a confié récemment que certains seraient prêts à se priver de café lorsque la machine du hall est temporairement indisponible, plutôt que de s’abaisser à aller chercher un café inférieur sous l’escalier.
Je ne partage pas ces scrupules et il m’arrive souvent d’aller chercher mon café sous l’escalier, alors même que quelques pas seulement me permettraient d’atteindre le hall et un café supposément supérieur.
Mais mon indifférence à l’égard de la supériorité supposée du café du hall et la plus grande proximité de la machine sous l’escalier, située à un jet de pierre du studio son, qui est mon antre habituel, font qu’il m’arrive plus souvent qu’à mon tour, de préférer à la machine du hall, celle située sous l’escalier, bien que celle-ci soit regardée avec mépris, pour ne pas dire avec consternation, par certains.

En parlant de café, je dois confier ici que ce matin, alors que je m’apprêtais à entrer en contact télématique avec Rhonda Hong, Witold Potladzj (les noms ont été changés) est soudain apparu sur le seuil du studio pour me proposer, avec beaucoup de gentillesse (il y a toujours beaucoup de gentillesse, de déférence et de courtoisie dans tout ce qu’entreprend Witold), de goûter, s’il m’arrivait d’en boire et si cela pouvait m’être agréable, un café de sa production personnelle (pas le café lui-même, mais le breuvage résultant de son immersion dans l’eau chaude au moyen d’un appareillage ad hoc).
Il me confia qu’il venait de nettoyer à fond la cafetière et qu’il la testait.
Il me proposait ce café à titre expérimental et, comme je lui fis part de mon accord complet et même de ma très grande gratitude à l’endroit de son adorable proposition, il me l’apporta sur le champ, pour ne pas me retarder, dans une jolie tasse de porcelaine, posée sur une petite assiette faisant office de soucoupe géante.
Il précisa que le café était de la marque « Carte Noire » et que le paquet avait été acquis par lui auprès de l’enseigne Carrefour City pour la somme à peine imaginable de 6,80 €.
Ou bien était-ce 6,50 ?
En tout cas un prix prohibitif. A mettre au compte du réchauffement climatique, selon lui.
Mais je m’égare.
Le paradoxe, donc, disais-je à Éléonore, c’est que j’ai la méga-super frite et qu’en même temps je suis quasiment au bout de ma vie.

-En somme, me dit-elle, c’est la forme au niveau psychique et la ramasse au niveau physique ?
-C’est exactement ça, je réponds.
-Moi c’est le contraire, généralement, qu’elle me dit.
-Ça c’est pas chouette, que je réponds
-Pas top, non, qu’elle acquiesce.
-On devrait pouvoir faire du troc, je suggère.

Là-dessus la conversation semble s’épuiser et il est temps d’aller voir un peu les travaux des étudiants de M1 des Formes du Réel.
Et je dois dire qu’on n’est pas déçus du voyage, même si on termine sur les genoux.
Comme il pleut, je propose à Nicole Barnum et Virginie Desmonts (les noms ont été changés) de les déposer à la gare où elles ont des trains à prendre.
En route, je reçois l’appel d’Emmanuel (le prénom est le vrai), un de mes co-voyageurs Blablacar et je me souviens soudain que j’ai deux co-voyageurs et que j’aurais pu les oublier tout bonnement.
Heureusement, grâce à ma proposition philanthropique, j’ai juste le temps de repasser par l’école pour cueillir mes deux co-voyageurs. Ouf !

L’on est récompensé de ses bonnes actions.

En voiture on papote avec Manu. Je dis Manu mais l’on se donne du « vous ». Manu est psychologue du travail et s’occupe en particulier d’entrepreneurs et de travailleurs agricoles. À un moment il est question du commerce de l’angoisse et de l’anxiété dont nous convenons qu’il s’agit d’un produit très efficace pour maintenir captive en situation d’isolement l’attention d’un public terrorisé, alors que les contenus positifs et reconstituants portent ce même public à s’écarter des écrans pour vivre cette vie exaltante soudain promise.

ÉPUISEMENT

C’est imprévisible, la forme. On ne sait jamais quand on va être épuisé.

Par exemple, ce matin, je m’étais réveillé plutôt très en forme, mais, alors que je roulais vers Nantes, j’avais commencé à sentir mes paupières si lourdes…

J’avais eu envie de m’arrêter pour dormir un quart d’heure mais je me suis dit que c’était une mauvaise idée.
Et c’était une mauvaise idée.
C’est pour cela que je ne m’étais pas arrêté.
Mais j’y avais pensé.
J’avais pensé: et si je m’arrêtais, là, un peu ? Je n’avais fait qu’effleurer cette pensée.

A la place, j’ai coupé la radio et réécouté le premier album de Arlo Parks, qui est plutôt meilleur que le deuxième.
Et je me suis dit, tiens c’est curieux, elle reprend une rythmique ou une structure mélodique d’un vieux morceau de pop des années 80 et elle en fait un truc a elle très poétique, désespéré et tendre.
Par exemple Cherish de Kool and the Gang ou Sledgehammer de Peter Gabriel.
Des trucs absolument inaudibles aujourd’hui (et déjà à l’époque).

Mais elle en fait quelque chose de formidable.
Enfin, pas forcément formidable mais, en tout cas, quelque chose de respectable, qui lui appartient.
Et je me suis dit que ce serait un bon objet de recherche, cette reprise, ce transfert d’une forme musicale dans une autre.
Remonter de Kool and the Gang à leur source.
Écouter vraiment Cherish, écouter vraiment Peter Gabriel.
Même si c’est douloureux. Pour comprendre d’où ça vient et d’où vient ce dont cela vient.

Et puis, il y avait de la joie dans l’air.
Un je ne sais quoi.
On a fait du son avec Ning Ning et ça nous a mené à 12h30 et c’était drôle.
Elle frottait une toile avec tout un tas de trucs et de machins et ensuite on faisait passer ces sons dans des moulinettes digitales pour former un continuum sans cesse changeant.
Il y avait aussi de la joie dans l’air sur le parvis.
Soojung était là avec son sandwich et je faisais mon coach post-académique.
Et puis après c’était Simonetta et son Rodrigo et pareil, coach, coach dans la rue.

Comme toujours, les prénoms ont été changés.
Et d’ailleurs Paolo Sempé m’a fait remarquer que, bien que je ne mette pas les vrais prénoms et que, généralement, je ne poste pas de photos (en tout cas pas depuis un bon bout de temps) j’ai tout de même posté il y a quelques jours une photo sur laquelle apparaissent très nettement deux étudiantes et je dois dire ici et maintenant que, si d’aventure elles se sentaient offensées, qu’elles n’hésitent pas à me le dire et je remplacerais illico ladite photo par une autre image (ou par pas d’image du tout ou par une mention légale, comme dans la presse à scandale).
Moi j’aime bien cette photo avec ces sauces suspendues et leurs silhouettes sur ce fond blanc. Et le mouvement.

Bon, sinon je me suis un peu laissé aller à acheter une plaquette de chocolat (noir) aux noisettes et ça, ce n’était pas au programme.

Et puis, aussi, encore, il y avait de la joie dans le studio cet après midi.
J’ai apprécié chaque moment, chaque échange, chaque séquence.
Mais, vers 19h45, soudain, je me suis senti épuisé. Épuisé, noyé, enfoncé, dépassé, enterré, enseveli.
Et j’ai fini le chocolat.
Je ne suis pas fier.
J’ai regardé la fin du film commencé hier, avec les milliardaires fous de la fin du Monde.
Et j’ai appelé Lady Pénélope au sujet de Noël.

Mon père me confirme que le foie gras, je ne saurai pas faire, que c’est une question d’expérience, que c’est intransmissible et je suis content qu’il propose de s’en occuper.

De l’eau, de l’eau. Ça ira mieux demain. Demain, la forme, me dis-je.

LAURIERS

C’est très curieux ces températures, me disais-je encore aujourd’hui, en constatant que le thermomètre de la voiture indiquait l’étonnante valeur de 16°C, à 15h30, alors que je sortais de chez le coiffeur (les Petits Ciseaux d’Airvault où je croisais d’ailleurs Miranda.
Celle-cii, s’étant trompée d’heure de rendez vous, patientait et, comme de l’attente m’était également imposée, nous papotâmes.

Tout cela ne m’ôtera pas de l’idée que le climat se réchauffe, me disais-je.
Et, hier encore, tenez, je tondais le laurier en t-shirt dans le jardin en plein décembre. A n’y pas croire, n’est-ce pas ?
C’est qu’il était monté bien haut, le laurier, mais à coup de coupe-branche et de scie, le voila redescendu et tout rafraîchi.

Avant, j’étais allé faire quelques courses.
J’avais rapporté une bouteille de 13 kg de butane, en prévision de l’arrivée imminente de la nouvelle plaque de cuisson.
J’avais préparé un bortsch, que nous mangeons depuis et dont il reste une certaine quantité.
Les scies cloches sont arrivées et, aujourd’hui, j’ai percé un trou pour faire passer le tuyau. C’est magnifique.

Suite à une observation d’Alphonsine Allais, dite Anouk, j’ai dessiné un meuble de style alpin (mais il suffira de le peindre pour faire oublier ce référent-chalet) que je réaliserai dès que je me serai procuré des tasseaux et des planches.

Ce matin, j’ai lu pas mal de notes d’intention et regardé pas mal de portfolios, avant une visio avec l’île Maurice au sujet d’une salle de cinéma, dont il faudrait peut-être faire l’étude.

Il faudrait que je m’occupe de tout un tas de choses mais les journées n’ont que deux bras et j’ai à peine le temps de faire ma gym.

Que va-t-on manger à Noël ? Guy se met en quête d’une gigue de chevreuil et mon père communique par textos des instructions précises permettant éventuellement, mais ce n’est pas une obligation, d’aboutir à la réalisation d’un foie gras. J’apprends par Miranda l’existence d’un jour de marché à Thouars le mardi et c’est une grande et belle chose.

SE COUCHER DE BONNE HEURE

Il n’ y a pas de mystère, me disais-je. Baby T-rex lui-même s’en était rendu compte ce matin au réveil

[Je déteste les mises en pages automatiques de WordPress. Lorsqu’on commence une phrase par un tiret, il en déduit qu’on veut faire une liste. Pas moyen de faire autrement.]

-Ce matin je me suis levé plus tôt qu’hier parce que je me suis couché plus tôt hier soir…

-Exactement! Et hier tu étais de mauvais poil toute la journée parce que tu n’avais pas assez dormi…

-Oui…

Il faut donc se coucher de bonne heure. Ce qui implique qu’il faut manger de bonne heure. Ce qui implique qu’il faut prendre son bain de bonne heure et préparer la cuisine de bonne heure.

Il fait tellement chaud que l’on voit des guêpes. En plein décembre, c’est perturbant. On est allé dans la jungle chercher des ronces pour les phasmes. On a photographié des scorpions et des crotales. On s’est fait cuire des pommes de terre sautées et de la hampe. En apéro on a pratiquement assassiné le saucisson à l’ail fumé du marché. Et là, en dessert, des papillotes au chocolat au lait avec un café colombien.

Anouk n’est pas encore rentrée mais on avait faim, en l’absence d’un petit déjeuner (j’ai décidé de remplacer le jeûne du soir par le jeûne du matin en cette saison et Bubunne n’avait pas mangé, suite au chocolat du calendrier de l’Avent. Alors on a mangé et on a gardé une portion pour elle. Avec, aussi, un morceau de saucisson à l’ail et des crunchies.

SCIE CLOCHE

Pour percer un trou permettant le passage d’un tuyau à gaz dans le meuble de la cuisine, c’est ce qu’il me faut. Une scie-cloche. Alors j’en ai commandé un kit complet à l’instant et ça arrive par la poste d’ici mardi.

C’est fou tous ces trucs qui arrivent par la poste. Enfin, je dis la poste, mais ce sont généralement des sociétés privées, des transporteurs.

Parfois la poste, tout de même.

La Poste, devrais-je écrire. The Post, dear. Oh my god, la Poste ! Oh !

Hier, en fin de parcours, dans les champs, à toute berzingue dans la nuit, Bryan Ferry. As time goes by, bien sûr. C’est toujours aussi bien. Mrs Otis regrets. Ah ! Et ce matin, avec mon T-Rex furibard, Bryan, ça calme.

-« Oh, it’s a long long while from may to december… »

Snif, snif… Vibrato… Hiroshima mon amour. Goddess of Love.

Dépose école. La voiture a froid. Elle toussote dans le matin. Met du temps à chauffer. J’anticipe les grands froids. Il faudra prendre en compte le temps de chauffe.

On est à l’heure à l’école et Bubunne est tout content. À la mesure de ce qu’il était inquiet d’être en retard, il est maintenant content d’être à l’heure. Le quantuum de manquum reste invariant.

Et puis vroum vers Thouars. Récupérer le tuyau de gaz, acheter des trucs essentiels chez Action (du papier, du papier, du papier) et chez Biocoop (plein de trucs et encore des machins bio et super-bons) puis chez Leclerc de notaire (du lait et du whisky et puis des cacahuètes et autres apéritifs) et hop, au marché.

Une boule primitive, de la tomme aux fleurs, un Parthenay coulant dans sa feuille, de la hampe de bœuf, des boudins noirs, des travers de porc, du jambon blanc, du chou, des carottes, des salades rougettes, une betterave, un gros radis rose.

Ça va être la teuf, tu vas voir. Je te le dis.

Dans la nuit, poésie mathématique, passacailles et chaconnes et puis c’était Daney qui parlait de foot avec Mocky et c’était bien. Le foot, qu’ils disaient, c’est la cour de récréation, c’est l’enfance. Ils sautent de joie comme des gosses et se roulent par terre en pleurs.

BACK IN THE USSR

Note pour moi-même: ne pas oublier que les vêtements de la marque UNIQLO puent. Ce n’est pas une image, une métaphore ou une expression: ils puent littéralement. Je ne sais pas si c’est à cause de la teinture, du textile, d’un traitement. Ils puent au séchage. Sans doute une bactérie. Je viens de jeter à la poubelle un sweat-shirt à capuche noir (c’est peut-être la teinture noire qui pue) après avoir jeté un t-shirt noir l’autre jour. La marque UNIQLO est désormais proscrite.

Sinon, c’était heureusement la dernière séance de séminaire avec les étudiants de 3e année. Quelque chose de pourri au royaume du Danemark, pensais-je. On passe à autre chose. On garde le sourire. Une autre énergie. Un autre mode de fonctionnement. Mais tout de même, pensais-je. Une telle goujaterie, pensais-je. Bah. C’était fini. L’on passait à autre chose.

Cet après midi, plutôt réjouissant, les rendez-vous avec les étudiants de master et puis entretien professionnel et hop, la route, sous la pluie, la bruine, dans la nuit. Grisey, Coltrane.

Il fait un peu froid, me dis-je, pour jeûner le soir. Il faudrait peut-être déplacer au déjeuner, pensais-je. On verra demain. Les POSCA sont arrivés. Et la tondeuse de nez. C’est une belle chose que la poste, pensais-je.

PRÉCIPITEMMENT

Je n’ai jamais d’image alors je vole celle-ci mais j’en donne le négatif, puisqu’il s’agissait d’un négatif et c’est donc le positif.
J’avais une phrase dans la tête mais elle s’est perdue.
Je souffre de la mise en page dans WordPress.
Quand on va à la ligne, ça saute une ligne et je ne voudrais pas sauter une ligne. Je voudrais aller à la ligne. Simplement aller à la ligne.
Mais non, c’est trop demander. Il faut sauter une ligne.
Ou bien revenir en HTML et insérer une balise ad hoc.
C’est le moyen âge, me dis-je.
Un retour en arrière terrible, me dis-je.
L’ergonomie de toutes ces applications, depuis Photoshop jusqu’à WordPress, la souplesse d’utilisation, tout cela a énormément régressé au profit de pas grand chose, me dis-je.
La technologie, qui était passionnante, est devenue ennuyeuse, me dis-je.
Tout cela pour que l’on préfère finalement tout déléguer à des algorithmes et à des bases de données, me dis-je.
Je refuse absolument d’appeler cela des intelligences.
Fussent-elles artificielles.
Je préfère ne pas en parler.
C’est triste quand on y pense. Mais tout est triste quand on y pense alors il vaut mieux ne pas y penser, me dis-je.
Tout ça va finir en HTML, me dis-je.
Avec des bannières me dis-je. Des <br> et puis voila.
Et advienne que pourra.
Les journées sont pluvieuses et pas trop froides, mais suffisamment pour que le jardinage apparaisse comme un exploit.
Le jardinage semble hors de portée.
D’ailleurs je n’avais pas beaucoup de temps.
Hier, il fallait s’occuper de toutes sortes d’intendances et aujourd’hui, de préparer demain.
Par exemple, le séminaire de demain soir, qui sera le dernier, puisqu’après ce sont les évaluations puis les vacances de Noël.
Et puis je suis allé chez Darty acheter une plaque de cuisson.

Et voila, j’ai finalement sauté une ligne. Toutes les précédentes, ce sont des balises. Et donc ce sont des journées silencieuses, des journées solitaires, des actions fragmentées. Un peu d’impôt, un peu de DRAC, un peu de lecture, un peu de musique, un peu de séries, un peu de cuisine. Un peu, un peu, un peu. Super-ready fragmenté.

Ces moments-clés, écrivait Beckett, où l’ennui de vivre est momentanément remplacé par la douleur d’être. Profiter de ces moments-clés avant que…

Impression qu’il ne se passe rien, que rien ne se passe. Que rien se passe. Que rien.

Tout cela parait lugubre et ça l’est mais la maison est belle, me dis-je, la campagne est belle. Triste et belle. Triste parce que c’est l’hiver, bien sûr. Faire du feu dans le poêle reste une belle chose. Il est difficile de construire, de maintenir une impulsion, de maintenir un feu nourri, un objectif constant. Je suis allé cueillir des roses pour les phasmes, mais il en faut encore. Gribouille a été opéré hier. Il semble bien remis. Uranus est partie chasser dans la nuit. Elle roupille ensuite toute la journée dans l’escalier.

Un rouge-gorge a élu domicile dans le jardin, semble-t-il.

Tiens, je n’entends pas la chouette, ce soir mais les radiateurs glougloutent.

JOUR DE MARCHÉ

C’était donc un vendredi. La ville de Thouars, comme toujours, est un chantier désolant, une ruine in progress, un carnage.

Juste avant d’aller faire mon marché, nous étions arrivés en retard à l’école avec Bubunne et, trouvant la grille fermée, en panique inutile, je fis passer Bubunne par dessus la grille, m’attirant les foudres bien compréhensibles de la maîtresse. J’aurais pu avoir la présence d’esprit de me dire que c’était une mauvaise idée et essayer autre chose. Sonner par exemple. Pourquoi avais-je cédé à la panique ? D’où venait cette panique ?

Je ne sais pas trop. J’avais pensé danger de mort. J’avais pensé le tout pour le tout. Le moment où jamais. Bref, c’était hors sujet, hors propos, hors de proportion. Un bug.

Après, je m’étais imaginé convoqué à un conseil de discipline, ou au poste. Sommé de m’expliquer, de réparer le préjudice. Et puis je m’étais dit qu’il serait temps d’y penser s’il y avait une suite. Il n’y aurait pas de suite. Et je fis ensuite tranquillement mon marché.

Des huîtres, des numéro 3. Deux douzaines. Une boule de pain rustique, un poulet fermier, de la tomme aux fleurs, de la tomme de Savoie, du Morbier, du chou blanc, du chou rouge, des blettes (ils disent des cardes), des carottes, des pommes de terre (des bintjes). Un saut au Leclerc pour attraper un cubitainer d’Anjou rouge, une bouteille de Chenin Blanc, du Comté, du Parmesan, du pain complet, du café, des saucisses, des brocolis, des pommes, des conserves pour la banque alimentaire. Je donne mon sac au monsieur. Merci pour eux il dit.

Après avoir remonté et remixé un film (versions française et anglaise), j’ai tondu la pelouse. C’était mouillé, ça faisait des paquets d’herbe mouillée. Il fallait arrêter, nettoyer, redémarrer. J’ai plié du linge, rangé du linge, lavé du linge, étendu du linge. Préparé un gratin de blettes (de cardes), suis allé chercher Bubunne. Son sarcosucchus est arrivé d’Italie. J’ai ouvert les huîtres. Alphonsine (Anouk) est arrivée. On a ouvert et bu le Chenin blanc. Bubunne a revu le début de Jurassic World Rebirth. C’est moi qui ai fait le dodo.

COMME ÇA

Et là je n’avais plus d’image, donc je suis retourné en arrière. C’était il y a deux semaines, à Séoul, au musée Arario, en bas. Dans l’espace studio, où sont présentés les travaux de jeunes artistes émergents. Ici, de grandes peintures d’après photo.

J’avais utilisé ces photos (et d’autres) à titre d’exemple au cours des deux derniers jours, consacrés à des rencontres avec les étudiants de première et deuxième année. Et, contrairement aux étudiants de troisième année, dont l’apathie m’attriste, les étudiants de première et deuxième année sont enthousiasmants. Je m’attendais à des journées fatigantes, parce que denses, et elles le furent mais elles furent surtout enthousiasmantes, parce que tous ou presque avaient réellement un projet et un véritable désir de créer.

C’était donc un bon moment, malgré la toux, la sinusite (je ne crois décidément pas que ces antibiotiques soient très efficaces).

Ce matin, visio à 8h45 avec J.K. pour des studios au Rwanda, avant la reprise des rencontres, qui s’achèvent autour de 11h. Ensuite, rendez-vous mémoire avec F.D., qui médite une tragédie grecque à caractère médical, puis un bibimbap et hop, du son avec K.L. et rendez-vous avec E.C. pour préparer la projection en Corée en avril.

On pensait continuer à travailler un peu en fin d’après-midi avec K.L., mais un certain T.Z. prétend avoir réservé le studio et on reporte à la semaine prochaine, ce qui me permet de rentrer un peu plus tôt que d’habitude.

J’ai oublié de dire que j’avais vu Peter Moog hier soir, venu me parler de son projet sonore et on se dit qu’il faudrait organiser une projection de Autrement la Molussie de Nicolas Rey. Je laisse un message sur un e mail, mais l’adresse (club-internet) semble dater.

J’arrive à temps pour le dîner de Bubunne et une bonne crise de nerfs avant un dodo mérité. Anouk ronpichonne et je ne vais pas tarder.

IL FAUT TOUJOURS Y CROIRE

Comme le chantait le regretté Jean-Luc Le Ténia, il faut garder l’espoir. Et c’est ce que j’ai fait, me retrouvant confronté pour la nième fois à ces séquences bancales sur-jouées et trop pleines d’intention.

Jusqu’ici j’avais laissé tomber la neige, j’avais soupiré en me disant qu’il n’y avait rien à faire, que c’était ainsi, qu’il fallait faire avec. Et puis soudain, non. Soudain, l’épiphanie. On va essayer d’améliorer les choses, ai-je lancé. Et nous l’avons fait. Et je suis fier de nous.

Par les seuls pouvoirs du son, nous avons rendus meilleurs des acteurs qui en faisaient des caisses. Nous avons rendu supportables des séquences qui ne l’étaient guère, qui étaient au mieux embarrassantes. Cela grâce à la foi et à l’enthousiasme de mes stagiaires.

L’enthousiasme paye, me dis-je. Nous avons su trouver les camions de pompiers et les klaxon capables de faire avaler l’entrainement. Nous avons su englober l’auditoire dans une pluie, dans un poêle à bois, dans une chansons de rock polonais des années 70, dans des grincements de vestiaires, des conversations de douches. Nous avons su bruiter avec tact une cigarette et un briquet Zippo. Faire passer des tranches de pain trop épaisses pour être honnêtes, grâce à d’authentiques chiens aboyant aux passage d’authentiques caravanes.

Maintenant, je sais que l’on peut presque tout. Ce n’est pas trop tôt, à mon âge, me suis-je dit. Si cela peut faire gagner du temps à d’autres, tant mieux.