ALLER-RETOUR

Petit saut à Paris hier. Départ 10h07 de Poitiers, retour 21h15. Dans le train, bondé, lecture de Chalamov. Arrivé à Montparnasse, je suis saisi par une Impression forte de densité, de quantité de mouvement, de bruit.

Je file à Montrouge, chez Shaman Labs, pour une visite du studio, légèrement modifié. H. et G. ont ouvert une baie vitrée entre la régie et la cabine. Il faut mettre à jour le plan acoustique. On envisage plusieurs possibilités. Le temps est court. H. est un peu inquiet. K. nous rejoint vers 13h. On va tous ensemble grignoter au restaurant thaï habituel. G. parle de son fils, qui a des obsessions et une angoisse de la mort terribles et ça me fait penser à un petit garçon que je connais bien bien.

Le haut de la rue d’Estienne d’Orves à Montrouge sent le loukoum, c’est-à-dire, me semble-t-il, l’eau de rose. Cela évoque des parfums. En particulier la fragrance de certains rouges à lèvres. Je ne sais d’où provient l’odeur. Elle plane sur une bonne centaine de mètres.

On papote un moment en mangeant nos pad thaï et autres bobuns.
K. ne mange pas. Il boit un jus citron-gingembre.
Moi aussi, d’ailleurs. Pas fameux, quand j’y repense, me dis-je. Drôle de goût, quand j’y repense. Un goût de quoi ? Hum… Un truc fade et douceâtre. Manque de caractère. Manque de piquant. D’acidité. Tout le contraire de ce qu’on attendrait d’une boisson au gingembre et au citron, me dis-je. La boisson aussi est à l’eau de rose, me dis-je.
On parle un peu de musique. Il est question des Misfits. Un groupe punk – ou pré-punk – américain du début des années 70. Je n’ai jamais écouté les Misfits. Contemporains des Ramones. Un peu avant. 1974 peut être.
On reprend le métro avec K., qui s’en va rejoindre son amoureuse en Normandie. Pas à Deauville, précise-t-il. Dans les terres. Près de Lisieux, dit-il.

J’ai rendez-vous dans le neuvième, rue du Delta, avec M.H., pour visiter un nouveau lieu où il aimerait installer des salles de répétitions équipées de pianos, mais, comme l’employée de l’agence immobilière est en retard, je vais prendre un café gourmand non-loin en commençant à travailler à l’étude acoustique.

Après la visite, je rejoins P.G. au Père Tranquille pour un verre de Viognier avant de repartir. On se donne de nos nouvelles. On prévoit de se revoir bientôt. Il promet de m’envoyer bientôt un lien vers le film sur l’ergot de seigle. Dès qu’une version sera suffisamment aboutie. Ce qui ne devrait tarder. Il serait temps. Il ne serait que temps.

Il serait aussi temps que je mette du son sur la bande image de l’atterrissage à Reykjavik, pourrait-on ajouter. Il ne serait que temps. Le temps file comme un élan, comme dirait Aki Kaurismaki.

P.G. me raccompagne au métro. Un sentiment d’étrangeté émane, pour moi, de cette ville. Au sens où elle m’est devenue étrangère. Familière et étrangère. Comme quelque chose qui est toujours là mais n’existe plus. C’est la même ville mais ce n’est plus la même. Je suis rassuré de rentrer. Rassuré et un peu inquiet.

Dans le train du retour, j’ai juste le temps de revoir en intégralité « Le Roman d’un Tricheur », qui dure exactement ce que dure le voyage. Et puis vroum dans la nuit, dans la pluie.

La Nuit du Carrefour, me dis-je, repensant à la proposition de P.G. d’organiser au Moulenc, dans les Cévennes, un festival Renoir en quatre ou cinq films. On se dit « La règle du jeu », « Le crime de Monsieur Lange », « Une Partie de Campagne », « La nuit du Carrefour ». P. ajoute « La Marseillaise », mais je ne suis pas pour . Et lui n’est pas pour « La Grande Illusion ». Mais maintenant que j’y repense je me dis « La Bête Humaine ». Je serais pour « La Bête Humaine ».

Et « Boudu Sauvé des eaux » ?

Ce matin, R. part aux aurores et je dépose S. à l’école. Un peu de drama au moment de nettoyer le nez et de brosser les dents, pressés par le temps. Mais on écoute la playlist « Snakes » dans la voiture et tout va bien.

En rentrant, du ménage, du rangement, du passage d’aspirateur. Puis visio avec la Corée pour préparer le workshop de novembre. Puis préparation de confitures de pêches. Je déjeune d’un curry de butternut dont il reste assez pour le dîner de ce soir de R. et S.

DIX DE PERDUS UN DE RETROUVÉ

Je ne sais plus à quel propos mais cette formule inversée m’était apparue appropriée, hier, pour caractériser ma situation. Un aspect particulier de ma situation.
Ou peut-être était-ce la situation de quelqu’un autre ?
Vraiment, je ne sais plus de quoi il s’agissait. Ni ce que j’avais perdu, ni ce que j’avais retrouvé. Ou ce qu’un-e autre avait perdu et/ou retrouvé.

Quoi qu’il en soit, ou quoi qu’il n’en soit pas, maintenant, à l’instant où j’écris, je me trouve dans la studette n°6 et j’ai bien l’impression que les fenêtres ont été réparées pendant l’été. Maintenant, elles s’ouvrent et les stores semblent en bon état. C’est rassurant. J.J. est un bon régisseur général, un type sûr, quelqu’un qui fait bien son boulot, quelqu’un qui se lève le matin, un garçon fiable et responsable, une perle rare, un professionnel hors pair.

Et, oui, bien sûr, c’était aujourd’hui la première journée de pré-rentrée à Nantes. Malgré les signaux obscurs en provenance du Monde, à toutes les échelles et toutes les distances imaginables, la note générale est celle de l’espoir, de l’élan, de la foi, de la réassurance, du projet. C’est revigorant.

Il y a comme une odeur d’essence dans la pièce. Comme une odeur de gaz d’échappement. Pourtant la fenêtre est fermée. D’où pourrait s’échapper un gaz ?
Ou bien devrais-je peut-être ouvrir pavillon?


Curieux, cette odeur. J’ai un peu mal au crâne. Peut-être est-ce l’odeur de la lessive ?
Oui, c’est ça. C’est l’odeur de la lessive.
Ça doit être l’odeur de la lessive.
J’espère que c’est l’odeur de la lessive.
Je préfèrerais ne pas mourir d’asphyxie cette nuit.

Ce n’est ni le moment ni l’endroit pour mourir, me dis-je.
Il faut que ce soit l’odeur de la lessive.
C’est l’odeur de la lessive et voila.

Point barre.

Je bois des litres d’eau. J’ai acheté un paquet de six bouteilles de 1,5 l. Je pense être en mesure de tenir un petit moment. Et j’ai aussi acheté deux pommes, des yaourts à la vanille et un sandwich pour le petit déjeuner de demain. Enfin, une des deux pommes c’était mon dessert de midi, avec un des yaourts.

Il me faut environ douze secondes pour être certain qu’une série de Netflix va me déplaire souverainement. Après avoir successivement écarté toutes celles que l’algorithme prédisait devoir me plaire, j’ai finalement regardé la fin de Barry Lyndon, toujours sans parvenir à éprouver de sympathie pour le personnage, au point que je me dis, ce qui est une horrible chose à se dire, que tout ce qui lui arrive lui pendait au nez et qu’il l’avait bien cherché. Pour ne pas dire qu’il l’avait bien mérité et que c’était bien fait pour lui. Horribles pensées, tout de même, me disais-je.

Ce que deviennent les bonnes joues rouges de cette horrible Mme Barry, avais-je pensé. Au fond, c’était un film aristocratique qui démontrait bien que les gueux n’avaient rien à faire parmi les gens de bonne famille, avais-je pensé. Ces Barry étaient trop vulgaires pour mener correctement la vie de château. Ils ne savaient pas s’ennuyer avec grâce. Ils n’avaient pas le chic.

J’avais surtout voulu revoir le film pour la lumière. Et puis c’était suite à l’écoute fortuite d’un entretien de Kubrick avec Michel Ciment hier après-midi.

Ce qui est beau, avais-je pensé, ce sont les plans d’ensemble immobiles. Les intérieurs, éclairés par des HMI. Beau et un peu vain, m’étais-je dit. Élégant comme l’ennui aristocratique, me dis-je.

Appel de H.H. qui me demande si je peux passer au studio cette semaine. Je réponds oui et je réserve un train aller-retour Poitiers-Paris pour jeudi. J’espère que les trains ne seront pas annulés. C’est la journée zéro rien stop tout s’arrête en principe. Mais, bon, c’est un Ouigo alors je me dis… on verra bien.

Et puis finalement non. la journée zéro ce n’est pas jeudi, triple buse que je suis. C’est mercredi la journée rien. Alors jeudi, tout repart. On verra bien, allez.

Et comme par hasard M.H. appelle ensuite pour me demander si je ne pourrais pas visiter avec lui un lieu qu’il préconise pour y installer des salles de répétition. Je dis jeudi.

Je me suis bêtement laissé prendre à un piège par SMS.: un soi-disant Mondial Relay n’arrive soi-disant pas à faire entrer un paquet dans un locker et me demande de reprogrammer la livraison. Suit un ensemble de questions concernant ma carte bleue. Après avoir donné les éléments, je me dis que je suis décidément complètement con et je fais opposition à la carte.

Ça y est, je n’ai plus de carte. Pour quelques jours. Ce n’est pas désagréable. Cela s’accompagne d’un sentiment de libération, en réalité.

Bon, Chalamov.

Dring dring, c’est K. Mon téléphone l’a appelé, alors il rappelle. On papote. La nuit tombe. On se dit jeudi. Peut-être. Sauf imprévu.

DANS LE VIDE

Retour des Charentes-Maritimes, du côté de Royan. Superbes crotales à Planet Exotica. Les crotales argentins de l’Ouest, Crotalus Atrox, sont les plus beaux, par la délicatesse de leurs écailles et de leurs tons.

Les cobras ont un caractère très particulier, perceptible à leurs tentatives d’interactions à travers la vitre du terrarium. Ils cherchent la brèche, le point faible, dardent leur langue face à la plus infime fissure pour attraper des molécules odorantes et se désintéressent d’un coup lorsqu’ils sentent qu’ils ont épuisé une piste.

Un des mambas noirs était en pleine mue et nous l’avons vu se débarrasser de l’exuvie en se frottant à un arbre.

Hier, il faisait chaud à Royan. Plus de 32°C. Un petit rab d’été. On est allé se baigner dans la piscine de la résidence, où nous avions booké une petite maison sur Air BnB. L’eau semblait glacée, mais au bout d’un moment on s’y fait et alors c’est rafraichissant.

Dîner à Saint-Palais, sur la plage de Nauzan. Absolument idyllique avec cette douceur et le soleil couchant. S. joue sur la plage pendant qu’on mange nos dames blanches sur la digue. La nuit est difficile parce que S. a le nez bouché et fait du drama jusque vers 4h du matin.

Vers huit heures je vais chercher des viennoiseries pour le petit-déjeuner. On quitte la maison à 10h30. Direction la plage. Je prends un café pendant que R. et S. jouent sur la plage, avant de rentrer à la maison.

J’ai revu Barry Lyndon, mais je m’arrête un peu après la moitié, parce que je trouve le personnage déplaisant lorsqu’il souffle la fumée de sa pipe au nez de sa femme. Goujaterie inutile qui me fait que le film me tombe des yeux. Je le reprendrai peut-être demain.

LA BONNE NOUVELLE

La bonne nouvelle c’est que la Ford Fiesta n’est pas concernée par les rappels d’airbags, de marque Takata. Ça, vraiment, c’est une très bonne nouvelle. J’ai été soulagé de l’apprendre à l’instant. Il faut dire que je venais d’assister à une scène d’accident de voiture dans une très mauvaise série, dont je tairai le nom par charité. Tout à coup cela m’avait fait repenser à toutes ces alertes aux airbags défectueux. Je m’étais ressouvenu que, cet après-midi encore, alors que nous roulions vers la forêt de Chizé, j’étais tombé sur une de ces alertes angoissantes et que je m’étais représenté soudain l’accident d’airbag, la mort. et qu’ensuite j’avais réduit mon allure et taché d’éviter les occasion de freiner brutalement, en priant le seigneur très haut et très grand de ne pas être la victime malchanceuse d’un de ces airbags mortels. Et j’ai été exaucé ! Ça c’est une nouvelle du tonnerre, non ?

Sinon, la bonne nouvelle, c’est qu’il fait beau et que l’herbe repousse. C’est une bonne nouvelle.

Mais la bonne nouvelle, c’est qu’après un réveil difficile et des poussées de fièvre, S. semble aller mieux et que nous pourrons en principe respecter le planning, c’est à dire que nous irons en principe passer le week-end à Royan pour visiter en principe tout un tas de crotales, de cobras et autres mambas noirs et verts. Ça c’est encore et toujours une bonne nouvelle.

Et aussi, la bonne nouvelle, à propos de serpents (mais beaucoup de choses sont à propos de serpents dans cette maison) c’est que nous avons découvert aujourd’hui que la forêt de Chizé, près de Niort, est un sanctuaire pour les serpents, sous la haute protection d’un complexe d’étude biologique du CNRS. Nous sommes allés y faire un saut, comme ça, à brûle pourpoint, avec S., qui était malade. Et la bonne nouvelle c’est que ce centre de recherche organise une journée immersive le 29 octobre.

ACTIVITÉS DU MERCREDI

Comme le dimanche, les enfants s’ennuient le mercredi, c’est bien connu. Il faut leur trouver des activités. Moi, je propose à S. le conservatoire de musique. Il faut encore étoffer parce que le conservatoire ça n’est qu’à 17h et il y a des heures et des heures à occuper avant.

Ce matin, R. est partie aux aurores. J’ai réveillé S. à 7h30, fait des crêpes et on s’est préparés doucement pour être au Centre de Loisirs vers 8h30. Allez, peut-être 8h45 plutôt. De retour à la maison, musique et jardinage, jusque vers 13h15, heure à laquelle je retourne chercher S.

On regarde Jurassic Park, le premier puis on se met au jardin. Dinosaures et arrachages de lierre.

J’ai reçu la télécommande universelle en 30,875 Mhz pour le portail et, miracle, elle fonctionne.

En fin d’après-midi, suis allé chercher le vélo que j’avais fait retaper.

Puis linguines carbonara pour S. et R., pendant que je bois du vin. C’est R. qui s’occupe du coucher. On intervertit les chambres pour que ce soit moi qui accueille S. la nuit, en cas de réveil intempestif.

CHOP CHOP

Revenir aux fondamentaux, me disais-je, en débitant dans de grands sacs verts les branches de rosiers, de lauriers et de lierre que j’avais taillés ce matin. Et donc dire que la guerre au lierre est déclarée. Opération destruction, éradication, dispersion, désintégration.

Au départ, ça semble presque impossible mais, en avançant, on progresse visiblement.

Il vaut mieux être délicat. Le lierre finit par tenir les murs qu’il a colonisé. On doit le retirer sans provoquer l’effondrement, sans détruire les toits. Il faudra bientôt du ciment, des joints, des enduits.

Et puis j’ai ratissé, dégagé, créé un entassement de déchets végétaux pour y déverser les tombereaux d’herbe en voie de décomposition, de recomposition. Que vienne le broyeur, commandé hier. Nous sommes prêts à l’emploi.

Comme par un fait exprès, la pluie commence à tomber au moment où je me dis que ça suffit pour aujourd’hui et qu’il est temps de manger quelque chose. Je me prépare des tomates mozzarella basilic, un reste de coleslaw, du poulet froid, un yaourt grec à la confiture de mûre et ça va bien comme ça.

Vers 14h, je file à Thouars faire quelques courses, je rentre travailler un peu et puis je vais chercher S. au centre de loisirs. Je le retrouve en train de jouer avec A. et C. A. me demande quand ils vont venir manger à la maison. Je dis que je vais appeler ses parents pour organiser ça. Et à l’instant, je me dis que zut j’ai oublié. Pas grave. Demain.

On rentre. Le temps de regarder un documentaire sur les tardigrades, un autre sur les tortues et il est l’heure du bain. R. fait des galettes aux courgettes. Ça râle, mais la technique de ne pas prendre au sérieux les postures dramatiques fonctionne. Les galettes sont avalées, ainsi qu’une glace à l’eau. Les dents brossées, l’histoire lue, S. roupille à 21h. Mission accomplie.

Je réserve un appartement près de Royan pour samedi soir, en prévision de notre escapade à Planet Exotica, où S. veut retourner voir cobras, crotales et pythons réticulés.

GIBOULÉES

Cet insecte, c’était en juillet – chlorophorus glabromaculatus, pour être pédant. Il était tombé dans mon assiette, sous le tilleul, en pleine canicule. Tout jaune couvert comme d’un duvet. D’une poudre. D’un velours.

Et aujourd’hui, premier septembre, il faisait frais et il pleuvait par intermittence. Il faisait franchement soleil et puis tout à coup il pleuvait. Et puis, il se mettait à faire carrément gris et à pleuvoir des cordes. Mais alors, il se mettait à faire soleil de nouveau, comme si de rien n’était. Et cinq minutes plus tard, c’était gris et bruine. Toutes les ambiances y passaient.

C’était à n’y plus rien comprendre. C’était à n’y pas croire. Alors, je commençais à entreprendre quelques travaux de jardin et, surpris par la pluie, je m’arrêtais pour aller faire des courses. Et là, grand beau temps. Et de retour, pluie de nouveau.

On avait déposé S. à l’école pour sa première journée de CP.

L’appel avait mal commencé. Le premier appelé, c’était I.
Son ennemi juré, son ennemi d’enfance, le butor, le bully.
Oui, mais après, tous ses copains et copines avaient été appelés les uns après les autres. Sourire montant en progrès constant.

En fin de journée, S. nous apprend que I. s’est apparemment beaucoup calmé. En tout cas, il n’a frappé personne. C’est heureux.

Je suis passé au Conservatoire de Thouars pour y inscrire S. et suis allé faire aussi quelques emplettes chez Action.
Un sac à dos, une agrafeuse, des sacs poubelle, que sais-je encore ?
Avant, j’étais allé chercher mon passeport au Granit de Saint-Loup.
La journée avait filé comme un éclair. Nous n’avions pas déjeuné.
J’étais passé au bureau de Poste d ‘Airvault, pour y poster la télécommande universelle non compatible, avant d’aller chercher S. à 16h30.
Il est affamé et avale deux pains aux chocolats avec un grand verre de coca.
À la maison, contrecoup de la journée, il est dans un état de nerfs intenable.

Ca ira mieux demain.

Je regarde des débuts de films, des débuts de série, mais ne parviens à m’intéresser à aucun, à aucune. Je vais éteindre et mettre la radio.

DES LIEUX ASSOCIATIFS POUR LES JEUNES

D’abord, bien sûr, c’est à écouter ici:

https://cobra06130.bandcamp.com/track/des-lieux-associatifs-pour-les-jeunes

J’étais aller chercher ce vieux titre, dont je pense qu’il m’avait initialement été transmis, il y a bien une quinzaine d’années, par O.C. Je n’en suis pas tout à fait sûr, mais j’imagine assez O.C. jubilant à l’écoute de cette petite perle de nihilisme fun. J’étais allé le chercher à cause du mot-clef « cobra », utilisé pour composer une playlist « snakes » à l’intention de S.

J’avais utilisé d’autres mots-clés, bien entendu: « rattlesnake » (très beau titre de King Gizzard and the Lizard Wizard), « anaconda », « crotale », etc. Et c’est incroyable le nombre de titres qui contiennent le mot « rattlesnake ». C’est tout simplement inépuisable. On n’en vient pas à bout.

Mais je reviens aux lieux associatifs. Et donc, en réécoutant, je sens monter une irrésistible compulsion à partager ce titre avec la terre entière. À cause de la pure joie qu’il procure.

C’est très curieux. Cela commence par un malaise. On se demande comment se positionne la voix (hurlée) vis à vis des problèmes et des solutions qu’elle scande. Et, pour commencer, de quoi est fait ce hurlement ? De rage ? De colère ? De transe ? De joie ? Un tremblement de joie ? Comme chez Pasolini ? J’ai tué mon père, j’ai mangé de la chair humaine et je tremble de joie ? Ce serait prendre au sérieux la posture sataniste ? Mais est-ce bien sérieux ? Y a-t-il quoi que ce soit de sérieux ? L’ironie est palpable. Mais l’ironie ne s’exerce-t-elle pas au dépends de l’ironie elle-même ?

Échange avec H.:

-Plutôt cool ! Ça sonne familier 😉 et ce solo qui change de mode ! j’en ai écouté 2-3 autres, pas aussi fortes…

-Non, c’est la meilleure. Je crois que ça tient au vertige d’ambiguïté quant au positionnement de la voix vis à vis du « problème » et de la « solution ». Emboîtements de postures ironiques aboutissant à une incertitude…

-Je pourrais pas mieux dire…je me demandais au début si c’était du lard ou du cochon, en fait c’était du punk 🙂

-Oui, le nihilisme s’abîme joyeusement mais inéluctablement dans la farce et l’on ne sait trop que faire de cette joie un peu embarrassante. Alors on la partage avec ceux qu’on aime…Et finalement sa vertu apparaît dans ce partage, qui est justement dans la dernière phrase chantée: « des lieux pour partager ». Certes, ces lieux sont dérisoires mais ils ne sont pas totalement nuls parce qu’ils sont associatifs (comme la pensée) et nous maintiennent connectés à ce qu’il y a de jeune, d’irrémediablement jeune, d’irreductiblement jeune en nous.

Et sinon, c’est dimanche. Et demain, c’est lundi. C’est la rentrée de S. et des autres écoliers. Et, comme par hasard, il pleut. Coïncidence ? Je ne crois pas. J’hésite entre faire un peu de musique en profitant de l’absence de R. et S., partis au cinéma à Bressuire, et faire un peu de jardinage entre les gouttes. Cela dit, je peux faire les deux. Pas en même temps, mais alternativement.

VENDREDI, JOUR DU MARCHÉ

C’est une photo prise par S. chez le poissonnier ce matin, à Thouars. R. fait sa pré-rentrée. On s’est tous levés tôt et on est allé au marché, S. et moi.

En roulant vers Thouars, l’autonomie de la voiture tombe en flêche. On étais partis avec un optimiste 63 km d’autonomie et, cinq kilomètres plus loin, on n’était déjà plus qu’à 28, puis 27, puis 26. On perd un km tous les deux cents mètres. Je commence à me demander si on va réussir à éviter la panne sèche. K. appelle à ce moment et on discute en roulant vers la station service du Super-U. Le voyant est au rouge. Ca grimpe, ça grimpe. La station est en vue. Ouf, on y est arrivés.

La pluie est de retour, mais pas massivement. Elle alterne avec de belles éclaircies et même cohabite avec elles. On cherche l’arc-en-ciel sans le trouver. Achats de bonnes choses: de la tomme aux fleurs, de la tomme fumée, du Morbier, du Chabichou, un poulet fermier, une raie, des gambas, des tomates ananas et noires de Crimée, de la coriandre.

Il faut que je renvoie la télécommande universelle, qui n’est pas compatible avec la nôtre, de fréquence basse (30,875 Mhz). J’en commande une autre, en croisant les doigts, en touchant du bois, et toute cette sorte de choses. Le Monstre de Gila n’est pas encore arrivé. Apparemment le courrier ne fonctionne plus correctement entre les États-Unis et le reste du Monde, en raison des taxes mises en place par Ubu. Il faut donc éviter tout commerce avec l’empire. On évitera.

On repasse par la maison, le temps de mettre nos bonnes choses au frais, puis nous filons à Bressuire. Déjeuner chez Mc Do puis Cabane de Mario pour S., tandis que je prends des cafés en faisant mes mails. S. veut absolument revoir (c’est à dire voir pour la troisième fois) le dernier opus de la saga Jurassic World. Mais c’est à 17h15 et il n’est que 14h11. Va-t-il encore tenir 3h à jouer dans les structures de la cabane de Mario ?

BIOPARC

Quand on se dit qu’on tient un post formidable, c’est là qu’il faut se méfier, me disais-je en mangeant des cacahuètes, ce qui, en soi, n’était pas une bonne nouvelle. En principe, je jeûne le soir et ce soir – il y a des soirs régressifs – c’était cacahuètes, un peu de gaspacho, une fin de terrine et pas mal de verres de vin. Chenin blanc, Anjou rouge. Et s’il était resté une goutte de Glenlivet je ne jure pas que je ne m’en serais pas servi un petit verre on the rocks. Soirée régressive, donc. Avant l’ascèse, cela va sans dire.

L’ascèse, dès demain, me disais-je en grignotant mes cacahuètes. Et hop, un autre verre de vin, en prévision de l’ascèse. Toujours ça de pris, me disais-je. Un dernier verre et l’ascèse, me dis-je. L’ascèse tout droit, tout bonnement.

Nous étions allé passer quelques heures avec l’anaconda vert du zoo Bioparc de Doué-la-Fontaine. On ne s’entoure jamais suffisamment de reptiles, m’étais-je dit. Les reptiles sont des compagnons formidables, avais-je pensé. Et nous avions filmé cet anaconda – pas très grand, à peine trois mètres et quelques – inhabituellement mobile et alerte, sans doute parce qu’en fin de mue.

Nous allions de l’anaconda aux crocodiles nains, des crocodiles nains aux pythons royaux, mâles et femelles, avec leurs petits, puis à l’anaconda de nouveau. S. étalait un peu sa science; m’étais-je dit. C’en était embarrassant. Je m’étais éloigné. J’étais sorti du vivarium. En bordure d’Okapi. Okapi curieusement invisible aujourd’hui. Manifestement absent.

R. a installé un panneau dans la cuisine avec un planning général et un emploi du temps détaillé sur deux semaines. Si on arrive à tenir ce truc, me dis-je, on sera des dieux de la logistique. On ne manquera plus une livraison de fioul, plus un rendez-vous chez le vétérinaire, plus un passage Chronopost. Ce sera comme… Je ne sais pas. Comme une sorte de perfection faite planning.

Il faut que je réponde à Ci, qui m’a répondu. J’hésite entre spontanéité, au risque du malentendu, ou diplomatie, au risque de l’ennui.

Spontanéité, me dis-je. Au risque du malentendu, me dis-je. Le malentendu, c’est formidable, me dis-je.

Et, en répondant, je repense à Mi, qui m’appelle toujours quand elle va mal, quand elle est au bord du gouffre, pour se plaindre. En général le soir. Toujours le soir. Certainement après quelques whiskies. C’est une plainte qui ne souffre aucun commentaire, finalement. Une plainte qu’il faut prendre ou laisser en tant que telle. Qu’il faut accompagner. Encourager.

Moi, je n’ai pas la patience en général. J’essaye d’argumenter, de temporiser, de tempérer. Ca l’énerve, la fout en boule, la désespère, l’enfonce au fond du fond du trou. Elle me dit alors qu’elle n’aurait pas dû appeler. Je lui dit que ça ira mieux demain. Demain, elle dit. Demain, elle fulmine et elle raccroche, courroucée.

Le lendemain, je rappelle. Ca va mieux, bien sûr, mais il y a un truc qui ne va pas: ce bruit sur ma ligne. Toujours ce bruit sur ma ligne. Je ne sais pas ce que c’est. D’où ça vient. Il faut que tu changes d’endroit, de téléphone, de fournisseur.

Un bruit insupportable sur ma ligne. Des voix qui résonnent. Des sons qui résonnent. Il n’y a qu’avec moi que ça fait ça, elle me dit. Ca doit être mon téléphone, elle me dit. Je ne comprends rien à ce que tu dis, elle me dit. A cause de ce bruit insupportable, elle me dit. Mais je ne dis rien, je lui dis. Je l’écoute, je lui dis. Ce bruit, ce bruit; elle me dit. Il faut interrompre la conversation, elle me dit. Mettre fin. Ce bruit est insupportable. Qu’est ce que c’est que ce bruit ? – elle me demande D’où ça peut venir ? Personne ne t’en a parlé de ce bruit ? Il n’y a que moi qui l’entende, ce bruit ?