CA MARCHE !

Trois jours que je ne parviens pas à me connecter, mais grâce à J. et à son astuce pour contourner les ridicules dispositifs de la censure chinoise sur internet, je peux enfin poster et lire sur cette plate-forme. De façon assez arbitraire, Typepad est maintenant accessible, alors qu’il ne l’était pas il y a encore une semaine. Les mystères de la censure sont insondables.
Nous bénissons à chaque instant l’irruption de l’air conditionné dans notre modeste appartement.
Il faut dire que la chaleur commençait à devenir terrible. Aujourd’hui, par exemple, il fait 39°C mais de la pluie et un net rafraîchissement sont prévus pour demain.
Je suis devenu très copain avec la boulangère qui se marre à chaque fois qu’elle me voit -sans doute à cause de mon grand nez- et je lui achète quelques petits pains tous les matins en guise de petit déjeuner. Il y a aussi l’option crêpe aux deux oeufs, herbes, sauce fourrée au beignet mais c’est un peu lourd. Mais bon pour le transit. 
Mercredi, nous décidons d’aller visiter le parc Beining, au Nord de la ville et découvrons qu’il s’agit d’une sorte de jardin d’acclimation en ruines, mais pas désertés: presque toutes les attractions sont rouillées et hors d’usage mais il y a tout de même des familles et une tripotée de gamins. L’ensemble est tout de même assez triste et, vu le nombre de grues et de bulldozers disposés alentour, tout laisse imaginer qu’une vaste opération immobilière est en cours. Manifestement, ce carré de verdure et d’eau va devenir quelque chose comme une immense résidence huppée d’ici 4 ou 5 ans mais pour l’instant c’est juste une friche à l’abandon.
Le petit jardin public où j’avais tourné une séquence des Tianjin Babies est toujours aussi charmant et nous passons un moment à filmer les retraités en train de chanter tous ensemble en une joyeuse cacophonie. En passant par le marché, je tombe sur ma folle de l’automne dernier, dans un état misérable, toute noire de crasse au milieu d’une flaque d’eau saumâtre et puante. m’apperçevant, elle se redresse et se met à taper sur le sol avec une bouteille en criant: « Le français ! Le français ! ». Je m’enfuis une première fois, mais en repassant quelques minutes plus tard, je la salue. Elle la les yeux écarquillés et le souffle coupé. J’aimerais bien pouvoir l’aider mais je sais qu’elle refuse tout argent et toute nourriture.

En rentrant du parc Beining, nous passons par un chantier d’autoroutes et Y. trouve qu’on se croirait en plein dans un film de Pasolini. Alors nous tournons quelques séquences pour un hommage. Ca me fait penser que j’ai au moins 4 ou 5 films à monter depuis lundi. Je ne trouve jamais le temps de m’en occuper. S’il se met à pleuvoir, ça sera l’occasion de rattraper le retard. Suivant les conseils de C.Z. j’ai téléchargé la première (et unique) saison de Freaks and Geeks que je me promets de regarder la semaine prochaine. Nous avons regardé Blonde Crazy de Roy del Ruth, avec un James Cagney à croquer et avons laissé en cours de route Hors de prix de Salvadori, qui est très raté. Vu l’autre matin Les soeurs Munakata d’Ozu. Le premier film d’Ozu avec un vrai méchant (en fait plutôt un pauvre type, le genre d’épave qui ne peut être sauvé que par son suicide qui, heureusement pour lui, fini par advenir). Ici le soleil se couche vers 18h30. Il faut donc se lever vers 5h30 – 6h00 pour avoir une vraie journée, d’autant que c’est l’heure où il fait frais.
Ce matin, vers 7h00, je suis allé chercher les billets de trains pour Pékin à la gare du Nord. C’était agréable, il n’y avait presque personne et pas de queue. Coup de chance, j’arrive à me faire comprendre du premier coup: « wo xiang mai liang zhang piao qu ming jian jiu dian si shi wu beijing » (« je voudrais acheter deux billets pour Pékin, demain à 9h45 ») mais ensuite la caissière se met à m’expliquer quelque chose que je ne comprends pas et ça dure une bonne dizaine de minutes avant que je capte qu’elle me dit de faire attention, que le train ne pars pas de la gare du Nord mais de la gare provisoire (ce que je savais). Je lui dis que je sais. Elle éclate de rire et manque s’étouffer. 

J’ai oublié de dire qu’hier soir Z.M., sa femme et deux amis nous ont emmenés dans le restaurant le plus incroyable du monde. D’abord c’est immense, au point que l’on s’y perd et que l’on est obligé de se faire raccompagner à sa table par des guides en patins à roulettes. Ensuite, c’est une jungle, pleine d’oiseaux exotiques, mais aussi de bassins où nagent des phoques et dieu seul sait quoi. Enfin, c’est la carte la plus impensable: il y a au moins 10000 plats au menu, dont une assiette contenant chaque ingrédient est présentée à la vue des mangeurs pour leur permettre de faire leur choix. Il y a donc ces milliers d’assiettes saisissantes de beauté (et de fraîcheurs), des aquariums pleins de crabes, langoustes, homards, poissons, etc… Un truc de dingue comme dirait H.D.. Evidemment, j’ai pris la carte mais c’est un peu trop loin du centre ville pour y aller en vélo. Il faut dire que Z.M. habite très au Sud. L’ambiance est détendue et Z.M. est très intéressé par notre projet de créer un lieu de travail et d’exposition à Tianjin. Nous nous promettons de nous revoir bientôt pour y travailler. 
Hier matin, nous sommes allés faire quelques emplettes au marché des antiquaires de Tianjin. Les prix sont assez élevés et en général les vendeurs ne descendent pas en-dessous de 50 à 60%. Ou bien c’est moi qui marchande mal (c’est bien possible: j’ai horreur de ça). Les gens sont généralement très épatés par le fait que Y., qu’ils prennent pour une chinoise, ne parle pas chinois et que ce soit moi qui baragouine et lui traduise. A chaque fois je dois expliquer que nous sommes français tous les deux mais que les parents de Y. sont Vietnamiens. Alors les regards s’éclairent: tout s’explique. Cependant, ils n’arrivent pas à se faire à l’idée qu’Y. ne parle pas le chinois et continuent à s’adresser préférablement à elle, malgré ses signes d’incompréhension.
Demain matin donc, retour à Pékin où nous passerons la nuit pour assister au vernissage de L. dimanche. Nous avons réservé un hôtel près du quartier des puces pour qu’Y. puisse poursuivre son shopping (aujourd’hui, les puces de Tianjin étaient fermées ou presque), au cas où le studio de Feijiacun ne soit pas disponible.