EN MIETTES

Désolé et abandonné comme cette plage, dans l’école déserte hier.
Deux étudiantes à l’atelier du matin et l’après-midi personne.
Je grelotte dans les bureaux, je grelotte sur les trottoirs, transi, frigorifié.
On se réchauffe comme on peut, à coup de soupe miso, de cafés.
Vers 16 heures il me faut admettre que l’école est vide et je vais poser mon barda à l’auberge.
La dame à l’accueil porte une minerve (mais quel est son prénom ? Je la vois toutes les semaines et je ne connais même pas son prénom). Je lui demande ce qui lui arrive, elle me dit qu’elle a mal aux cervicales, je lui indique quelques exercices.

En cellule, je m’installe face aux deux premiers épisodes de la série « Dix pour cent », puis je vais traîner ma tristesse et ma désolation sur la plage, en espérant que me prendra l’envie de m’asseoir à une terrasse face à la mer. Mais il fait trop froid et je n’ai pas soif.
Alors je laisse mes pas me porter jusque chez E.B., où j’arrive manifestement trop tôt, après avoir fait l’emplette d’une bouteille de champagne vernaculaire à l’épicerie non-loin.
Cette invitation à dîner sauve ma soirée d’une solitude affligeante en cellule.
Pendant qu’E. prépare le dîner (truite fumée, salade, crêpes, purée « Robuchon », gâteau au chocolat), je bois des bières à la table de la cuisine et on cause gentiment des derniers développements de l’actualité politique.

Les enfants se reposent et nous rejoignent vers 20h.
G. s’étonne de manger si tôt.
C’est de ma faute, je pense et je dis.
Et comme je suis arrivé tôt, je repars tôt. 
J’absorbe encore un épisode de la série, mais le réseau de la chambre 102 ne peut donner que ce qu’il peut.
Et il peut peu.
Ainsi, lorsque la roue de patience se met à tourner un petit peu trop souvent, je décide que ça va bien comme ça et que cette journée a trop duré.
Je mets France Culture sur le téléphone et je parviens à m’endormir avant les fatidiques soixante minutes.
Ce matin, réveil à six heures. Je me rendors. 
A sept heures, je mets la radio.
A huit heures, je prends ma douche.
A huit heures vingt, je prends le petit déjeuner.
A huit heures trente, je me brosse les dents.
A huit heures quarante cinq, je monte sur un vélo de la ville de Dunkerque.

La réalité du vendredi est à peine plus drôle que la réalité du jeudi mais elle débouche sur autre chose, espère-t-on.
L’école est toujours aussi déserte.
Pas grave, j’ai du travail.
J’espère que tous ces étudiants inscrits et qui ne viennent pas font quelque-chose de plus intéressant de leur temps à la place.
Mais j’en doute.
Je suis pessimiste.
C’est passager.
Tout s’en va.
Heureusement.

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