ÉPUISEMENT

C’est imprévisible, la forme. On ne sait jamais quand on va être épuisé.

Par exemple, ce matin, je m’étais réveillé plutôt très en forme, mais, alors que je roulais vers Nantes, j’avais commencé à sentir mes paupières si lourdes…

J’avais eu envie de m’arrêter pour dormir un quart d’heure mais je me suis dit que c’était une mauvaise idée.
Et c’était une mauvaise idée.
C’est pour cela que je ne m’étais pas arrêté.
Mais j’y avais pensé.
J’avais pensé: et si je m’arrêtais, là, un peu ? Je n’avais fait qu’effleurer cette pensée.

A la place, j’ai coupé la radio et réécouté le premier album de Arlo Parks, qui est plutôt meilleur que le deuxième.
Et je me suis dit, tiens c’est curieux, elle reprend une rythmique ou une structure mélodique d’un vieux morceau de pop des années 80 et elle en fait un truc a elle très poétique, désespéré et tendre.
Par exemple Cherish de Kool and the Gang ou Sledgehammer de Peter Gabriel.
Des trucs absolument inaudibles aujourd’hui (et déjà à l’époque).

Mais elle en fait quelque chose de formidable.
Enfin, pas forcément formidable mais, en tout cas, quelque chose de respectable, qui lui appartient.
Et je me suis dit que ce serait un bon objet de recherche, cette reprise, ce transfert d’une forme musicale dans une autre.
Remonter de Kool and the Gang à leur source.
Écouter vraiment Cherish, écouter vraiment Peter Gabriel.
Même si c’est douloureux. Pour comprendre d’où ça vient et d’où vient ce dont cela vient.

Et puis, il y avait de la joie dans l’air.
Un je ne sais quoi.
On a fait du son avec Ning Ning et ça nous a mené à 12h30 et c’était drôle.
Elle frottait une toile avec tout un tas de trucs et de machins et ensuite on faisait passer ces sons dans des moulinettes digitales pour former un continuum sans cesse changeant.
Il y avait aussi de la joie dans l’air sur le parvis.
Soojung était là avec son sandwich et je faisais mon coach post-académique.
Et puis après c’était Simonetta et son Rodrigo et pareil, coach, coach dans la rue.

Comme toujours, les prénoms ont été changés.
Et d’ailleurs Paolo Sempé m’a fait remarquer que, bien que je ne mette pas les vrais prénoms et que, généralement, je ne poste pas de photos (en tout cas pas depuis un bon bout de temps) j’ai tout de même posté il y a quelques jours une photo sur laquelle apparaissent très nettement deux étudiantes et je dois dire ici et maintenant que, si d’aventure elles se sentaient offensées, qu’elles n’hésitent pas à me le dire et je remplacerais illico ladite photo par une autre image (ou par pas d’image du tout ou par une mention légale, comme dans la presse à scandale).
Moi j’aime bien cette photo avec ces sauces suspendues et leurs silhouettes sur ce fond blanc. Et le mouvement.

Bon, sinon je me suis un peu laissé aller à acheter une plaquette de chocolat (noir) aux noisettes et ça, ce n’était pas au programme.

Et puis, aussi, encore, il y avait de la joie dans le studio cet après midi.
J’ai apprécié chaque moment, chaque échange, chaque séquence.
Mais, vers 19h45, soudain, je me suis senti épuisé. Épuisé, noyé, enfoncé, dépassé, enterré, enseveli.
Et j’ai fini le chocolat.
Je ne suis pas fier.
J’ai regardé la fin du film commencé hier, avec les milliardaires fous de la fin du Monde.
Et j’ai appelé Lady Pénélope au sujet de Noël.

Mon père me confirme que le foie gras, je ne saurai pas faire, que c’est une question d’expérience, que c’est intransmissible et je suis content qu’il propose de s’en occuper.

De l’eau, de l’eau. Ça ira mieux demain. Demain, la forme, me dis-je.