Metroland

On ferait mieux de faire nos rendez-vous dans l’herbe.
A 15h45, je fausse compagnie à mes camarades de jury P.S. et N.S. (mêmes initiales mais patronymes différents) pour attraper le train de 16h30, passer en coup de vent me changer, tirer le CV et la lettre de Y. et repartir au Jeu de Paume voir un des (mauvais) films chinois programmé par J-M.F.
J’ai oublié le nom du metteur en scène, mais comme c’est mauvais et que de toute évidence ce sera bien son meilleur film (parce qu’il est tout de même fragile, en DV, que les méchants ne sont pas crédibles, qu’il y a des bonheurs de maladresse, cette porte qui ne ferme pas). Un film qui illustre un scénario efficace, fondé sur une bonne idée (un homme sans qualité trouve un uniforme de flic et tombe amoureux d’une fausse pute/loueuse de cassettes vidéo). Y. non plus n’aime pas ça et évite d’en parler, lorsque J-M.F. s’approche: « Je ne sais pas… Le projecteur est vraiment très mauvais. Et le son, surtout… On entend rien dans cette salle. » C’est à croire que tout est affaire de conditions de projection.

Moi, je suis toujours très mal-à-l’aise quand on cherche à me présenter des gens. J’ai l’impression de devenir un affreux parasite. Mais D.H. me présente à une femme, qui me présente à un homme, qui enseigne et s’occupe de cinéma en Chine. Je bredouille deux ou trois choses à propos de Polyeucte et de mon voyage à Pékin et je prends ses coordonnées mais je déteste rencontrer les gens de cette manière. J’espère que nous aurons le temps de prendre un café avant son départ prochain. D.P. fait comme d’habitude mine de ne pas me voir lorsqu’Y. me le présente. Ca doit faire la trentième fois qu’on me le présente et à chaque fois je dis quelque chose comme: » Oui, on s’est déjà rencontrés mais on ne se connaît pas… ». Je pense qu’il y a un truc chimique qui ne passe pas mais il paraît qu’en fait il est embarassé à l’idée de saluer quelqu’un qui n’est pas célèbre. Donc il me voit bien comme un parasite potentiel. Je plains ce pauvre homme et moi je suis content de me tirer enfin pour aller avec Y. manger un morceau à l’Indochine. Ce n’est pas la forme alors je rentre au Pré lire Proust.

Levé 7 heures, avec les oiseaux.
Rendez-vous 11h15 à la CASDEN qui me propose un crédit immobilier beaucoup plus intéressant que celui de ma banque. Encore pas mal de démarches à faire.
Puis je vais prendre un café avec C. à la gare Montparnasse. Son train part à 14h. Je reste jusqu’à 13h30 et U. prend le relai. Je note tout un tas de références de livres, films et groupes que me donne C. et elle fait de même avec ceux que je lui donne. Ensuite je vais au bureau.

Dans le métro, une scène de film entre un jeune soldat et une jeune fille.
Ils ont 19 ou 20 ans tous les deux. Ils sont beaux. Ils viennent de se rencontrer, là, dans cette rame. Lui, part demain en Afghanistan. Elle, s’installe avec son copain dans un appartement.
-« Vous êtes ensemble depuis longtemps ? », demande-t-il
-« Six mois », elle répond
-« Six mois, ça fait pas longtemps… »
-« Non, non, c’est tout récent… »
-« Et tu n’as pas peur que…? »
-« Oh, si…je sais que c’est risqué. Et toi ? Tu n’as pas peur ? »
-« C’est vrai que la situation est tendue. »
-« Je pourrais venir faire l’infirmière ? »
-« Je te le déconseille. C’est pas facile pour les femmes là-bas. »
-« … »
-« Enfin, il y a pire… La côte d’Ivoire par exemple »
Je me tiens entre les deux, à trente centimètres de leurs visages, juste au centre.
Ils ne me voient pas.
Châtelet les halles.
-« C’est ma station », dit-elle.
-« Tu vas porter cette valise jusqu’à Gare de Lyon ? »
-« Eh oui… »
-« C’est lourd. Tu veux que je t’accompagne ? »
Elle réfléchit une ou deux secondes. Les portes s’ouvrent.
-« Non, non. Merci. »
Elle sort
-« Comment tu t’appelles ? »
-« Sandra et toi ? »
Les portes se referment. Le métro démarre. Il se rassied.
Il n’a pas pris son numéro de téléphone. Sandra comment ? Sandra qui ? Sandra où ?
Je sors à la suivante.
J’avais eu envie de lui murmurer à l’oreille: »si, si vas-y, accompagne-la ».
Mais il ne faut pas fourrer son nez partout.

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