
Les étudiants ne s’y étaient pas trompés: les vacances avaient commencé une semaine plus tôt. Ils avaient su ça. Ils n’étaient pas venus. Pas fous.
Nous ne sommes qu’une poignée de maniaques à nous être déplacés pour faire cours à des salles vides.
Plaisir d’interpeler des étudiants retardataires et hébétés.
J’ai dû annuler le premier cours du séminaire « Acoustique des océans ». Il n’y avait que trois étudiants dans la salle. C’était abusé.
A la place, nous avons regardé A traveller’s needs de Hong Sangsoo. Mais, étant donné que les dialogues sont en anglais avec des sous-titres coréens, deux étudiants chinois se sont vite levés et sont partis après s’être humblement incliné en marmonnant: « Peut-être une prochaine fois, professeur… »
Nous sommes restés à deux, dans l’amphithéâtre vide et glacé. A regarder le film en nous pelant les miches. En nous gelant les pieds. Son nom de Séoul dans l’amphithéâtre désert. On était contents quand même, à la fin. Ça reste agréable, Hong Sangsoo, même avec les pieds gelés.
Et puis, et puis, puisque je ne peux plus rien manger passé quatorze heures, je suis allé me réchauffer au studio son et bien m’en a pris. Deux étudiants étaient en train de s’arracher les cheveux, incapable de comprendre comment parvenir à entendre un son ou à enregistrer quoi que ce soit. Normal, quelqu’un a tout débranché et rebranché n’importe comment. Je remets en état. Les remets en place. Il y a du son. Ça enregistre. Des hurlements. Ils sont contents. Moi aussi.