PRIVÉ DE DÉSERT

Plus d’ordinateur.
Il est l’otage de l’exposition Poolball, à l’Atelier Culture La Piscine à Dunkerque pour une semaine.
J’utilise l’iMac qui est installé dans la chambre de C.
Elle lit par-dessus mon épaule et ça me gêne.
Elle rigole et me demande pourquoi ça me gêne.
Je ne lui répond pas puisqu’elle lit ce que j’écris.
Mais du coup, je ne peux pas écrire ce que je veux.
Ca m’énerve.
Je crois que je vais aller faire des courses.
Ca me détendra.
Oui, c’est ça, je vais aller faire des courses.
Donc, nous sommes allé faire des courses. Nous avons acheté du fromage blanc, des yaourts, de la viande, des brocolis, des poires, des jus de fruits, du pain complet, de la salade, des bonbons.
J’étais à Dunkerque toute la semaine, ou presque (de mardi à vendredi) avec un passage à Lille fortement arrosé jeudi soir, pour voir H. On était contents de se retrouver et nous nous sommes un peu sentis obligé de goûter à tous les sakés, puis au soju, puis aux whiskies. Et H. m’a aussi fait goûter de tous ses délicieux légumes fermentés et de ses pâtes de cacao ou de sésame.
Et puis ç’avait un peu été une bouteille de vin tous les soirs à Dunkerque donc aujourd’hui détox. 
Aujourd’hui, gym et protéines.
Même punition demain matin et il n’y paraîtra plus.

C’est agréable de ne pas avoir d’ordinateur. On expérimente une sensation de manque diffuse et légèrement grisante.
On frôle le danger. On est loin de ses fichiers. Loin de ses extensions.
On est libre, on flotte, on est léger.
On sortirait, pour un peu.

On irait au cinéma. On irait flâner.
S’il ne faisait pas moins douze.

Avec H., au réveil vendredi – réveil lent dans le soleil glacé – on se demande si finalement il existe bien encore une catégorie de l’activité humaine que l’on peut désigner comme étant « l’art », en tant qu’autonome et distincte de toute autre. Et nous trouvons que, selon toute apparence, non, cela n’existe pas actuellement, n’a pas lieu, pas droit de cité, pas d’existence avérée. Cela – qui relève de la croyance et d’une transcendance – n’est pas incarné actuellement. Et ainsi, ce qui procédait de cette croyance et de cette transcendance se diffuse ailleurs, autrement, sous d’autres formes. On pense par exemple à certaines formes d’expression libre comme les chaînes Youtube, etc.

Et aussi, on imagine un monde dans lequel les parents resteraient des parents d’élèves tout au long de la vie. Il suivraient leurs enfants à l’université, puis plus tard au bureau et une communauté de parents serait toujours agrégée à toute activité humaine. Dans cette configuration, tout conflit, tout problème – y compris le plus mince – pourrait faire l’objet d’un débat avec les parents. par exemple, votre patron vous convoquerait pour vous présenter son père et souhaiterait rencontrer vos parents parce qu’il a constaté un manque d’investissement de votre part dernièrement et trouve qu’il serait nécessaire d’échanger en toute franchise et avec distance sur la question.

Ou encore, parfois et même souvent, les grands-parents bénéficieraient de l’appui de leurs petits enfants, du fait de la similitude de leurs positions de vie respectives, prenant en sandwich les adultes dans leurs suggestions.

Cette civilisation imaginaire amène la conversation sur des thèmes confucéens et sur des considérations liées à l’historiographie chinoise classique.