RETOUR À PARIS

Les deux derniers jours sont occupés par la préparation de la restitution de fin de résidence.
Nous recevons un nouveau résident, L.G., qui fait des dessins avec d’incroyables détails microscopiques – que je suis trop bigleux pour distinguer à l’œil nu – et qui s’installe provisoirement dans le canapé du salon, jusqu’à notre départ ce matin.

Le calamar, là dans l’assiette, c’est au Rif Kebdani et c’est très bon mais j’ai hâte de retrouver une paix intestinale, de ne plus manger de pain ni rien à base de blé pendant quelques temps, de manger du riz, des légumes et des travers de porc.

L’arrivée de L. nous donne l’occasion de faire la rencontre de O. et I. qui s’occupent de plusieurs galeries d’art à Tanger. Nous les retrouvons à la salle Beckett samedi à 19h30 pour la restitution et la salle n’est pas tout à fait vide. Il y a une dizaine de personnes et pas mal de gens que nous ne connaissons pas. Cela donne un enjeu, une tension théâtrale à cette présentation. Il y a un beau moment lorsque H. dépose des épices dans un plat au bord de la scène et que je fais voler le drone au-dessus des épices pour que le vent provoqué par la rotation des hélices les propage vers le public, tandis que H. joue des nappes sonores harmonisées en Ré, qui est la fréquence fondamentale de la vibration des hélices du drone. 
Je perds presque les commandes du drone, dont les palpeurs paniquent devant le trou que constitue la salle devant la scène. Le drone a le vertige et j’ai du mal à ne pas l’envoyer dans l’écran.

Les images bleues, les fuseaux horaires et le texte sur la soupe touchent le public et nourrissent l’échange qui s’ensuit. On rentre dans la théorie musicale, les gammes, les modes, la monodies et la polyphonie, etc. La restitution et l’échange avec le public nous permettent de réévaluer tout d’un coup l’ensemble des projets menés, d’en concevoir de nouveaux. C’est une parenthèse qui se ferme, une étape que l’on dépasse et c’est un heureux moment, plein de promesses.

L’autre jour – jeudi je crois – un peu à plat, je regardais par la fenêtre de ma chambre le mur sans intérêt particulier qui me faisait face. Un mur blême percé d’une fenêtre banale. Et je me disais que chacun des gestes nécessaires à l’édification de ce mur, à la percée de cette fenêtre avaient coûté des efforts à des hommes et que j’étais là à faire la sieste et à ne produire, à cet instant, aucun effort. Et je pensais aux milliards de gestes semblables, aboutissant à l’édification de milliards de murs et de fenêtres, somptueux ou sordides, magnifiques ou ratés.
Quel vertige.

Et je ne parle pas des 39 années lumières qui nous séparent des fameuses sept exo-planètes découvertes par la NASA. 39 années de voyage à 360000 km/s qu’est-ce que ça représente de techniquement concevable à notre échelle ? 

Bref, je me dis qu’il faut poser sa brique. Si modeste soit-elle. Si fragile soit le mur. La fenêtre. Et je crois que, malgré tout, on a réussi a poser une première pierre et là, je suis content. 

Cette nuit, je rêve que je quitte une jeune femme qui m’impose d’accorder ma guitare d’une manière qui me contraint, ne me convient pas et me met en colère. Et puis elle a fait un trou à mon pull au milieu de la poitrine. Ca ne la dérange d’ailleurs pas trop que je m’en aille. Il me semble qu’elle n’attend que ça. C’est qu’il est temps de partir, en effet.
Mais pour revenir, sans doute.
Pour revenir, certainement.

Quelques mails et puis au lit avec John Dewey.
Bonsoir Paris.

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