C’ÉTAIT LA SCÈNE DU VENT

Je m’étais endormi d’un coup. 
Pas même entendu la mise en veille des émissions de la nuit.
Et pas le moindre souvenir.
Trop de whisky japonais.
Trop de Chardonnay.

L’on s’était mis la tête en vrac, me disais-je.
Et hop, un doliprane® vers quatre heures du mat. 
Ni vu ni connu.
Des nouvelles du Myanmar, avais-je remarqué.
Mais cela attendrait cinq ou six heures du matin.

Je retombais dans une somnolence.
J’avais décidé de n’y plus penser.
De ne rien prévoir.
Ou plutôt de prévoir rien.
Rien plutôt que cet obscur objet du désir.
Rien plutôt que la femme et le pantin.

De la musique et rien.
Des promenades et rien.
Rien, enfin.
Rien, soudain.

Et si quelque chose devait survenir, j’aurais au moins eu la satisfaction de ne m’attendre à rien.
Ne rien prévoir.
Ne rien attendre.
De bon, ni de mauvais.

Du brouillard sur la ville, ce matin.
Et une étrange douceur.
Et la lenteur du son dans l’air frais humide.
Et la vitesse du son.
L’attente du bus.

La retraite de l’empereur.
Les quatre cent cinquante mille hommes de la grande armée.
Berezina.

Dunkerque bientôt.
Le sommeil, le coussin. Je suis bien.
Je pense qu’il faut que je me déprenne de tout projet.
J’arrive à ce point de tranquillité.

Il fait doux.
Je glisse dans les rues roses.

Il y a les étudiants de première année.
On commence.
Je les saoule d’informations, mais comment faire autrement ?
On installe.
On lance.

Puis Y., le mémoire.
Déjeuner avec J-B. et S.
Japonais.
Bon enfant.
Joyeux.
Soleil.

Puis le mémoire, encore.
Puis P. 
Visite à la radio.
Puis dehors, la ville, on dirait d’une guinguette.

On s’attend à un p’tit vin blanc.
Puis c’est une bière.
Une carbonade.
Et Y. encore et là, la trouvaille: 风景。

ON CRÉE EN S’CRET (SANS CE CRI)

Les américains ne savent plus quoi raconter, me disais-je.
Ils bégayent, me disais-je. Ils radotent.

Ils n’ont plus rien à dire, me disais-je encore, soupirant d’ennui, avant de me lever au bout d’une mi-temps, environ, du dernier Star Wars.

Je suis injuste, me disais-je, Disney ce n’est pas les américains.
Mais tout de même, me disais-je.
A ce point, me disais-je.
Au point que ce n’était pas regardable, me disais-je.

P.G. y était aussi, presque en même temps.
On s’était envoyé des SMS:

– Je ne comprends pas un truc: qu’est-ce que fait Michael Lonsdale, sur cette île ?
– C’était le risque en confiant la mise en scène à Marguerite Duras.
– Star Wars ma douleur.
– Sans dec, même Le Camion, à côté, ça pulse.

Rien que d’y penser, je me ressers un whisky, me dis-je.
Rien que d’y penser, je grignote des chips au vinaigre, pensais-je.

Et avant, j’étais allé au studio pour remplir des papiers, réunir des documents.
D. avait appelé pour que je lui prépare ses factures.

C’était la journée paperasse, m’étais-je dit.

C’était le jour pour régler ce qui devait l’être, avais-je pensé, m’étais-je dit, me disais-je.
Puis G., qui devait passer rapidement à Ménilmontant.

On se retrouve au Biarritz. D’après l’échange téléphonique dans le métro, on devait se louper et puis non. Finalement non.

G. a son casque sur la tête. On dirait un extra-terrestre.
D. est en manches de chemise.
On prend des bavettes.

On s’organise.
D. part en Roumanie ce soir.
Il va monter les portes.
Je vais chercher les filles.
On va boire des jus de fruit frais, on mange des cookies et puis je les dépose au Conservatoire.

Et puis Star Wars, donc.
Quarante cinq minutes, donc.

Et puis dehors, la pluie.
Le cabinet d’avocats. Je dépose mes courriers.

Et puis métro.
Berezina.
Gallieni.

Et puis bus. Bondé.
Et puis thé.
Et puis montage, jusqu’à vingt trois heures.

Et puis Jean Ferrat. 
Et puis la lune.
Et puis G. au téléphone, toujours à Ménilmontant.

On se retrouve demain, demain à Montreuil.

Un bain, un dîner.
Jean Nouvel. Master class.

Il pleut tout le temps. 
Comme il fait nuit quatre vingt pour cent du temps on ne voit pas les flaques et plouf les pieds glacés.

SOUS LE CIEL OÙ RIEN NE LUIT

Il neige sur Dunkerque. Il a neigé sur Dunkerque. Une neige fondue tombe encore sur Dunkerque.

Pendant que calfeutrés, claquemurés, coiffés de bonnets, autour d’un centre vide, les étudiants de deuxième année grattent autour de moi un texte, au sujet de la première séquence du film Tous les autres s’appellent Ali, de R.W. Fassbinder, que nous avons d’abord regardé dans son intégralité, avant d’en projeter trois fois de suite la première séquence, qui commence avec l’entrée d’Emmi dans le bar et s’achève sur le profil de la tenancière après qu’Ali et elle sont partis.

D’abord je me dis qu’on va pouvoir échanger, parler, discuter, qu’on n’est pas à l’école, pas au lycée. Mais au fond, non, l’écriture c’est un truc solitaire. Ça ne moufte pas. C’est concentré. Ca chauffe sous les crânes.

Alors je lis mes mails, je lis le Monde, je lis ce que je trouve, ce que j’ai dans les poches.
Je vais à la fenêtre, je fais le concierge, je renseigne la cantonade sur le temps qu’il fait dehors. Et puis, je me dis que le plus simple – le plus cohérent – est de mettre moi-même à écrire.
Écrivons, me dis-je, c’est le moment.
C’est amusant, constaté-je, je suis le seul à tapoter sur un clavier alors que tout le monde écrit à la main sur des feuilles de papier.

Du coup, je fais beaucoup de bruit, me dis-je.
Je me fais l’effet de qui fait beaucoup de bruit. Ce bruit est-il de nature à porter ou à inhiber?
Mystère, me dis-je. Je n’irai pas jusqu’à poser la question, me dis-je.
On trouverait cela déplacé et l’on aurait raison me dis-je.

Si je me prête à l’exercice, je le fais de mémoire. Mais je ne vais pas le faire ici, intégralement, ce serait fastidieux. Simplement, noter les faits saillants, au bout de trois visions: d’abord, les images, ici deux paysages de côtes méditerranéenne et deux scènes bucoliques, dont une avec un satyre et une grosse femme nue qui est une mise en scène photographique, l’autre une scène pastorale avec des bergers qui jouent d’un instrument à vent: l’on se dit, le Maroc et l’Allemagne. Mais l’Allemagne qui a vu la Grèce. La Grèce qui a vu le Maroc. L’Allemagne méditerranéenne elle-aussi, finalement. De l’intérieur des terres. 
Deux territoires qui s’observent. 

Le bar qui tient lieu de Paradis, d’avant-scène, de coulisse, de passage des artistes, de régie générale.

Le petit doigt d’Emmi mi-levé au-dessus de l’épaule d’Ali lorsqu’ils dansent dans la lumière rouge.

L’ambivalence absolue de la jeune femme brune (encore une qui n’a pas de nom, personne d’autre qu’Ali et Emmi n’a de nom dans ce bar): c’est elle qui jette Ali dans les bras d’Emmi, lui ordonnant – quasiment – d’aller danser avec elle (d’ailleurs il salue comme un soldat et la musique est martiale); c’est elle qui met le disque. Ce sont ses réorientations de regards qui commandent et provoquent la mise en lien des deux espaces, des deux mondes, de la mer et de la terre et cependant c’est elle qui regarde cette union avec horreur et, plus tard, crachera par terre. 

Alors, doit-on penser, que puisque Ali a décliné d’un « queue fichue » l’invitation de la jeune femme, il y aurait derrière son entremise paradoxale l’idée d’une méchante farce ? De refiler une chtouille à la vieille ? Hum… Ce ne serait pas sympa, me dis-je. Mais peut-être n’est-elle pas sympa, me dis-je.

Il y a aussi ce goulot de bouteille en amorce du premier plan rapproché contre-plongeant sur Emmi, qui ressemble à l’ombre de la tête d’un spectateur dans la salle. Il y a tous ces objets en amorce, toujours. Ces fenêtres dans la fenêtres. Et puis les escaliers (mais pas encore, pas tout de suite, juste après).

Leurs pas en revenant s’asseoir. Lui à grands pas lents, elle à petits pas rapides. Cela produit un rythme syncopé. On entend les pas bruire et les verres tinter. Et c’est tout. Pas l’aube d’une ambiance bar. Alors que plus tard, flipper, baby-foot.
Mais là, non. Là, silence. Regards fixes. Postures hiératiques. Poses.
Et puis elle tourne maintenant le dos. 
L’axe a changé.
La solitude n’est plus du même côté. Il y avait deux solitudes, l’une individuelle et l’autre collective et il y a maintenant un couple et une collectivité médusée, contemplative, spectatorielle. 

Cette façon de n’être plus là, de baisser les yeux alors que l’on devrait garder la face. C’est pas possible, se dit-on. Non, c’est du théâtre.

Comme on dit, il reste dix minutes.

Sinon, je m’étais dit que je pourrais utiliser ce blog comme un journal comptable.
Y laisser mes factures et le récit des dépenses.
Ou en faire un spécialement pour ça.
Oui, peut-être plutôt en faire un spécialement.

Tout le monde rend sa copie, je serai bientôt le seul à écrire encore.
Encore.

AIRDROP

Sans doute est-ce le début de la fin de quelque-chose mais je ne ressens pas le besoin de savoir pourquoi, tout à coup, la bibliothèque photo de mon téléphone ne se synchronise plus avec celle de mon ordinateur portable, me disais-je. Ce n’est plus de saison, me disais-je. Ce n’est plus un problème pour moi, comme aurait dit l’autre, me dis-je. Donc, n’y pensons pas même, me dis-je. Pouic, me dis-je.

Et c’était une journée assez bien remplie, me dis-je encore. Remplie quoiqu’équilibrée, me dis-je.
Et lorsque j’en aurai assez de me dire me dis-je, me dis-je, je dirai me disais-je, me dis-je.

Donc tout avait commencé par un homme trop las pour poursuivre sa route.
Tout avait commencé par un motel abandonné sur une route écartée, alors que je cherchais un raccourci que jamais je ne trouvai. Tout avait commencé par un métro trop bondé pour y croire et pourtant il fallait y croire car c’était ainsi. Tout avait commencé par l’évidence d’une gueule de bois à six heures du matin et par l’absorption de mille milligrammes de paracétamol. Tout avait commencé par un certain découragement qui devait cependant très vite céder face à quelques centilitres de café, quarante grammes de morbier, et deux tartines de pain complet grillées beurrées.

Ajoutez à cela qu’il pleuvait.
Et, en marchant hier, je m’étais fait cette réflexion très profonde que décidément il faisait froid.
Et encore aujourd’hui cette pensée me tourmentait, mais moins.
Il faisait moins froid, me disais-je.
Il faisait moins que froid, me dis-je.
C’était humide et quand c’est humide, c’est moins froid.

La lumière était jaune, me souviens-je.
Il y avait du jaune dans du gris, me précisai-je.
Je croisais le gardien, comme chaque matin, ou presque, et comme chaque matin nous nous saluâmes en silence.
Pas tout à fait en silence.
En maugréant quelque chose dans nos barbes.
Il n’a pas de barbe, mais c’est une expression.
D’ailleurs, à propos de barbe, me disais-je, ne serait-il pas temps de me raser ?
De tout raser ?
Cheveux, barbe, tout ?
Hum…

Donc, métro bondé, mais je saute sur une place libre et parviens à la tenir jusqu’à Nation.
Là, vient un moment où il devient nécessaire de relever son strapontin et d’affronter la violence olfactive.
La longue et pénétrante violence olfactive. Et visuelle, me disais-je.
Pour ne pas dire tactile, me disais-je.

On affronte et puis, vers neuf heures, l’on sort à Saint Philippe du Roule pour rouler vers notre premier chantier. D. arrive peu après. Il faut décharger des plaques d’aggloméré et j’en perds mes lunettes et j’en laisse glisser les plaques dans le caniveau.
Sans heurts, par bonheur.
Café, recherche d’une place.
Longue matinée de tergiversation, d’inversion du plan.
La porte change de mur.
La baie vitrée glisse.
Chaises musicales.
Y. inscrit ses gaines dans les réserves.
Et puis arrive P.C.
Il valide. C’est l’extase. Pour moi la vie va commencer.

Et c’est l’heure d’aller déjeuner avec G. à Ménilmontant.
Il y avait des œufs pochés, des lardons, du cabillaud, des haricots verts, des cafés gourmands, du vin rouge et du calvados.
On en sortait réchauffés, direction l’étude de notre huissier préféré.

Puis, en allant chercher C. à l’école, l’on croisait Y-N.G. chez Bio c’est Bon, parce que c’est bon, quand c’est bio, non ? L’on se promettait d’essayer d’aller suivre son séminaire, son cours, son atelier, sa bonne parole. Promettre d’essayer ce n’est rien promettre, me disais-je.

Rendez-vous pris avec C. chez F.J. pour demain onze heures.
Avant cela nous aurons retrouvé J. et G. sur le chantier pour la valse des prises et des interrupteurs. Puis, de la rue de Douai, nous irons à Bercy déjeuner avec D. avant de rejoindre O. pour une étude de maçonnerie et une ébauche de devis.

Vers 18h30 il sera temps de se rendre rue de Charonne pour une étude acoustique et compagnie de K.

Et ensuite, nous verrons de quoi la nuit sera faite.

Pour l’heure, Sylvain Tesson, Berezina.

QUAND BIEN MÊME

Peut-être que je me trompe.
Je peux me tromper.
Mais je ne voudrais pas me tromper.
Pas trop me tromper.

Après le débat, nous sommes allé dîner. 
Et c’était deux contre un. Ce n’est jamais facile.
Ce n’est pas grave.

Avant, ce matin, chantier. 
J. doit passer ses câbles.
Il est adorable, courtois, précis, élégant.
Je reste jusqu’à onze heures.
Conversation rapide avec J.

De retour au studio.
A. est là. En plein dance floor.
On crée un template de session vidéo.
La carte AJA est arrivée.
On installe.

Déjeuner coréen.
De retour, montage d’anniversaire pour D.
French cancan.
Je ne dis que ça.

Trois cents photos.
Une vie.
Des larmes.
TF1.

Ensuite, ça chauffe.
J’étalonne.
Il est bientôt dix sept heures trente.
L’heure d’y aller.
C. veut en être. Mais c’est un débat.
Soupe mexicaine.
P. m’y rejoint.
R. nous introduit.

C’est comme à la radio.
Mais en vie.
Et puis on va à la Fresque.

Quelques bouteilles plus tard, se coucher.
Triste et gai.
Amoureux d’une inconnue dans le métro.

Le calva, sans doute.

J’Y VAIS

Oh, mon dieu, que n’ai-je écrit ?
Que n’ai-je pas écrit ?
Vingt jours et plus déjà. Déjà plus de vingt jours et rien ici.
Rien ici, rien ici.
Oh mon dieu.

Il a fallu casser un lit.
Briser son épine dorsale.
Détruire un sommier à lattes.
Et vite, vite, une voiture, IKEA, IKEA.
Drivy, hier. Drivy, aujourd’hui.

Je ne vis plus.
J’ouvre des portes, je me couche, je vois des images.
Il fait jour, il fait nuit.
Je bois un gin tonic.
Du cheddar au piment, de la viande des grisons, des crackers au son d’avoine.
Un autre gin tonic.
Tout seul, toujours.

Sauf quand la petite fille vient regarder des dessins animés et peupler le silence de rires et de cris, de masques et de super-héros, de bains moussants et de cordons bleus.
Tout seul sinon.
J’ouvre la porte, je me couche, je ferme la porte.
Je ne sais plus si c’est moi.
Je ne sais plus que c’est moi.
Je démissionne.
Je m’en vais.
J’y vais.

Je voudrais être loin, ailleurs.
J’y vais.
Oh mon dieu, j’y vais.
Tout seul, pour l’instant.
Tout seul, je ne pourrai pas longtemps.
Il va me falloir de la compagnie. 
Une compagne.
Une compagnie.
Sinon, c’est bon.
Sinon hop.
Sinon plouf.
Sinon rien.

Un gin tonic, des glaçons.
La radio de loin en loin.
J’y vais.
Il est l’heure. J’ai rendez-vous.
Le travail n’attend pas.
Le travail me tient debout.
Ca tient.
Ca vous tient.
Ca vous retient.
Sinon plouf.
Sinon hop.
Sinon rien.
J’y vais.

ÉPUISEMENT

Je m’étais réveillé en pleine nuit, me sentant partir. 
Me sentant mourir.
Me sentant glisser.
Me sentant mal.
Me sentant à peine.
Ne me sentant guère.

J’allais et venais de la chambre à la salle de bain, buvant des litres d’eau, reprenant force, courage, consistance, conscience, confiance.

Et puis j’avais remis la radio.
Et je m’étais rendormi.

Il y avait quelque chose d’important et j’avais oublié ce que c’était.
Je ne m’en souviendrai plus avant qu’il ne soit trop tard, m’étais-je dit.
Et je n’étais pas sûr de me réveiller.

Je sentais une douleur diffuse dans mes entrailles.
Comme un spectre.
Comme un bol alimentaire spectral.

Ce qui compte, me dis-je, pensais-je, ce sont les espaces. 
Le retour du charriot.
Sauter une ligne.

J’en avais assez d’avance des humains.
Je n’avais plus la force, plus le courage, d’aller les chercher.
Ce serait comme ça vient, me dis-je.
Ce serait par hasard, me dis-je encore.
Ce ne serait pas de mon fait, ajoutais-je.
Peut-être que je resterais comme ça tout seul ? Et c’est très bien, me dis-je.
Rien de plus chiant qu’un autre, me dis-je.
Insupportable, un autre, me dis-je.
Mais c’était triste, quand même.
Alors, heureusement, il y avait la radio.

C’est peut-être comme cela quand c’est fini, m’étais-je dit, avais-je pensé.
Et puis je m’étais retourné sur le côté.

J’avais sans doute adopté une mauvaise position, m’étais-je dit, avais-je pensé.
Et je me rendormais. 
Et je me réveillais.

C’était un autre jour.
J’étais épuisé, dès l’éveil.

Radio, encore.
Les nouvelles, comme une boucle.
Variations minimes.
Puigdemont, affaire Merah.

Épuisé, me dis-je, c’est cela.

Nous avions rendez-vous à 10h rue de Penthièvre.
Je me préparais tant bien que mal.
A neuf heure dix, je marchais dans la rue.
Épuisé.

Dans le métro, épuisé.
Arrivé sur place.
En nage.

Le rendez-vous. Prises de mesures.
Je dois avoir de la fièvre, m’étais-je dit, avais-je pensé.

Mais ça se passe bien. On repère. Tout le monde est là. C’est organisé, professionnel.
C’est enthousiasmant.
Ca emporte le morceau.
Ca sauve la journée.
Ca redonne le sourire.
Ca reconstitue.

Ensuite, on va boire des cafés. On fait le point, on dresse des plans, on évoque les sujets, on ébauche le devis.

C’est bien. On travaille bien.

On mange.
Ca va mieux.

Un pichet de vin rouge.
Ca va mieux.

Puis le métro. L’étude rue Saint-Martin. Dépôt de courrier.
Travaillé sur les plans au café.

L’épuisement revient.
Mais c’est juste un besoin de repos.
Un bon bain et au lit.

Je croise S., qui est allée chercher M. et J. aux ateliers de vacances.
Passage à la pharmacie.
Je me soigne.
Je rentre.

Un bain. Au lit.
Repos.

Ca ira mieux demain.
Ca va déjà mieux, me dis-je.
Il est encore tôt, me dis-je.

PLUS PERSONNE JAMAIS

« Personne ne lit ton blog », avais-je lu, me dis-je, pensais-je.
Et c’était une raison suffisante pour continuer à écrire, me disais-je.
Pour reprendre, plutôt, pensais-je.

Il fallait donc reprendre.
Je reprends.

En commençant par synchroniser le téléphone avec le nouvel ordinateur portable, puisque l’ancien a été volé.
C’est dommage: il faut effacer et remplir de nouveau.
Le téléphone ne peut pas faire profiter l’ordinateur de ses fichiers.
C’est dans l’autre sens, toujours.

J’ai envie d’un verre de vodka et j’ai mal au dos.
Mais ce n’est pas une mauvaise journée.
Ce n’était pas une mauvaise journée.

Je m’étais levé de bonne heure; j’avais pas mal traîné.
Je m’étais fait cuire un œuf, sur un lit de tranches de poitrine fumée retournées délicatement à l’aide d’une paire de baguettes de bois afin qu’elles soient grillées, croustillantes tout en évitant qu’elles n’adhèrent au revêtement de la poêle, le tout saupoudré de piment d’Espelette, de fleur de sel et de poivre. 

J’avais pris mon café en écoutant la radio.
Ensuite, j’étais allé courir. Il faisait frais. Des voisins transportaient un grand lit de fer dans l’escalier. 

J’avais fait un tour de parc. Il n’y avait pas de siège sous l’arbre ce matin. No totem today.
Puis j’étais rentré faire des exercices: dorsaux, abdos, gainage.
Puis une douche et j’étais sorti faire des courses.

Au Monoprix, je tombe sur N. et M.
On parle production et sel de nitrite.
J’avale des sushis saumon avocat concombre oignons frits sauce samouraï et soja sucré.

Puis je passe par le studio. A. est là.
J’y dépose une rame de papier avant de rentrer pour ranger les courses et me préparer un café.

Après midi studieux au studio.
Offsets sur « Pasteur ». Mixage.
Coups de fil à des productions, mails, prises de contact.
B., qui était venu la semaine dernière, me contacte pour un enregistrement de voix la semaine prochaine.

Un mail m’annonce que F. a finalement fait son deuxième virement. Je n’y croyais plus.
Plus que 2300 € d’impayés. C’est la fête.

Demain matin, reprise des cotes chez O. pour faire un plan ad hoc, puis déjeuner avec G. et installation ordi chez R.

Jeudi matin, visite d’appartement à 10h pour construction d’une salle, puis visite d’un local vendredi pour un studio son et encore une visite dimanche.
Une semaine de vacances bien remplie.

Ce soir, j’ai réécouté de vieux morceaux, de vielles maquettes et travaillé des gammes à la guitare. 

Voilà.

MOINS SOUVENT

Une entrée tous les quinze jours, on ne peut pas décemment appeler cela de la régularité.
Il convient de reprendre de bonnes habitudes.
Et pour cela, de diviser le temps en tranches équitables.
De dégager des marges de sérénité. 
De ne pas se laisser envahir par une inquiétude larvée.
Lever les yeux du carnet de commandes.
Respirer l’air frais du large.
La brise tranquille.
Contempler.
Se laisser être parfois.
Enregistrer des sensations, des mouvements de pensée.

Cette semaine, C. est à la maison de mercredi à dimanche.
J’en profite pour rapatrier le canapé-lit du studio, faire l’acquisition d’une couette et ouvrir les cartons préparés par Y., à la recherche de linge de maison et d’objets de première utilité.

Il faut que je fasse encore entrer quelques affaires avant de pouvoir m’offrir un vélo électrique. En attendant, j’ai loué une voiture pour trois jours.

Nous avons ainsi pu constater qu’aller de Montreuil à Paris en voiture le matin vers 8h n’était pas une très bonne idée. En revanche le retour fut d’une rapidité étonnante.
Le tout est d’aller dans le sens contraire de celui du flux majoritaire.

Avec A., on essaie des réglages de vocoder, on mange nos sandwiches sur le toit, on commande des sièges de bar supplémentaires. Maintenant, on peut se faire du café, grâce à la machine apportée par N. C’est une amélioration notable. Dès que j’ai récupéré des fonds, je ferai fabriquer des mugs à l’effigie du studio.

Passé à Lille lundi. Vu M., qui était grippée, et H. avec qui on se ballade et, une fois M. raccompagnée chez elle, on va engloutir un dîner somptueux chez « Amigo ». Tripes froides, soupes de Xi Hu, dorade façon Sichuan. Le tout arrosé d’une bouteille de Pinot noir puis on se grille une pipe de shit musical en faisant des essais acoustiques de frottements de guitares.

Mardi matin, la pré-rentrée à Dunkerque consiste, pour moi, en un discours de trois minutes, après quoi retour à Paris. Pas franchement utile, donc.

Semaine tranquille, après une première semaine dense en travail et événements.
Si c’est une semaine sur deux, c’est très bien.
Il faut que je profite des semaines tranquilles pour avancer sur les projets.
Mais c’était aussi une semaine C. et cela ne laisse pas autant de temps pour les projets.

F. a refait surface. Le travail de mastering reprend et se finalise.
J’apprends tous les jours.
Je vais gagner en productivité, c’est évident et cela me permettra d’aller plus loin dans les réglages de détail.

Mon devenir-artisan.

Pour l’instant, j’attends C., qui est au Conservatoire, dans un enchaînement solfège-chorale d’une durée hebdomadaire de deux heures trente. Je me suis assis dans un café-épicerie qui offre l’avantage de mettre à disposition un réseau wifi libre.

Alleluia.

C’EST LA LUTTE

Il y avait eu du brouillard samedi matin, avant la levée des nuages.
On était restés tranquillement à l’intérieur.
On avait regardé des films dans le studio.
Puis l’on était allé se promener, faire des courses.
Je ne sais plus. J’ai oublié.
Le temps long file bref.

C. était venue pour trois-quatre jours, retour de Saint-Malo.
Moi, bêtement, j’étais resté à attendre à côté d’un téléphone qui ne sonnait pas. Mais j’avais tout de même appris quelque chose. Appris à attendre pour commencer. Mais pas seulement. Des trucs. Des trucs et des machins. 
Lentement. Je m’étais dit j’aurais dû commencer plus tôt.
Mais il ne faut jamais rien regretter. Ca ne sert à rien et ça obère la bonne humeur nécessaire.

Et quand C. était arrivée ça m’avait fait du bien.
C’est agréable de s’occuper de C. et C. s’occupe bien de moi.
On s’occupe bien de nous, avec des riens qui sont tout.
C. fait même ma com’ auprès de la presse qui est venue m’interviewer lundi matin. Puis F. a débarqué de Guadeloupe avec des chansons à masteriser et les affaires reprennent.

Aujourd’hui c’est V. qui revient pour des retouches de mixage du film.

Il faut que je récupère les clefs de A. chez qui je m’installe dès demain.
Puis on prend la route avec C. et on va faire un saut à la campagne.
Retour samedi soir.
Il y a des cartons à trimballer.
En attendant je squatte chez P., qui s’occupe de ma santé depuis lundi.

Vu la banque et la banque me fait confiance.
C’est une bonne chose.
Là, à l’instant, j’attends, à la terrasse du nouveau Monoprix du Forum des Halles, l’ouverture de Darty pour faire l’acquisition d’une imprimante laser.

Il flotte dans l’air l’odeur écœurante et douceâtre des ordures que viennent d’emporter les véhicules de la voirie. Il fait soleil et frais.
J’ai bu un smoothie mangue et fruits de la passion, avec un expresso serré. 
Il va être l’heure.
Tout est en place.
Go.