Se lever tôt. Marcher du Pré Gervais au bureau.
Lumière d’été. Personne ou presque.
Au bureau non plus.
Aller voir un film avec Y. à Beaubourg.
Golden Eighties de Chantal Akerman (1986).
Film prémonitoire, bancal, ingrat. Charles Denner et Delphine Seyrig à pleurer.
Et à rire. Film désespéré. Balmer désarmant. Regards caméra par en-dessous,
comme un gras petit garçon. L’incroyable hideur de ces années 80.
Hideuses jusqu’à la grâce. Hideuses à outrance et jusqu’au vertige.
La silhouette coupée du jeune premier (Qui est-ce ? Se renseigner.) par un
pantalon à pinces au niveau du plexus. Le torse a l’air de mesurer 20 cm.
Chemise à carreaux verts et roses. Musique pas possible: mélange de Jacno
et de jazz d’ascenseur. Prémonitoire en ceci: on croyait le pire derrière nous
et il s’avère qu’il est, en fait, devant. Et aussi: il ne faut pas vivre l’amour, il
faut seulement y croire. Assez chrétien, en fait. Assez amour de loin.
Et ce dernier plan, dans la rue, le seul hors de cet étouffant studio (encore
plus triste que chez Demy et presque aussi incestueux), comme après une nuit
de cuite. Acteurs perdus dans la foule, les cheveux au vent. Acteurs qu’on ne
reverra plus (Denner, Seyrig).
-Mais quand est-ce qu’il est mort, Denner ? -me demande Y.
J’hésite et me souviens combien le silence autour de cette mort m’avait choqué.
Mais c’était quand, hein ? 1989 ? 1990 ?
Faux! C’était le 10 septembre 1995.
LUNDI 3 MAI
Rentrée à Tourcoing.
Il y a une sacrée taiseuse pour l’exercice de prise de parole de première année.
Dix minutes de silence un peu crispé, un peu ricanant, un peu grinçant, un peu
gêné, un peu sans-gêne. Le portable sonne. Très pouet-pouet et ça fait encore
ricanner mais je trouve qu’on ne profite pas vraiment du silence.
C’est pourtant rare un silence de 25 personnes. Un silence plateau de 10 minutes.
Dommage. Dommage.
-« Je suis comme ça », dit-elle.
Dommage.
MARDI 4 MAI
Y.S., dont le prénom signifie « douce et pure », va aider A.P. à traduire son film en coréen.
Pas fait grand-chose aujourd’hui.
Stage de verre. Stage de verre. Stage de verre.
Poupées de cire et actes sans portée.
Pas beaucoup de sens à cet après-midi.
Proust dans le train et passage chez le coiffeur.
Y. a un œdème, est malade comme un chien mais elle sort quand même.
Moi, soupe et mon copain Marcel.
Baisers.