
À cinq heures du matin, le réveil a sonné et rien ne m’avait préparé à cela.
Il fallait tout de suite être opérationnel, recoller les morceaux, avoir la bonne série de gestes.
À six heures la série de gestes n’était pas tout à fait exécutée.
À six heures cinq il aurait fallu être dehors, mais je n’y fus qu’à six heures neuf.
Il fallut courir.
Il fallut soupirer.
Mais l’on attrapa le train de 6h40 et l’on s’y reposa.
Tout cela pour se retrouver devant une classe vide avec un RT60 de quatre secondes.
À trois, on regarde Nuages Flottants de Mikio Naruse, ce qui nous mène à 11h40.
Evidemment, c’est une beauté, même avec une très mauvaise copie et dans des conditions de projection approximatives. Même avec deux étudiantes dont l’une regarde l’écran de son ordinateur portable et l’autre son téléphone.
De temps en temps, lorsqu’il y a une explosion dans le film, un regard furtif pour s’étonner, avant de revenir à l’inessentiel.
Tristesse et solitude.
Je remets en liberté mes deux étudiantes admirables de zèle.
J’écris des mails menaçants aux autres.
Bon, il y a cette étudiante qui est à Paris pour accueillir Xi Jinping, son dictateur chéri et je lui demande d’obtenir du président chinois une attestation de présence. Il y a tous ceux qui sont en stage, malades, en restitution de workshops, etc.
Tout le monde a une bonne raison de n’être pas là.
C’est rassurant.
Je programme un contrôle sur table de quatre heure pour la rentrée.
J’avance sur divers projets.
C’était bien la peine de se lever aux aurores, m’étais-je dit.
Pause poulet frit. Tarte au citron meringuée et café.
L’après-midi, c’est mieux et plus constructif.
J’aime écouter les étudiants de troisième année parler de leur travail pendant dix minutes sans interruptions et sans questions.
C’est disruptif et instructif.
Après, je suis allé m’acheter une cinquantaine de paire de chaussettes, une salade de lentilles, une tablette de chocolat noir 78% de cacao, deux pommes Fuji, un sandwich saumon-aneth et une bouteille d’eau minérale de la source Montclar, spécialement sélectionnée pour moi par Monoprix. J’en ai les larmes aux yeux.
Et je suis rentré, par le bus C3, arrêt Malo Plage. Dans le vent, jusqu’à l’Escale.
Chambre 317.
J’y suis.
Nous y sommes.
Avec vue sur la mer et sur le FRAC.
Il vente. C’est beau et un peu effrayant.
Comme je m’ennuie je poste quelques phrases pleines de mépris de classe sur Facebook, dans l’espoir de m’attirer une volée de commentaires haineux. Ca ne manque pas et ça me fait ma fin d’après-midi.
Dîner frugal. Et maintenant, temps calme.