LE PRIX DU DANGER

La nuit avait été agitée. Hésitante entre chaleur et vent frais. Je me suis moult fois tourné et retourné. Me glissant hors des draps, puis dans les draps. Puis hors des draps de nouveau, et dans les draps de nouveau…

Le dernier rêve avait été horrible.
Dans la séquence finale, je me trouvais en conversation avec un grand gars barbu, au beau milieu de la chaussée sur une avenue parisienne, non loin d’une place. Nous étions sans cesse en danger d’être renversés par les voitures qui nous frôlaient mais cela ne semblait pas nous inquiéter. Nous en avions vu d’autres.
Alors que nous nous posions des questions sur ce qu’il convenait de faire maintenant, son attention était soudain happée et il se précipitait, en panique, vers le pied d’un immeuble pour rattraper, in-extremis, un autre type qui venait de se jeter par une fenêtre.
En atterrissant dans ses bras, le défenestré avait vomi à la face de son sauveur une épaisse bouillie de couleur rouge-betterave. Ce dernier, assommé par le choc, gisait au sol, le visage noyé dans cette bouillie rouge.
Non loin, le corps sans vie d’un jeune garçon que le suicidé portait probablement dans ses bras au moment du saut. Il semblait comme aplati. Comme s’il avait été écrasé par un rouleau compresseur.
Et le défenestré, ivre de rage, face contre terre, les mains crispées, ne cessait de gémir: « Petit con ! Petit con! Petit con! »

J’avais pris mon café sur la terrasse en regardant tout ce quartier flambant neuf, qui s’étend derrière la gare de Nantes, côté sud. Puis j’avais attrapé un Bicloo pour rejoindre l’école, mais je m’étais encore arrêté à La Maison pour un café et un bun à la cardamome.

Il y a peu, j’ai reçu un mail de OUIGO pour m’annoncer que j’étais l’heureux propriétaire d’un bon d’échange pour mon billet de retour prévu ce jour à 18h44 (déjà substitué à mon billet initial de 18h40 pour deux heures de voyage supplémentaires).
Ça ne sent pas bon, me suis-je dit. Quand on vous offre un bon d’échange, c’est souvent le signe que quelque chose ne colle pas, me suis-je dit. Et, effectivement, quelque-chose ne collait pas. Aucun train ne circulait plus sur le tronçon compris entre Nantes et Angers et je crois comprendre que cela vise, en particulier, tous les trains en direction de Paris.

La partie n’est pas perdue pour autant. Le rétablissement de la circulation est prévu pour 17 heures. Je me suis donc posté au bistrot, en face de la gare, à l’entrée du Jardin des Plantes, en attendant de voir ce qu’il advient de cette situation.

La période étant propice aux incartades alimentaires, je me suis autorisé quelques carrés de chocolat noir offert par L., que nous avions rencontrée en début d’après-midi avec V.G. pour son ultime rattrapage, accompagné d’un demi d’IPA bien frais.
Le chocolat, pas le rattrapage, bien sûr.

Avant cela, nous nous étions réunis pour des échanges ouverts autour de diverses questions pédagogiques et institutionnelles ce matin, avant de rejoindre nos différents groupes de travail (situations, parcours, etc.).
A midi, nous déjeunons avec les collègues du parcours Formes du réel au Nakama. Beaucoup de progrès en cuisine et je fais part de mon émotion gustative à la barmaid, qui se charge de répercuter au chef. C.M. est en surtension et éclate en sanglots. Elle s’est beaucoup identifiée à la détresse exprimée par J. lors de la réunion. Elle est en empathie profonde et voit la vie en noir pendant quelques instants. Puis elle reprend des couleurs et cela va mieux. On boit nos cafés et on retourne à la mine. Et au chocolat.

C’est là que j’apprends les déboires techniques de la SNCF sur ledit tronçon.

Il est maintenant 16h37 et j’attends de voir comment évolue la situation, mais j’ai dores et déjà réservé la studette numéro 4 qui, par chance, était libre. On verra bien.

Sur le chemin de la gare, je croise M.L., qui a brillamment passé son DNSEP et envisage maintenant d’aller vivre en Italie. Je lui demande des nouvelles du stand de synthé, qui a disparu et elle m’en donne. Tout va bien. Il n’est pas perdu.

Il fait, je crois, assez chaud.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *