L’ÉTÉ DE MON CONTENTEMENT

Je me dis quoi qu’il en soit, je me dis peu importe, je me dis quoi qu’on dit, quoi qu’on dise, il faut écrire. Il faut écrire et puis voilà.
Sans se soucier d’autre chose, me dis-je.
C’est déjà suffisamment compliqué comme ça.
C’est comme la gym, m’étais-je dit. C’est toujours difficile au début. Difficile, ingrat, lourd.
Il faut passer ce premier souffle.
Continuer, ne pas se laisser happer par l’attrait du vide, la pensée du résultat, le vertige du jugement.
Persévérer. Que dis-je, mersévérer aussi bien. 
Mon devenir-Thanos, me dis-je, taquin, pour rire.
Mais on obtient, à la longue, à l’endurance, des résultats.

Et vient le moment où l’on décale des blocs de textes, où l’on supprime ceux que l’on avait laissé là un peu pour essayer, un peu en attente d’autre chose. D’autre chose qui était venu ailleurs.
Une pensée qui devait s’incarner ici s’était incarnée autrement, sans qu’on s’en soit aperçu d’abord et c’était très bien. Ce sera très bien. C’est très bien.

Que la main se contente de suivre, de précéder.
Que l’œil s’y jette de temps en temps, pour lire, pour rire.
Et l’on pourrait très bien raconter une histoire, des histoires.

Ce serait bien, des histoires, m’étais-je dit.

Cette nuit, j’avais torturé un homme dans mon sommeil et je n’étais pas fier.
D’abord, on lui avait coupé la tête.
Je dis « on » parce qu’on était deux.
On s’était occupé de la tête.
Il y avait un trou à l’oesophage par où j’envoyais de l’eau au moyen d’un tuyau d’arrosage.
Et des abeilles entraient par ce trou.
La tête, elle, parlait. Ne paraissait pas souffrir de nos mauvais traitements.
Elle toussait un peu. 
La voix était altérée.
J’avais honte.
De savoir qu’il s’agissait d’un salaud n’était d’aucun secours car j’étais pire que lui avec mon tuyau d’arrosage.
Qui était il ?
Que disait il ?

Je crois qu’il se formait beaucoup à partir de Donald Trump dont je me sens coupable de désirer la mort à chaque instant. C’est terrible de désirer la mort de quelqu’un, fut-il une ordure. Et il est un fait notoire que Donald trump est une ordure objective. Mais de là à en souhaiter la mort, me dis-je.
Ah…

Mais je n’avais pas fait que torturer, j’avais dormi aussi.
D’un sommeil paisible et rempli de joie à la re-vision (pour la vingtième fois) de Ordet de Carl T. Dreyer. Et qui n’a pas vu Ordet n’a pas encore vu un film de cinéma me dis-je.

On avait mangé un petit dahl dans un restaurant pakistanais de la rue du Faubourg Saint Denis, puis on était rentrés à Aubervilliers avec R. et on s’était mis à regarder Ordet, plus exactement nous avions terminé de regarder Ordet, commencé il y a quelque temps. Et le chat était venu regarder le film avec nous. Vraiment regarder, avec attention.

Ordet, un film qui capte même l’attention des chats.

Et puis ce matin il avait fallu partir pas trop tard pour récupérer C., manger du saumon cru pas trop loin, acheter des cadeaux d’anniversaire pour la copine L., passer au Pré, faire un shampoing anti-pelliculaire, un soin de verrues plantaires, regarder des débilités.

J’ai dit: « je te laisse trois ans de débilités et on commence à regarder des trucs intelligents ». En ce moment c’est 80% débilités et 20% trucs intelligents, à douze ans on commence à inverser la statistique. Elle avait ri, mais elle sait que je suis sérieux. Parce que les licornes et les princesses ça va un temps…

Et puis on était repartis. Tram. Métro. Rambuteau. Parc Anne Franck. Anniversaire. Bistrot. Ecriture. Et bientôt…

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