LE PAIN EST NU

Lorsqu’on est habitué à un niveau de confort important, on bénit le radiateur.
Merci radiateur, pour cette nuit de confort.
Merci d’avance pour la suivante.
On oublie que ce confort n’est pas normal, n’est pas dû.
Nuit de récupération donc et lever à 7h45.

Café, puis petit déjeuner à la pizzeria en bas.
Trop copieux. Je ne peux pas manger le dixième de mon assiette.
Ensuite, direction l’Institut Français.
On prend un thé dans la cour.

On se croirait en Corée.
R. nous rejoint pour mettre au point une sorte de planning général des deux semaines.
Ensuite on rencontre J., le directeur de l’Institut.
Notre déjeuner est reporté à vendredi.
Rendez-vous est pris avec O. mercredi matin, pour une excursion dans le Tanger underground.
Nous visitons l’espace Beckett avec R. avant d’aller déjeuner à la Saveur du Poisson où nous faisons un des meilleurs repas de poisson de notre vie.

Vous entrez, vous vous asseyez et à partir de là, sans que vous n’ayez rien demandé, on vous sert. Et on ne cesse de vous servir les plats les plus délicieux, jusqu’à ce que vous criiez grâce et heureusement c’est alors le point final, un dé à coudre d’un thé à tomber par terre.
À chaque fois que le serveur s’approche de nous – ce qui doit arriver une bonne quinzaine de fois – il commence par nous dire: « Bonjour, ça va ? ».
Il ne cesse de nous dire « Bonjour ça va ».
Encore et encore.
Avec, une fois, une variante: « Bonjour ça va ? Ca faisait longtemps… ».

Il nous faut une heure de sieste pour récupérer.
Ensuite, une peu de musique jusque vers 17h30 puis nous partons pour le centre Tabadoul, rencontrer S. et quelques musiciens.

Avant de rentrer, on va boire des bières au Number One, se balader un peu dans les rues derrières Mohamed V, acheter quelques gâteaux, une pizza et, de retour, on mange un morceau en écoutant des polyphonies puis on fait encore un peu de musique avant d’aller se coucher.

UN ENFANT DANS L’AMPHORE

C’est une image qui me hante depuis la visite du musée de la Casbah.
« Inhumation d’un enfant dans une amphore », était-il écrit sur un cartel.
Ca me rappelle ce morceau de Robert Wyatt:
– Pigs ? In there ?
– Un enfant ? Dans une amphore ?

Et là, ce sont des jambes pendues à des fils de fer.
À mettre en rapport avec les barbelés qui bordent la promenade le long de la mer.
Étrange rappel.

Ce matin, je suis allé travailler deux ou trois heures dans la salle de musique de l’Espace Beckett, mais je n’en tire rien d’autre que quatre accords (Cmin, B6, Fmin7, G) et cette phrase obsédante, encore, de l’enfant dans l’amphore. Maigre.
Ensuite, nous partons faire des courses.
Épices (cumin, ras el hanout, poivre blanc, anis), légumes, fruits, piments, olives, galettes, fromage frais berbère.
On traverse le marché aux poissons.
H. prend le son.
Splendides boutiques de tripes.

On rentre. Thé à la menthe chez Comedy puis on grignote.
Musique puis on ressort pour passer chez Tabadoul, au marché aux puces, rendez-vous avec H.B., qui est prof de chant à l’Espace Beckett.
H. fait sortir le son dans une bassine.
Je plaque mes accords et quelques autres (issus de la gamme diminuée) sur un contexte rythmique spacialisé conçu par H. On enregistre un brouillon, à refaire à la salle de musique avec les pianos.

Penser à un guide chant pour les élèves de H.B.

Multiples contacts téléphoniques. Prises de rendez-vous pour les jours à venir.
On rentre préparer l’agneau aux citrons confits, dattes et olives.

Maintenant, un petit tour digestif, sans doute un verre au Number One.

FROID COMME LE MAROC

Il faut savoir – on n’est jamais assez prévoyant – que les pays chauds sont froids en hiver.
Non parce qu’il y fait froid, puisqu’il y fait chaud.
Mais parce que, justement, quand il fait chaud en hiver, il ne fait pas plus de douze degrés la nuit.
Et comme les appartements ne sont pas chauffés, on gèle.
J’ai dormi avec mon pull, mon pantalon, mes chaussettes et mon bonnet.
Et j’ai à peine dormi.

H. s’en est mieux sorti, ayant déniché un chauffage d’appoint.
Or, il y en a un deuxième, que j’ai remisé pour plus tard.

Nous avons installé l’atelier dans le petit salon.
Essais de sons jusque vers 4h30, cette nuit.

Snow Pad Gamme diminuée C => Cmin
Guitar Strangler Lead => Big noise.
Dope Matrix Altranisuwo => Nape bruitiste mobile
Entrance Paddle => Sombres échos
Agartha Dream => Pad brillant
Aging Cloud => Basse Reggae
Sickness Boggy => Montée et descente de triades.
Can I come back => Quartes et quintes
Comb over => 3 temps sixtes+ quintes augmentées
Eat your face => Basse fuzz épaisse poisseuse
Find Heaven => Do Maj 7 vers Fa Maj 7 – Royal
Land of cheese => Bourdon sur une note
Moon string => Disco Pad
My Feet Hurt => Dialogue rythmique avec H. (Fifty Gallon tank)
Nice & Perty => Noël mineur avec H. (Handdrum)
Space Bell => Motifs superposés / croisés avec H. (Tricky Gong)
Tap Here => Arpèges en beau déphasage rythmique avec H. (Cloud of crows)
Voyage of the sea => Marteaux de chantier C D E
etc.

Ce matin, direction le café de Paris. 
Deux galettes au poulet pour nous remettre d’une nuit trop courte.
Sur le chemin, on s’achète des cartes SIM 4G.
La fille chantonne en installant les cartes.
Elle parle à quelqu’un au téléphone en même temps et sert plusieurs clients simultanément.
Une forme adorable d’arrogance juvénile, non dénuée d’une certaine bonasse. 

De même, le vieux serveur du café de Paris chante en nous servant les cafés.
– C’est curieux comme les gens chantent ici, dis-je.
– C’est curieux comme les gens ne chantent pas en France, répond H.

Evidemment, on se fait aborder par deux guides qui tiennent absolument à nous faire photographier un arbre à trois troncs, la villa de Mick Jagger, un trou dans le mur par lequel on peut observer la ville et nous accompagnent au musée.
Après il faudra âprement négocier pour s’en tenir à un défraiement raisonnable.

Un de nos guides a disparu pendant qu’on visitait le musée. 
Sans doute ont-ils négocié en notre absence.
Le deuxième avait prévu un parapluie dont il aura peut-être trouvé l’emploi ?

Quelques courses avant de rentrer.
Mise en route d’un bouillon pour la soupe Phô.
Puis répétitions tout l’après-midi, à partir des notes prises hier soir.
Vers 19h, on fonce à la Cinémathèque voir L’Ami américain de Wenders, qui est décidément un épouvantable navet. On en sort totalement épuisés.

Il pleut.
Pour se réconforter, on achète quelques gâteaux.
On les mange en se plaignant, comme des français.
Ensuite on se met à la préparation de la soupe et, contre toute attente, ça n’a rien à voir avec de la Phô, mais c’est bon.

Maintenant, il s’agit d’aller se coucher à une heure raisonnable pour être frais demain.

AVOIR UN BON COPAIN

Ca peut vous faire rentrer tard, mais ça fait chaud au cœur.
Et donc P.G., bien que convalescent, est venu à ma rencontre hier, à mon arrivée Gare du Nord et nous sommes allé boire et manger au restaurant italien sis au 33, rue de Paradis.

La serveuse, profilée, porte un tatouage représentant une chevelure féminine émergeant d’un coquillage.

Comme nous ne lésinons ni sur les digestifs ni sur les assiettes de fromages, l’addition est salée mais il faut quitter la France en beauté. Dès ce soir, Tanger, pour quinze jours et régime sec, a priori.

En prévision, je travaille dans le train la gamme harmonique mineure

1, W, H, W, W, H, WH, H

Il faudra aussi penser à la gamme mineure naturelle:

1, W, H, W, W, H, W, W

Et soudain, vers trois heures du matin, je me souviens que je suis le propriétaire d’un appartement à Paris. Je n’y suis pas retourné depuis des années. Cela doit sentir le renfermé et la poussière.
Je ne retrouve même plus la clef et j’appelle l’agence qui s’était occupé de la vente pour leur demander s’il leur reste un double. J’évoque la possibilité de revendre l’appartement mais Y., interceptant la conversation alors qu’elle est en plein repassage, s’y oppose.
– Tu as du bien, garde-le !
– Je pourrais le mettre en location, alors ?

Plus tard, je visite un autre appartement que E.D. cherche à vendre.
Vu de l’extérieur, ce n’est pas brillant: une méchante porte – une sorte de herse – rouge et vermoulue.
Mais à l’intérieur c’est immense et lumineux.
Il y a des monticules de terre, comme dans un jardin vallonné.
E. annonce 25 m2 mais c’est vraisemblablement beaucoup plus grand.

Je me réveille en me demandant si je possède bien un appartement à Paris et il me faut un peu de temps pour me persuader du contraire.

Le temps d’avaler le petit dej, de changer le mot de passe de l’ordinateur de C., de commencer à rassembler mes affaires et il est temps de me rendre à Romainville, récupérer quelques micros chez L. Ensuite, j’avais prévu de déjeuner avec M.O. mais son métro est en retard et puis elle doit aller à l’autre bout de Paris chercher un portefeuille oublié, etc.

Je fais un saut au supermarché chinois, j’achète des pâtes de riz, du lard séché et des choux de Shanghai (très chers, on est hors-saison).

De retour, cuisine. On mange avec C. Y. s’est déjà préparé quelque chose.

Derniers préparatifs puis je dois rejoindre H. sur le quai du RER vers 17h-17h30.

Zou!

PICTURE ME GONE

Les gens n’ont plus le temps d’écouter de la musique chez eux.
C’est la première phrase que je lis sur la page d’un site censé fournir un large choix de fichiers audio mp3.
Cette phrase me hante.
Les gens n’ont plus le temps d’écouter de la musique chez eux.
C’est exactement comme de dire que les gens ont peur de se perdre sur les autoroutes de Los Angeles.
Pour exorciser cela, j’écoute – au casque – les Vingt Regards sur l’Enfant Jésus d’Olivier Messiaen, interprétés par J-L. A.
J’ai branché le petit clavier MIDI sur l’ordinateur et me propose d’étudier un peu quelques nouvelles gammes après avoir terminé cette note.
L’école semble déserte mais c’est une impression.
En réalité, dans chaque salle il y a quelques personnes.
Cela donne l’impression d’un grand calme, mais ce n’est pas le désert.
Le réseau est incroyablement lent.
Je bois du café et je mange des biscuits au son d’avoine.
Il fait beau et froid. C’est agréable. C’est tonique.
Je dois penser à écrire un texte pour la revue de recherche de l’école. 
Et puis aussi, penser à Satisfaction
Je ne suis pas sûr du titre.

MULHOLLAND DRIVE

J’avais oublié de parler de ce sentiment obscur au cinéma.
Non pas l’obscurité de la salle, jamais totale, bien sûr, mais une obscurité historique. Une obscurité liée au moment présent. Quelque chose de sombre traverse les bandes annonces des films. Quelque chose qui vient de l’Histoire, qui annonce la terreur, qui souhaite la terreur, qui souhaite la mort, le chaos, l’obscurité.
Quelque chose de sombre, qui désire le chaos, traverse même les écrans publicitaires, s’insinue dans les dialogues, dans la lumière, dans la respiration des acteurs.
Une brume inquiétante, une poisse.
Je ne saurais dire exactement en quoi cela consiste. C’est diffus.
Cela a à voir avec le point de vue choisi, l’articulation, les situations.
Cela communique de la peur, de l’anxiété, de l’intranquillité.

Cela se transmet aux spectateurs.
Il ne règne pas, dans la salle, de recueillement propre à la communion, ni de transe, ni de sentiment d’appartenance, ni de complicité discrète, ni même d’indifférence courtoise.
Entre tous ces corps assis circule la même peur, la même onde de choc sourde, la même tachycardie. 

Je pense à David Lynch, à cause de la bande annonce du film qui lui est dédié. Et en rentrant je télécharge Mulholland DriveBlue Velvet et Fire Walk with me, que je n’ai pas revus depuis leurs sorties respectives. Parce qu’il me semble me souvenir que ces films mettent en scène quelque chose qui ressemble à cela. Quelque chose que je n’aime pas beaucoup, que j’avais laissé de côté, mais qui pointe le bout de son nez. Une sorte de fascination morbide. En tout cas, je revois ça pour vérifier.

Donc ce matin, dans le train Paris-Dunkerque de 6h46, Mulholland Drive. J’avais totalement oublié ce pré-générique en forme de Happy Days psychédélique. Danseurs fifties en incrustation sur eux mêmes et sur/dans/à travers leurs ombres, le tout sur un fond mauve savonnette. 

Il y avait une autre raison pour revoir les Lynch: l’imminence d’Abduction. La question des drones. La musique de Badalamenti. Les corps arrêtés, ralentis.

À l’école, pas grand-monde. Nous sommes quatre à l’atelier Cinéma et Langage. On écoute des sons, de la musique et on commence à construire un morceau. Je passe commande aux étudiants d’un morceau pour la rentrée. 
Ensuite un rendez-vous cet après-midi puis quartier libre.

Je passe faire des courses chez Monoprix. Journée protéines oblige.
Je retrouve A.P. à la sortie du FRAC. On va boire un verre avant qu’elle n’attrape son train de 18h34. 

Retour à l’Escale. Il fait frais mais juste assez pour que ce soit agréable et vivifiant.

Décidément, à la revoyure, non je n’aime pas cela, les films de David Lynch. Je parviens à me laisser séduire par la direction artistique mais je ne suis jamais ému par rien, sauf par Kyle Mc Laghlan dans le rôle de l’agent Dale Cooper (mais dans la série seulement, pas dans le film). Je ne parviens pas à terminer Fire Walk with me ni Blue Velvet, c’est trop ennuyeux, trop désaffecté (le pire ce sont les vieux jeunes (des lycéens de trente ans) de Twin Peaks le film). Je préfère écouter France Culture et le bruit de la VMC en essayant de somnoler.

THÉÂTRE DE LA PAROLE

Réveil spontané, sans doute vers 6h mais je reste au lit jusqu’à 7h. Les bruits de la rue, camions, livraisons, me rappellent que nous sommes bien à Paris. Cette nuit aussi, rires et cris dans la rue.

Frigo quasi vide. Gaufres et café.
Je suis allé rendre la voiture à la gare du Nord, puis métro direction Montreuil.

Lecture de Thucydide dans le métro. Discours antagonistes des Corcyréens et des Corinthiens face à Athènes.
Paroles scindées en chapitres.
Pasolini (l’Evangile): plans sur plans ou variations de cadrage. Discours sur discours.
Phrase contre phrase.
Au nom des intérêts bien compris (Corcyréens).
Au nom du respect des lois et traités (Corinthiens).

Cynisme contre vertu.

Comment traduire plastiquement, musicalement, cette confrontation ?

La trahison contenue à la source de chaque acte de diplomatie.
La trahison comme toujours à supposer et pourtant pas systématique. Ce qui importe c’est de trahir le premier, au bon moment, juste lorsqu’on suppose que l’autre ne peut que vous trahir.

18h.

Je sors du MK2 Beaubourg, où je viens de voir le dernier Hong Sangsoo, Yourself and Yours.
Il s’y déroule un dispositif de fiction qui met sans cesse en échec toute certitude quant au statut de ce qui est vu, dit et joué, tout en ne présentant qu’une succession de scènes extrêmement simples et a priori réalistes. Comme si la notion d’harmonie se substituait à la notion de vérité, la remplaçait tout bonnement.

Il n’y a plus de vérité: simplement la coexistence de plusieurs présentations d’un même fait qui, du fait de la multiplicité des présentations n’est plus du tout le même fait, en fait, bien que le même cependant.
Très étrange.

Un peu comme quand François Fillon entreprend de justifier les salaires de Pénélope.

C’est, je crois, le premier film de HSS dans lequel les deux personnages qui forment le couple central prennent conscience de leur état d’être de fiction – elle, avant lui et lui la rejoignant – d’une manière Beckettienne. D’abord pour en souffrir, pour le dénier, puis pour s’en accommoder, l’articuler et vivre avec parce que cet être-fiction permet la fiction de l’amour qui justifie l’être.

Il y a cette idée – que l’on retrouve, appliqué au domaine de l’art, chez Dewey – que chaque scène est tournée pour un spectateur qui participe à la scène, qui termine littéralement la scène. Un spectateur qui s’intercale entre les fantômes, comme le protagoniste de l’Invention de Morel.

Les corps sont estropiés (Beckett, Buñuel). Une jambe cassée, une fille qui porte un cache-œil.
Les hommes aux bras courts, aux balancements d’enfants. 
« Des loups et des enfants », dit-elle.
La femme et le pantin, bien sûr (je me demande si ce n’en est pas une adaptation avouée, je n’ai rien lu dessus encore mais je vais guetter les interviews).
L’alcool est mesuré verre à verre (« 5 verres d’alcool et deux bières », c’est la quantité qu’il lui autorise).
Promesses d’ivrognes.

L’autre chose, elle est purement technique et m’effraie un peu, c’est l’image: cette sensation de vidéo que je pensais disparue.

L’image est artificielle, lisse. Les contrastes ne sont plus ceux du cinéma. Les mouvements paraissent excessivement nets.

Je me demande si c’est le 60 Hz. Peut-être est-ce dû à l’appareil de projection ?
J’ai eu exactement la même sensation physique devant l’image du film japonais «Harmonium » vu récemment.

Il faut que je me documente un peu là-dessus.

Ca me fait un peu peur que la projection devienne cela.
Un peu peur seulement, parce que je sais qu’on s’habitue à tout.
Mais justement, c’est ça qui fait peur.

L’ADIEU À L’IGLOO

Nous avons quitté la Nouvaz vers 11h et M. nous a déposés à Moûtiers sur le parking où nous avons récupéré la voiture de location.
Un petit déjeuner à la première station essence, parce que C. n’avait rien voulu prendre avant, de peur d’être malade dans les virages. On achète des gaufres et un croissant.
Puis on roule en écoutant les Beatles jusqu’à ce que C. s’endorme.
Pause déjeuner vers 13h30, près de Lyon.
On roule encore quelques heures et on passe rendre visite à P.M. près d’Auxerre.
T. a failli mourir suite à une ingestion probable de raticide.
Elle est convalescente et P. lui prépare une pâtée de poulet au riz et aux légumes.
On papote. On se dit qu’il faut voter Macron, qu’il n’y a rien d’autre à faire.
Départ vers 18h. Arrivée à la maison à 20h30.
Y. nous a préparé un repas spartiate. Poisson et légumes vapeur. C’est bon.
Crevé. 

La nuit dernière j’ai rêvé que j’improvisais une chanson africaine, dans un lieu public et que tout le monde se mettait à la reprendre en chœur.
Les paroles du refrain étaient, de mémoire: « Il faut réchauffer la planète ».

TOUT EST BLANC

Ca tombe sans discontinuer.
On s’habitue à ce coton. C’est beau tant que ça tombe. 
Ca fond vite, ensuite. Il fait trop chaud.
Au prochain arrêt, on va skier.

Ces quelques phrases sont les dernières que j’ai écrites avant de constater que l’alimentation de mon Macbook Pro 13″ Retina fin 2013 (tous ces détails ont de l’importance comme on le verra par la suite) avait été boulotée par le chien – ou peut-être par le chat.
S’ensuivit une certaine colère et la mise hors-tension dudit Macbook.

Ce matin, en allant déposer la voiture à Moutiers, pour éviter d’être coincés par la neige ultérieurement, nous passons au Super-U où je fais l’acquisition d’une nouvelle alimentation Magsafe. Pour la modeste somme de 89,00 € tout de même.

De retour à la maison, je m’aperçois que ledit Magsafe ne correspond pas à mon modèle de Macbook Pro et qu’il me faut retourner au Super-U pour demander le remplacement du Magsafe par un Magsafe 2 60 W (attention: pas un Magsafe 2 85 W, qui convient uniquement aux Macbook Pro 15″!).
Au comptoir culturel, S., vendeuse, me répond que les produits Apple ne sont ni repris ni échangés. Devant mes prières et mes yeux de cocker, malgré les dénégations téléphoniques de sa supérieure, S. décide de me faire une fleur et accepte (« mais c’est la dernière fois ») de procéder à l’échange.
Ouf.
Bénie soit S. Je ne l’oublierai pas dans mes prières.
À la radio Fillon a pris la voix de Sarkozy pour sa conférence de presse et on a presque l’impression qu’il croit à ses propres mensonges. C’en est confondant. Cosmique, presque.
On en vient à douter de tout.
Inquiétant.

Donc, de nouveau branché, de nouveau en charge, je peux terminer – 24 heures plus tard – ce post.Mais « terminer » est un grand mot. Il n’y a pas grand-chose à terminer. Poursuivre serait plus juste. Poursuivons et nous verrons bien où nous irons.

L’idée était, je me souviens maintenant, de faire un travelling arrière.
Reculons donc d’un pas.

L’on se retrouve de nouveau confronté à ce choix: aller du tout vers la partie ou de la partie vers le tout ? Ici, on décide de reculer vers le tout qui englobe la partie – qui est déjà un tout. mais le tout (intérieur) est plus petit que la partie (extérieur) donc on va en réalité du tout à la partie. Il n’y a donc pas de différence. Il n’y a ni partie ni tout. Tout est contenu dans la partie et la partie excède le tout qui n’est jamais total.

Un peu par hasard, parce que la symétrie parfaite des intervalles me plaît, j’ai continué de travailler la gamme diminuée. Je joue avec les accords qu’elle génère.

Et sa corolaire, la gamme diminuée dominante. Les deux ont d’étranges intersections.

Il faut que je m’achète un cahier de musique pour noter tout ça et puis des petits exercices d’arpèges.

Et ensuite, hier, comme il n’était pas question d’aller skier (otite et tempête de neige), nous avons construit deux énormes bonshommes de neige et un igloo.
C’est mon premier igloo. Il n’est pas gigantesque mais C. peut se tenir à l’intérieur.
Il faudrait prendre le temps de fabriquer des briques de glace mais il fait trop chaud.
3°C. La neige fond très vite.

Il neige quand nous allons nous coucher et il neige encore ce matin.
Nous faisons une croix (pas trop douloureuse pour C. et j’avoue que pour moi non plus) sur le ski et prenons des dispositions pour n’être pas coincés. Pelletage de neige, etc.

Le chien a aussi bouffé les lunettes de soleil de C.

LUGE LA NUIT

– Bon finalement, elles n’étaient pas trop pourries ces vacances ?
– Tu parles.
– C’est quoi ton problème ?
– C’est toi mon problème. Tu me cries dessus, tu te mets en colère, tu dis des gros mots et j’ai eu une otite avec des antibiotiques; en plus, tu n’as pas géré la luge.
– Comment ça, je n’ai pas géré la luge ?
– Quand je t’ai dit de t’arrêter, tu as continué.
– Ben oui, les luges sont faites pour glisser, pas pour s’arrêter. Et puis ce mot, « gérer », c’est monstrueux. Je ne veux pas que tu parles comme ça.
– Pfff, je sais… Mais ce que je veux dire c’est que j’avais de la neige plein les yeux.
– C’est ça qui est bien. Et puis regarde, on n’est pas tombés. Il y a même des gens qui nous ont applaudit quand on est passé en trombe dans le virage où tout le monde s’était viandé.
– Ouais, ouais, là ok t’as géré…
– Bon, donc c’était pas complètement pourri pourri pourri…
– C’était juste moyennement pourri.
– Mais tu ne regrettes pas d’être venue ?
– Non.
– Moi non plus. C’était moyennement bien quand même.
– Oui, papa.

ÇA TOMBE BIEN

À notre réveil, il neige.
Toute la matinée, il neige.
C’est beau.
Et maintenant, le soleil.
Bien.
Si je n’étais pas de garde d’enfant malade, j’irais skier.
Mais on peut toujours faire un chouette bonhomme de neige.
Parce que skier tout seul, bof, bof…

Pour l’instant, je fais cuire une blanquette de veau. P. et J. viennent déjeuner.
Ensuite J. doit rentrer chez lui. En stop, d’après ce que je comprends.
Pas évident.
À l’instant j’apprends que finalement non. P. pas libre.
Bon. 

Et puis finalement, cinq minutes après si. C’est tout le charme de l’incertitude qui règne ici.
Donc on déjeune puis Scrabble, avant que P. ne parte accompagner J. à son train.

Après avoir hésité à finalement partir skier, au vu d’un retour du vent et d’une recrudescence de grêlons, on se dit que le bonhomme de neige est plus raisonnable.

Je ne sais plus à quel sujet, je repensais à cette conversation avec P. l’autre jour. Que les bouffons sont à présent au pouvoir. Que ce n’est plus le moment de faire son numéro, de faire son malin. Les Poutine, les Trump, les Erdogan, ce sont eux qui font leur numéro, eux les bouffons, les Ubu. Maintenant, il faut être sérieux de nouveau.
Il n’y a rien d’autre à faire.

Ce truc de rouler une boule de neige et qu’elle devient grosse, c’est de la blague.
Ca ne marche pas. Il faut que la neige soit sacrément collante.
Faute de quoi, on construit notre bonhomme de neige à la truelle.
Il a une sale tête. 
Il fait peur.
Je lui ai prêté mon bonnet pour la photo.

Un peu plus tard mon père m’écrit pour me dire qu’il a « jeté un œil à [ma] feuille de chou » et qu’il n’est « pas d’accord sur le fond ». Selon lui, les vrais bouffons ce sont l’establishment et la finance internationale. Les journalistes et les médias ne sont pas loin d’être les ennemis de la liberté et de la pensée. Il souhaiterait vraiment m’arracher aux griffes de cette pensée unique.

Moi, il me semble que si on remplace « establishment » et « finance » par « les juifs » on comprend mieux où se situe le moteur rhétorique d’un tel discours et comment se produit l’enchaînement qui amène à détester la démocratie – assise sur un modèle sans alternative (et c’est bien le drame), celui du libéralisme économique mondialisé, qui produit inexorablement une concentration du capital et donc un accroissement spectaculaire des inégalités, pour lui préférer un régime totalitaire qui se replie dans l’isolationnisme, la fermeture des frontières, le roman national, l’affirmation identitaire, la violence d’état, la fin des accords commerciaux et pourquoi pas de la parité de la monnaie, de la dette extérieure, des accords diplomatiques, etc., avec comme horizon le chaos et la destruction – on voit mal comment cela pourrait aller vers un futur ouvert -, mais ou au moins tout le monde sera dans le même panier; le temps d’un massacre.

Mais c’est pas grave, on ne va pas se battre pour si peu.

Ô Tite !

Et si la raison pour laquelle cette petite fille boudait n’avait rien à voir avec le ski et tout à voir avec le fait qu’elle couvait depuis quelques jours une formidable otite, qui se révèle aujourd’hui? D’après le docteur, une inflammation sans doute contractée mardi à la piscine, suivie de la dépressurisation consécutive à la prise d’altitude a constitué un terrain propice.

Donc, antibiotiques, traitements divers et 48 heures sans activités de sports d’hiver. On pourra faire des bonshommes de neige et de la luge mais tout juste juste. Évidemment l’autre motif de bouderie provient du manque de précision de ma mère qui dit « écarte les jambes » pour dire « fais un chasse-neige », ce qui, si on la prend au mot, est exactement le contraire. C. était donc excédée parce que, lorsque M. lui criait d’écarter les jambes pour s’arrêter, elle avait obéit littéralement et s’était donc retrouvée les quatre fers en l’air. Bref, il faut être précis, surtout avec les enfants qui prennent tout à la lettre (en quoi ils ont bien raison et ça ne les empêche pas de comprendre l’ironie).

– Tiens, tiens, fait la petite fille.

– Mais qu’est-ce qu’il fait ? – demande la grand-mère.

Et toutes les deux de venir m’espionner et lire ce que j’écris par-dessus mon épaule.Je vais hurler.

– C’est ridicule ce que tu as écrit, ajoute la petite fille, après avoir lu les lignes au-dessus. Tu as écris des trucs qui n’intéressent personne.

Vite, un thé bien chaud.Difficile d’avoir une activité cérébrale productive dans ces conditions.Je vais plutôt me mettre à la lecture.