
À notre réveil, il neige.
Toute la matinée, il neige.
C’est beau.
Et maintenant, le soleil.
Bien.
Si je n’étais pas de garde d’enfant malade, j’irais skier.
Mais on peut toujours faire un chouette bonhomme de neige.
Parce que skier tout seul, bof, bof…
Pour l’instant, je fais cuire une blanquette de veau. P. et J. viennent déjeuner.
Ensuite J. doit rentrer chez lui. En stop, d’après ce que je comprends.
Pas évident.
À l’instant j’apprends que finalement non. P. pas libre.
Bon.
Et puis finalement, cinq minutes après si. C’est tout le charme de l’incertitude qui règne ici.
Donc on déjeune puis Scrabble, avant que P. ne parte accompagner J. à son train.
Après avoir hésité à finalement partir skier, au vu d’un retour du vent et d’une recrudescence de grêlons, on se dit que le bonhomme de neige est plus raisonnable.
Je ne sais plus à quel sujet, je repensais à cette conversation avec P. l’autre jour. Que les bouffons sont à présent au pouvoir. Que ce n’est plus le moment de faire son numéro, de faire son malin. Les Poutine, les Trump, les Erdogan, ce sont eux qui font leur numéro, eux les bouffons, les Ubu. Maintenant, il faut être sérieux de nouveau.
Il n’y a rien d’autre à faire.
Ce truc de rouler une boule de neige et qu’elle devient grosse, c’est de la blague.
Ca ne marche pas. Il faut que la neige soit sacrément collante.
Faute de quoi, on construit notre bonhomme de neige à la truelle.
Il a une sale tête.
Il fait peur.
Je lui ai prêté mon bonnet pour la photo.

Un peu plus tard mon père m’écrit pour me dire qu’il a « jeté un œil à [ma] feuille de chou » et qu’il n’est « pas d’accord sur le fond ». Selon lui, les vrais bouffons ce sont l’establishment et la finance internationale. Les journalistes et les médias ne sont pas loin d’être les ennemis de la liberté et de la pensée. Il souhaiterait vraiment m’arracher aux griffes de cette pensée unique.
Moi, il me semble que si on remplace « establishment » et « finance » par « les juifs » on comprend mieux où se situe le moteur rhétorique d’un tel discours et comment se produit l’enchaînement qui amène à détester la démocratie – assise sur un modèle sans alternative (et c’est bien le drame), celui du libéralisme économique mondialisé, qui produit inexorablement une concentration du capital et donc un accroissement spectaculaire des inégalités, pour lui préférer un régime totalitaire qui se replie dans l’isolationnisme, la fermeture des frontières, le roman national, l’affirmation identitaire, la violence d’état, la fin des accords commerciaux et pourquoi pas de la parité de la monnaie, de la dette extérieure, des accords diplomatiques, etc., avec comme horizon le chaos et la destruction – on voit mal comment cela pourrait aller vers un futur ouvert -, mais ou au moins tout le monde sera dans le même panier; le temps d’un massacre.
Mais c’est pas grave, on ne va pas se battre pour si peu.