Arrivé hier à 12h10 heure locale (heure francaise + 6 heures). L’avion est à l’heure, les bagages arrivent vite. L’aeroport est propre, moderne, efficace. Un chauffeur est venu me chercher. Je repère immediatement la pancarte a mon nom. Ni hao. Le trajet est sans encombre. Il fait chaud (30 degrés) mais la voiture est climatisée. La voie rapide ressemble a n’importe quelle autre voie rapide. Cette impression d’équivalence presque totale des différentes villes de la planète. Sauf que des piétons la traversent aux abords de la ville et là ça devient un peu n’importe quoi. Et il y a aussi tous ces vélos, ces triporteurs, transportant les chargements les plus inattendus (ordures ménagères, animaux ficelés, tuiles, bois, etc…).
Que dire de Pékin, sinon que c’est une catastrophe majeure en terme d’urbanisme ? Une monstruosité effarante et irréversible: un programme minutieux d’élimination de toute trace historique au profit de gigantesques tours de béton qui poussent littéralement sous nos yeux.
C. vit a 400 a l’heure. Me rejoint à la délégation, le temps d’avaler un sandwich en check-listant l’emploi du temps avec L., qui travaille dans le bureau voisin. Puis départ pour une batterie de rendez-vous. Sur le trajet, en voiture, environ quatorze coups de téléphone. Avant de descendre de voiture, C. demande au chauffeur de me larguer place Tien Anmen avec pour consigne de visiter la Cité Interdite, d’en sortir par la porte Nord et de prendre la un taxi qui me ramènera a la délégation ou A. sa fiancée m’attendra a six heures trente.
Le chauffeur exécute les ordres et me voila bientôt place Tien Anmen, sous un soleil de plomb, dans une foule compacte et bruyante. Une jeune fille m’interpelle en anglais. Elle s’appelle Lili, est – me dit-elle – étudiante en art et tient beaucoup a me faire visiter une exposition de ses travaux qui a lieu non loin. J’accepte de la suivre en échange de la promesse qu’elle me fait de m’aider à acheter une carte SIM pour le téléphone portable.
Evidemment, il s’agit pour elle d’essayer de me vendre une ou deux mauvaises calligraphies dont elle commente inlassablement toute la portée symbolique: « You see, it’s a goat. Goat is a very important mythological animal in China…Here, it’s love. Man and woman…Here, it’s a dragon… » etc, etc… Mais je suis pressé et le lui dis. Nous allons acheter cette carte et je découvre, au bout de 45 minutes d’essais infructueux et de longues délibérations (quelle patience, Lili !). que mon téléphone est muselé par Orange (j’aurais du m’en douter) et que nous ne pouvons pas le faire marcher. 200 yuans (20 euros). Je suis un peu embêté et j’ai deja perdu beaucoup de temps. Je fonds au pas de course sur la Cité Interdite.
Là, des dizaines de marchands ambulants se jettent sur moi comme la misère sur le monde et cherchent a me vendre des cartes postales. L’un d’entre eux parvient a m’en fourrer une trentaine et a m’arracher 50 yuans en echange. Je ne sais pas comment il a fait mais je suis terrorisé et j’agite les bras pour écarter les nouveaux arrivants. Je ne parviens pas à me faire comprendre de la dame qui vend les billets d’entrée. Je rebrousse chemin. De toute façon il y a beaucoup trop de monde pour visiter quoi que ce soit. C’est là que je me rappelle pourquoi j’ai horreur de voyager. J’ai envie de m’asseoir par-terre et de pleurer, mais les places sont prises. J’ai envie de rentrer chez moi, mais je ne sais même pas comment faire pour traverser la rue, ni pourquoi il y a des barrières partout entre le trottoir et la chaussée.
Je cherche un taxi, mais je n’ai pas la moindre idée de ce qu’il faut faire pour en arrêter un. Heureusement, je tombe sur deux étudiantes qui, voyant mon désarroi, me prennent en charge et me jettent dans un taxi, après avoir recopié à la main l’adresse en chinois du bureau. Pendant tout le trajet, je prie très fort pour qu’elles n’aient pas fait d’erreur.
Je n’avais rien a leur donner à ces étudiantes si aimables, à part un mediator de guitare. Je ne sais pas trop ce qu’elles vont en faire.
Enfin, je suis sauvé: je reconnais les lieux. La course: 19 yuans.
C. est de retour. Long entretien hilarant entre L. et lui à propos de rendez-vous avec des vices-ministres, de discours, de rapports, d’emploi du temps. C’est a la fois très sérieux et complètement déconnant. Deux gamins s’entretenant de la gestion du Monde et jouant a se faire peur.
Puis A. arrive et nous allons boire un verre dans un hotel chic, avant que C. ne parte à son diner. Ensuite nous passons à l’appartement, qui est un gigantesque loft, le temps de prendre une douche et de me changer, avant d’aller manger un minestrone et une pizza aux fruits de mer au café du coin. Bon mais pas donné: 170 yuans les deux repas avec une bouteille de vin sicilien. Comme A. parle couramment le francais, j’ai tout a fait l’impression d’être a Paris. Nous rejoignons C. dans un bar du centre et cette impression persiste.
Rentrés a minuit environ. Il fait une chaleur écrasante. Je dors peu et lis Proust par intermittence.
Première journée.