
Ce matin, après avoir déposé C. à l’école, je vais faire un peu de gym (circuit cardio minimal et spécial dos) puis je retourne voir Yourself and yours au Reflet Medicis.
Cette fois-ci j’ai un cahier sur les genoux et j’écris sans cesse.
Je prends en note la description de chaque plan et d’une partie des dialogues.
Je note, par exemple, les arrêts et départs de musique.
Elle entre avec le fondu d’ouverture, lent depuis le noir.
Comme si l’ampoule du projecteur chauffait.
Comme si l’on venait juste d’allumer ce projecteur.
Le son est nettement sous-modulé.
Comme si l’on avait oublié de monter le son.
Comme si le fait que le film est commencé était mis en doute.
Les cartons sont un peu trop pixelisés pour être honnêtes.
On doute même des cartons.
L’arrangement musical est minimal. Ce sont des instruments MIDI.
La musique s’arrête sur l’ouverture de la porte de l’atelier par l’ami en short aux lunettes.
Short lunettes et t-shirts verts.
Enfant par le short, enfant par les grosses lunettes rondes, par le vert pomme pétard du t-shirt. Enfant au cube.
Dans la séquence qui suit, Youngsoo est dans son atelier. Il est peintre mais on ne voit pas ce qu’il peint. L’ami aux lunettes rondes est avec lui.
La manière dont l’ami aux lunettes rondes regarde Youngsoo, puis Minjung est un redoublement du spectateur et du directeur d’acteur.
Il est souvent au milieu de l’image pour regarder les autres et leur donne des indications minimales.
Comme un spectateur encourage un personnage ou s’énerve après lui.
Comme un metteur en scène dirige un acteur sans faire le travail à sa place.
Miroir pour nous. Miroir-enfant rond des enfants ronds que nous sommes.
Il est question de la mère du peintre, qui est sans doute en train de mourir.
L’on se dit que cela va être un thème majeur du film.
L’on se trompe.
Cette situation ne sert qu’à justifier le fait que Y. était absent (auprès de sa mère) tandis que sa fiancée, Minjung était restée en ville.
La référence à la mère mourante sert à éloigner M. de Y. (elle ne vient pas avec lui dans un moment pareil).
« De toute façon vous n’allez pas vous marier » dit l’ami aux lunettes.
Et pourquoi pas ?
Vous n’allez pas bien ensemble. Tu n’as pas le chic avec les femmes.
Jusqu’au pot-aux-roses.
On l’a vu boire, au Goldstar et se disputer avec un type.
– Pas possible. Elle a arrêté. Je compte ses verres. Elle a droit à cinq verres.
– Tu comptes ses verres ?
– Oui, c’est nécessaire. L’alcool est dangereux.
– On l’a vue.
– Je lui demanderai.
Ensuite, c’est le soir.
Un autre type.
Coiffure de rocker.
Cheveux gris.
Sur un petit vélo pliable.
Enfant par son vélo. Enfant par sa coiffure. Son sourire aux yeux tombant. Droopy.
Il n’est pas agile, sur son vélo. Le vélo paraît trop petit.
Une femme l’interpelle, lui propose un verre, je ne sais quoi. Il refuse, il doit faire un tour. Il s’éloigne.
Il entre dans un bar.
Demande un « américano ».
Zoom avant.
Il a vu quelque chose. Quelqu’un.
C’est elle.
Minjung.
– Minjung ? – il fait.
– Pardon ? Elle répond. On se connaît ?
– Qu’est-ce que tu racontes, Minjung ?
– Pourquoi est-ce que vous m’appelez Minjung ? Qui est cette Minjung ?
– Arrête ton char.
– Je ne vous connais pas et je ne connais pas de Minjung.
– Vraiment ?
– Vraiment.
Emmerdé, le type sort, avec son vélo et son « américano » pour fumer à l’extérieur.
Il revient.
Elle rit. S’excuse.
– J’ai une sœur jumelle qui s’appelle Minjung. Excusez moi, mais on n’arrête pas de m’aborder en me prenant pour elle.
Ils partent ensemble.
Elle rentre seule.
Chaque séquence est un plan. Un seul plan.
Un continuum ponctué par des zooms et des panoramiques.
Il y a trente six séquences et donc trente six plans.
Trente six chandelles.
Avec des noirs, un peu, de temps en temps.
Deux ou trois fois.
Et puis les cartons.
Etc.
Je prends des notes pendant tout le film, en me servant du téléphone plaqué contre le cahier pour éclairer la pointe du stylo.
Lorsque la lumière se rallume, je m’aperçois qu’une femme derrière moi a aussi pris des notes mais nous ne nous parlons pas.
Après, je file chez R.B., qui a préparé de la soupe, du fromage et des pommes.
On mange un morceau en discutant puis j’ausculte ses Mac et répare ses problèmes de mails et de système. Ca nous prend tout l’après-midi. Il faut mettre à jour le système et les logiciels. On termine à la maison.
Ensuite, on va acheter des gnocchis avec C. et on se prépare à manger.
Dîner puis sept familles et brossage de dents.
J’ai dit à A., l’institutrice, que je viendrai demain matin à l’ouverture aux parents. C’est à neuf heures.
Et maintenant un peu de lecture.